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L’autre Césaire : Suzanne, lumineuse dissidente

— Par Dominique Daeschler —

En fond d’un plateau noir, de dos, trois femmes accoudées à une table de bar, nous offrent, sur un air jazzy mâtiné de lumières tamisées, la vision de postérieurs joliment gainés. Atmosphère ! Atmosphère ! La volteface n’en est que plus saisissante !
En s’avançant sur le devant de la scène avec table et sièges, le temps d’un verre partagé, elles saisissent à bras le corps le verbe de Suzanne Césaire, proche des surréalistes et plume acérée de Tropiques.
C’est dans les écrits de dissidence que Daniel Maximin (auteur d’un livre sur Suzanne Césaire) s’est plongé pour constituer ce qui fait spectacle. Bonne pioche. Hassane Kouyaté, pour servir sa mise en scène les a assemblés à sa guise, prenant comme point de départ la terre insulaire.
L’écriture de Suzanne Césaire est dansante, imagée dans la forme, maniant la formule et l’incise. C’est sans détours ni ménagements qu’elle trace l’histoire de « sa » Martinique, nous faisant entrer, presque par effraction, dans sa terre. Odeur de la canne, chant du pipiri, luxuriance de la végétation : : on est loin d’un exotisme de carte postale.

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Avignon 2018 : « Le voyage de D. Cholb ou penser contre soi-même », de Bernard Bloch (Off)


—Par Dominique Daeschler —
En 2013, Bernard Bloch, (Dranreb Cholb est son anagramme), effectue un voyage en autocar organisé par Témoignage Chrétien en Cisjordanie (qu’il prolongera en Israël). Il est le seul juif athée au milieu d’un groupe de catholique. . De cette expérience essentielle il tirera un livre « Dix jours en terre ceinte » qu’il a souhaité adapter au théâtre.
C’est bien l’envie de comprendre la permanence du conflit, de rencontrer des civils de part et d’autre, de confronter ses souvenirs avec ses liens familiaux, d’aller au centre de aveuglements perpétués de part et d’autre qui le motivent.
Bernard Bloch, assis de dos sur scène, confie le récit du voyage à Patrick le Mauff, reprécise, commente, interroge. Ce dialogue en fraternité pourrait être celui d’Israël et de la Palestine ? Il est donné dans une volonté d’ouverture qui n’exclut pas la subjectivité au sens premier du terme. Une vidée fait défiler paysages et visages. Les échanges vécus sont reconstitués avec des comédiens qui jouent le jeu de points de vue différents, constituant un fil rouge. Cette mise à distance est servie par des comédiens exceptionnels dont on sent la proximité avec Bernard Bloch, comme un engagement.

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Avignon 2018 : Sol (0ff) / Ver (Off) / Mémoire de naissance (0ff)

— Par Dominique Daeschler —

Sol (0ff) /

Accompagné par deux musiciens, Paul Wamo, poète kanak prend la scène comme il prend le verbe, le répétant, l’exultant, le portant aux nues ou en enfer. Il chante, slame, danse, s’offrant une respiration quand il atteint la lune ou le soleil. Il ouvre « le ciel des avions jaunes » lui le « noir qui tape à l’œil » et l’on comprend vite qu’il est sans limites quand il parle de sa terre, de la mort qui arrive comme marée haute. Il associe les mots, joue d’une grammaire des sons où il crée ses propres accords. C’est incisif, tourbillonnant, entêtant comme une vérité que l’on assène car il y a dans la personne et dans la voix une générosité qui appelle à le rejoindre dans son univers poétique grave et fêlé.

Ver (Off)
A la maison de la poésie où l’on retrouve de plaisir de caresser et de feuilleter des livres à portée de main, un choix qui eut étonner : un jeune comédien Julien Barret crée un spectacle « verre en mains » : venez prendre un vers, venez boire un mot, vous allez déguster.

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Avignon 2018 – « Certaines n’avaient jamais vu la mer » & « Pale blue dot » – IN


— Par Dominique Daeschler —

Certaines n’avaient jamais vu la mer
C’est à un sujet tabou, l’histoire des américano-japonais de la seconde moitié du 19esiècle à Pearl Harbor, que sont attaqués Julie Otsuka dans son roman puis Richard Brunel dans l’adaptation.
A une première émigration de travailleurs japonais aux USA succède une période d’établissement avec la mise en lace de ghettos urbains et l’arrivée en masse de femmes venues du Japon épouser des compatriotes inconnus (c’est le point de départ du roman et de la pièce). Sont évoqués la nouvelle génération (enfants nés avec la nationalité américaine) puis à partir de 1942 l’expulsion, l’incarcération, la déportation des américano-japonais.
Le récit qui débute avec l’arrivée des femmes en bateau, donné sur le plateau dans un mode incantatoire par hui femmes et quatre hommes, fait appel au chœur et à la confession individuelle. C’est leur prise de parole qui charpente le point de vue scénique. Des cloisons et des chariots mobiles traversent l’espace à l’unisson d’une mise en scène qui joue du travelling et du gros plan, de la projection du plein écran et du champ contre champ, avec un sol qui se délite comme une terre brûlée.

