Le droit de vivre, avec ou sans emploi

Pour que les immolations par le feu de chômeurs, comme celle de Djamal Chaar, le 13 février à Nantes, ne se reproduisent jamais plus, il est temps de repenser le droit de vivre, avec ou sans emploi, d’ouvrir grands les yeux sur la catastrophe humanitaire qui sévit autour de nous, d’écouter la souffrance, le désespoir et les revendications légitimes des innombrables exclus qui n’en peuvent plus.

Djamal Chaar, ce chômeur immolé devant son agence Pôle Emploi, n’est ni le premier (1) ni le dernier (2). Il s’était vu réclamer un trop-perçu des allocations de chômage versées par erreur alors qu’il avait retravaillé comme intérimaire, cumulant de maigres allocations et un bout d’emploi précaire. Il estimait que ses heures de travail lui ouvrant des droits au chômage n’avaient pas été toutes prises en compte, mais il ne parvenait pas à faire réétudier son dossier par les agents de Pôle Emploi, eux-mêmes débordés et soumis à une pression croissante à la rentabilité.

Pôle Emploi procède à plus de 500 000 radiations par an, dont 90 % sont dues à une absence à convocation, la plupart du temps non reçue ou envoyée par Internet à des chômeurs sans équipement informatique. Combien d’hommes et de femmes, chômeurs ou travailleurs, devront-ils mourir pour que soit enfin entendu le refus de vivre dans l’indignité et dans la négation de leurs droits humains, sociaux et démocratiques ?

Pour que les «fins de droits» ne conduisent plus à des fins de vies, exigeons la fin des trop-perçus et des radiations iniques. Exigeons le respect des principes fondamentaux du droit national et international inscrits dans le préambule de la Constitution française et la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui reconnaissent à chacun le droit à une activité, un travail ou une formation librement choisis, et le droit à des moyens d’existence convenables. C’est-à-dire la garantie d’un revenu décent pour tous, avec ou sans emploi.

(1) Déjà plusieurs suicides de chômeurs en 2012, notamment à Dieppe et devant la CAF de Mantes-la-Jolie.

(2) Quatre tentatives ont suivi, dont celle d’un chômeur à Saint-Ouen le 15 février et un autre à Bois-Colombes le 6 mars.

 Lire aussi : Le Point d’indignation par Patrick Chamoiseau

*Miguel Benasayag, Saïd Bouamama, Paul Bouffartigue, Noëlle Burgi, Rada Ivekovic, Raoul-Marc Jennar, Bernard Langlois, Fabienne Messica, Edgar Morin, Evelyne Perrin, Josep Rafanell, Jacques Rancière, Vicky Skoumbi et Yannis Youlountas.