« Cyclones » : trop c’est trop!

— Par Roland Sabra —
cyclones-1La brise rafraîchit. L’ Alyzé, comme son nom l’indique est lisse, régulier, poli et délicat. La bise est glaciale. Le cyclone tourne en rond et quand il se conjugue au pluriel il tourne en rond jusqu’à l’ennui. Trève de poncifs. De quoi s’agit-il dans Cyclones la pièce de Daniely Francisque mise en scène par Patrice Le Namouric dont la première a eu lieu au Pitt Colonnette à Ducos ? Sous les tropiques à l ‘approche d’un cyclone une femme solitaire, Léna, se barricade dans sa maison quand une autre femme plus jeune frappe à sa porte, lui demande refuge et se présente comme étant Aline, sa sœur. On découvrira qu’elle est sa sœur et plus encore…
Ce « plus encore », que l’on devine assez rapidement, « explique », selon la mise en scène, la déréliction de Léna, ses mouvements saccadés, ses gestes d’automates, son corps plié, cassé, broyé, son agressivité, sa violence verbale et physique, cette voix de petite fille qui surgit du fond de ses entrailles, son penchant pour la divine bouteille. Figure absolue de la victime, enfermée dans la perte de sa raison elle tourne en rond entre les quatre planches de sa baraque, entraînant sa « plus que sœur » au creux de sa folie. Si la thématique est intéressante la façon dont elle est traitée sombre dans l’ennui à force d »outrances. Si les postures gestuelles poussées au paroxysme empruntent au registre des marionnettes, est-ce pour nous dire que la victime de traumatismes infantiles répétés de s’appartient plus ? Qu’elle est mue par autrui ? Les ficelles, pour le coup sont un peu grosses. Fallait-il, pour sensibiliser le public à la souffrance suggérée ajouter au personnage principal un fort tropisme pour la sorcellerie ? On verse dans la guignolade de mauvais goût. Devait-on pour accentuer la dimension dramatique inciter les comédiennes à déclamer dans l’emphase à la façon Sarah Bernhardt. ? On frôle le ridicule. De même l’idée lumineuse en son essence d’utiliser une arène théâtrale est assombrie par des déplacements sur le plateau d’une infinie lenteur exposant pendant de longues minutes au spectateur le dos des protagonistes. On regarde sa montre.
Déclarer comme la note d’intention l’affirme que «Le corps et son mouvement structurent l’art de la compagnie TRACK . La mise en scène fait du corps des actrices la colonne vertébrale de ce spectacle vivant. » est une chose, le mettre en œuvre en est une autre. Les apports des conseillers techniques Yves Marc (mime corporel), Josiane Antourel (danse, chorégraphie), Roseline Cyrille (chant, voix) ne semblent à aucun moment converger au service d’une lecture cohérente du texte. Que reste-t-il de la technique et de la méthode enseignée par Étienne Decroux pour faire du corps le moyen d’expression premier du drame ? Des exercices de gymnastique. On assiste à un patchwork de bonnes intentions restées dans les limbes d’un projet en devenir faute d’un propos clair et construit.
Daniely Francisque et Patrice Le Namouric ont eu des collaborations bien plus réussies et bien plus fructueuses par le passé. Leurs réels talents ne sont pas en cause dans ce qui ressemble à un fourvoiement, une erreur d’aiguillage… Erreur d’autant plus regrettable que le thème de la pièce est d’une actualité cachée certes mais bien vivante qui ronge le corps social de ces secrets que chacun sait.

Fort-de-France, le 31/01/2016

R.S.

Comédiennes : Daniely Francisque et Gloriah Bonheur
Scénographie : Jean-Claude Psyché
Costumes : Olivier Couturier
Musique : Grégory Privat
Son : Didier Adréa
Lumières : Marc-Olivier René
Conseillers artistiques : Yves Marc (mime corporel), Josiane Antourel (danse, chorégraphie), Roseline Cyrille (chant, voix)
Photo et vidéo : Nicolas Derné et Vianney Sotès

Partenaires
Soutiens : DAC Martinique, CTM Martinique, Association ICAR
Partenaires : Domaine de Fonds St-Jacques, Tropiques Atrium Scène Nationale
Production & Diffusion : TRACK

Cyclones de la compagnie TRACK est une création réalisée dans le cadre des résidences du Centre Culturel de Rencontre Domaine de Fonds Saint-Jacques – Centre des Cultures & des Arts de la Caraïbe.