Évaluation des politiques publiques : pour l’utilisation d’indicateurs de bien-être

— Par Olivier Ernest Jean-Marie —

Le 9 décembre 2015, Alfred MARIE-JEANNE et Yan MONPLAISIR, dans l’entre-deux tours de l’élection des conseillers à l’Assemblée de Martinique, décident de fusionner les listes « Gran Sanblé Pour Réussir la Martinique » et « Ba Péyi-a An Chans ». Pour Clarifier leur démarche ils signent un contrat de mandature qui les engage en cas de victoire.

L’article 6 de ce contrat de mandature annonce la réalisation, tous les 2 ans, d’une évaluation des politiques publiques mises en œuvre.

A ma connaissance, à ce jour, la coalition « Gran Sanblé pou Ba Péyi-a An Chans » n’a pas encore publié sa première évaluation des politiques publiques.

La Martinique désirable que j’imagine est une Martinique où l’évaluation des politiques publiques ne resterait pas l’affaire des seuls élus, experts et cadres administratifs.

Dans cette démocratie martiniquaise désirable, les citoyens, premiers bénéficiaires des politiques publiques, seraient considérés comme des acteurs de l’évaluation. Des citoyens impliqués dans des dispositifs participatifs d’évaluation sincères et transparents.

De tels dispositifs permettraient aux citoyens d’indiquer ce qui compte vraiment pour eux et de suivre les évaluations une fois qu’elles auraient été réalisées.

Dans cette démocratie martiniquaise désirable, j’imagine des décideurs publics qui conjointement à la publication des résultats des évaluations, communiqueraient les décisions qu’ils auraient prises pour corriger, supprimer, réorienter ou ajuster les politiques publiques évaluées.

Je suis confiant.

Je suis confiant parce qu’une nouvelle culture de l’évaluation des politiques publiques donne naissance à des initiatives concrètes qui pourraient nous inspirer. C’est le cas de la démarche « IBEST » (Indicateurs de Bien-Etre Soutenable Territorialisé) de Grenoble Alpes Métropole.

La méthode IBEST, une philosophie du développement disruptive

Grenoble Alpes Métropole est un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) regroupant 49 villes et villages disposant d’un budget de 607 millions € pour servir une population de 445 516 habitants.

Pour mémoire, évaluer une politique publique, c’est mesurer les résultats d’une action publique par rapport aux objectifs qui lui étaient assignés. Qui dit mesure, dit indicateurs.

Pour définir et évaluer les politiques publiques prioritaires, Grenoble Alpes Métropole a mené avec des citoyens, des élus, des universitaires et des experts une grande concertation qui a débouché sur la création d’indicateurs de bien-être soutenable territorialisé (IBEST).

Il s’est alors agi de définir un système de représentation du développement dépassant les limites posées par la seule mesure de la richesse monétaire.

L’exercice a consisté à articuler la perception du bien-être particulier avec la vision du bien commun d’aujourd’hui et de demain des habitants.

Dans les statistiques habituelles, souvent ce qui compte pour les gens (l’amour, les relations humaines, la santé, le cadre de vie, l’épanouissement) ne correspond pas à ce qui est compté. Prenons l’exemple de l’indicateur « PIB » (Produit Intérieur Brut). La croissance du PIB est considérée comme l’indicateur de la performance et de la santé économique d’un pays. Le ratio PIB par habitant mesure, quant à lui, le niveau de vie.

Or dans le calcul du PIB, tout ce qui ne s’échange pas contre de l’argent n’existe pas (le travail domestique, l’entraide, les relations familiales et amicales, le bénévolat dans les associations, la qualité de l’air et de l’eau, l’autoconsommation, …). Pire, une catastrophe naturelle comme l’échouage des algues sargasses va contribuer positivement à la croissance du PIB en accroissant les ventes de matériels électroménagers, les locations d’engins de travaux publics, les consultations médicales et le chiffre d’affaires des pharmacies.

Les 8 dimensions du bien-être soutenable de Grenoble Alpes Métropole

L’objectif de la démarche de Grenoble Alpes Métropole a été de mieux connaître la perception que les habitants avaient de leur bien-être individuel et du bien commun. Qu’est-ce qui comptait pour eux ? Sur quoi les politiques publiques devaient-elles mettre l’accent ? comment mesurer l’impact des politiques publiques sur ce qui comptait vraiment pour les habitants ?

Voici les 8 thématiques qui, après une large consultation, ont été retenues pour connaître les aspirations des habitants pour inspirer les politiques publiques à initier et à évaluer par Grenoble Alpes Métropole :

1. Le travail et l’emploi

2. L’affirmation de soi et l’engagement au service des autres

3. La démocratie et le « vivre-ensemble »

4. Le temps et le rythme de vie

5. La satisfaction des besoins fondamentaux : alimentation, santé, logement, niveau de revenu décent.

6. L’accès et l’utilisation des services publics

7. La santé

8. L’environnement naturel

Evaluation des politiques publiques de la Collectivité Territoriale de Martinique : quels documents de référence ?

L’enjeu, pour nous en Martinique, est de créer des indicateurs de ce qui compte pour les Martiniquais. Des indicateurs qui seront pris en compte par les décideurs pour concevoir, mettre en œuvre, évaluer et ajuster les politiques publiques.

Pour évaluer les politiques publiques d’une collectivité, il faut une formalisation des objectifs de départ.

Pour évaluer les politiques publiques de la Collectivité Territoriale de Martinique, faut-il prendre comme référence initiale le programme du « Gran Sanblé pour Réussir la Martinique » et celui de le liste « Ba Péyi-a An Chans » ou le contrat de mandature du 9 décembre 2015 ?

Je suggère de commencer par le contrat de mandature.

La conception et l’évaluation de politiques publiques répondant aux objectifs des articles suivants de ce contrat de mandature pourraient s’inspirer de la méthode IBEST de Grenoble Alpes Métropole.

Article 1 : développement de l’économie sociale et solidaire,

Article 2 : Mise en place d’un nouveau modèle économique,

Article 4 : Politique ambitieuse de valorisation des talents pour l’épanouissement du plus grand nombre

Article 8 : priorité au redressement économique et social de la Martinique et à la protection de son environnement.

Je précise que, bien sûr, « s’inspirer de » ne consiste pas imiter mécaniquement.

Je fais confiance à nos capacités d’invention pour co-construire des indicateurs qui résonnent harmonieusement avec notre histoire, avec notre culture, avec notre climat, avec notre Être singulier et avec la contribution originale que nous voulons offrir à l’humanité.

Pour aller plus loin :

https://youtu.be/B06XbdLFa78

http://bienetre.lametro.fr/

http://creg.univ-grenoble-alpes.fr/operations-de-recherche/projet-ibest-174980.htm

Olivier Ernest JEAN-MARIE

Citoyen

Publié le 7 décembre 2018 sur :http://www.oejm.net/actualite/evaluation-des-politiques-publiques-pour-lutilisation-dindicateurs-de-bien-etre/