Au-delà du PIB, retrouvons le sens de nos politiques économiques

— Par Eva Sas —

chapeau_bipAujourd’hui, à l’Assemblée nationale, une proposition de loi sur les nouveaux indicateurs de richesse est discutée. L’enjeu est de repenser nos politiques de l’emploi et de réduction des inégalités.

Depuis le rapport commission Stiglitz-Sen-Fitoussi sur la mesure des performances économiques et du progrès social, en septembre 2009, de nouveaux indicateurs ont été mis en place, notamment les enquêtes de l’Insee sur les inégalités de revenus, ou l’empreinte carbone de la France, suivie par le Commissariat général au développement durable. Mais nous devons franchir une nouvelle étape pour que d’autres indicateurs de qualité de vie et de développement durable soient suivis et communiqués au même titre et au même niveau que le PIB, qui constitue aujourd’hui le seul critère de réussite de nos politiques publiques. Un consensus est à créer sur le choix de ces indicateurs, mais l’on peut imaginer d’introduire celui de santé sociale, qui rend compte de la situation du pays au regard des inégalités de revenus, de l’espérance de vie, du chômage et de la pauvreté, ainsi que l’empreinte écologique qui synthétise la pression environnementale que notre consommation exerce sur les ressources naturelles.

La mise en place de ces nouveaux indicateurs de richesse, aux côtés du PIB, est d’autant plus indispensable que l’hypothèse d’un scénario de croissance faible sur longue période ne peut plus être écartée. Depuis 1960, on constate une baisse structurelle du taux de croissance. Depuis 2001, la croissance annuelle du PIB n’a jamais dépassé 2,5%. Est-ce une mauvaise nouvelle ? Pas nécessairement si l’on revient aux véritables objectifs de nos politiques économiques et budgétaires : l’emploi, la réduction des inégalités, l’amélioration de la qualité de vie de nos concitoyens. Le PIB n’est qu’un objectif intermédiaire qui a trop longtemps été considéré comme incontournable. Il est temps aujourd’hui de penser les politiques de l’emploi ou de réduction des inégalités en tant que telles, sans faire de la croissance un prérequis. Politiques qui pourraient d’ailleurs avoir un impact positif sur la croissance, mais cela reste en définitive secondaire.

La question environnementale est différente. Le PIB ne rend aujourd’hui compte en rien de l’épuisement des ressources naturelles que génèrent nos modes de consommation et de production. L’empreinte écologique d’un Français est aujourd’hui de 4,91 hectares. Si l’ensemble des habitants du monde avaient notre mode de vie, il faudrait 2,76 planètes pour y satisfaire. Au niveau mondial, notre consommation excède de plus de 50% la capacité de régénération de la planète. L’allégement de la pression que nous exerçons sur l’environnement est donc un objectif nécessaire, notre consommation d’aujourd’hui ne peut plus obérer la qualité de vie de nos enfants demain. Or, l’impact de nos politiques économiques ou budgétaires sur l’environnement n’est quasiment jamais évalué. Alors qu’elles ont des conséquences directes sur ces objectifs : investissements durables, fiscalité écologique, dépenses fiscales encourageant ou décourageant les comportements polluants… A faire du PIB le seul censeur de nos politiques économiques, on en oublie les conséquences environnementales de notre mode de développement, alors même que les deux objectifs devraient être poursuivis et pensés ensemble. Tant il est vrai qu’un investissement dans les politiques environnementales aurait un impact positif sur l’activité, et que notre développement ne sera soutenable à long terme que s’il est moins dépendant de ressources qui se font chaque année plus rares.

Il est donc temps de remettre notre économie dans le bon sens et de retrouver les objectifs premiers de nos politiques économiques et budgétaires : l’emploi, la réduction des inégalités, l’amélioration de la qualité de vie de nos concitoyens, la soutenabilité de nos modes de production, en dépassant ce qui aurait dû rester un objectif intermédiaire : la croissance du PIB.

Éva SAS Députée Europe Ecologie-les Verts (EE-LV), vice-présidente de la commission des finances de l’Assemblée nationale, auteure de la proposition de loi Nouveaux indicateurs de richesse