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Avignon 2018 – « 36 avenue Georges Mandel » – (IN)

— Par Dominique Daeschler —

En hommage à Callas, dans l’espace sacré du cloître des Célestins où les platanes font voûte, Raimund Hoghe prend tous les risques, confrontant son corps menu à l’inamovible des pierres et à la vibrante démesure de la cantatrice. Avec humilité et une extrême concentration, il trace ses chemins, construit son labyrinthe, évoque l’errance et la solitude. Apportant une signification symbolique à tous ces petits tas de vêtements repères et tombes à secrets, il s’arrête, prend le public en pleine face avant d’oser « une fente » de profil. Que reste t ‘il du mouvement dans des postures figées ? Que dit un geste non terminé, arrêté dans son envol ? Les éléments du corps (tête, bras, épaules, jambes), à l’affût du chant, semblent se déplacer en autonomie formant un cosmos qui a ses propres règles. Dans l’épuration, la radicalité de la lenteur voire de l’immobilisme, la communion entre voix et mouvement se fait presque oppressante, rappelant une Callas morte dans l’oubli. De l’icône de la cantatrice, de « l’image » du danseur, il ne reste rien : le travail se fait dans les failles, pour dire que l’Art se construit avec des fragilités, des souffles et des formes éphémères.

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Avignon 2018 : « De Dingen die voorbijgaan: les choses qui passent », d’après Louis Couperus, m.e.s. Ivo Van Hove (In)


Ivo Van Hove, metteur en scène des Damnés (en cour d’honneur il y a deux ans) nous plonge dans une saga familiale, digne de « Dallas » quant à ses turpitudes. A partir d’une adaptation de trois romans de Louis Couperus auteur néerlandais de la fin du 19esiècle.
Quinze comédiens et un musicien vont opérer dans un univers clos qui ressemble à une salle d’attente d’aéroport avec, taguées sur ses murs de verre, des figures grimaçantes. Tout de noir vêtus, en deuil d’eux-mêmes, ils vont jouer diverses partitions en duo, trio, quatuor… avec un minimum d’accessoires et sans autre mobilier scénique qu’une étrange table horloge. Au centre de l’histoire, un meurtre perpétué par un vieux couple d’amants sert de socle au non-dit qui ronge toute une famille qui sait : celui qui a vu, celui qui a répété…Le ver est dans le fruit. Les couples sont disparates, les jeunes jouent les vieux et vice versa. On aborde la pédophilie de l’un, l’hystérie de l’autre, l’homosexualité latente, la gourmandise sexuelle ou son refus, le marchandage. Je vous le dis « un univers impitoyable » où jusqu’ à la mort des très vieux, il y aura révélation de filiation, afin de bien ébranler ces liens familiaux et d’en montrer l’iniquité.

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Avignon 2018 : « Zone » (Off) / « Mama » (In)

« Zone » (Off) d’après Mathias Enard, adaptation & m.e.s. de Marilyn Leray, Marc Tsypkine de Kerblay
Des livres de Mathias Enard Marilyn Leray dit avoir gardé une unique grande phrase qui tout le long du spectacle sera hachée, syncopée, arrêtée dans un crissement de ces vieux trains fatigués qui traversent l’Europe.
Le parcours d’un ancien agent secret qui souhaite livrer contre monnaie sonnante et trébuchante moult secrets d’état, est examiné à la loue, ravivé, éclaté (marche arrière et marche avant !). Quatre comédiens dans un no man land scénique impossible à décrire sinon comme un terrain vague aux astuces de survie que sont la vidéo, le son, l’installation, le verbe. Le théâtre pousse comme une mauvaise herbe au milieu des seaux, des couchages de fortune, des ordinateurs, se fait investigateur pour parler, en rebond, des guerres d’aujourd’hui. Roule le train. Les comédiens manipulent, changent à vue et nous plongent, témoins et acteurs dans notre monde et ses violences. En toute simplicité cet échange en « terrain miné » nous renvoie sans coup férir à nos propres zones d’obscurité et d’incertitude.
Dominique Daeschler

« Mama » texte & m.e.s.

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Avignon 2018 – « Saison sèche » – (IN)

— Par Dominique Daeschler —

Petit coup de massue en introduction : sur scène Phia Ménard, metteuse en scène, assène « je te claque la chatte »et s’en va. Ce n’est as la peine de la traquer sur les questions du genre de de l’indiscipline. Son discours et son œuvre sont telluriques.
Emprisonnés dans une boîte aux hauts murs, au plafond qui remonte ou descend, sept femmes vêtues d’une robe sac informe errent, cherchant la faille qui détruira la maison patriarcale. Le jeu n’est pas égal : d’un côté la force d’un pouvoir ancestral reconnu par la société, de l’autre une volonté de libération qui conduit à la construction politique de revendication de la liberté. De l’individu à la bande, de la bande au groupe, une maturation se fait en place. Le corps, objet politique, est nu, peint, déguisé en homme avec férocité et humour, pastichant sa place et son rôle dans une société aux désirs ajustés à la norme.
A chaque pensée une image forte et une recherche plastique, se jouant des clichés pour filer la métaphore avec les moyens de la danse, de l’acrobatie, de la performance.

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Avignon 2018 – « Tio » – (Off) / « Pur Présent » (In)

« TIO, itinéraire d’une enfant de Brassens » de Christina Rosmin

— Par Dominique Daeschler —

Tio (Off)

C’est peu de dire que Christina Rosmini a de l’abattage. Il fallait un certain culot pour s’approprier l’héritage de Brassens à travers sa propre histoire familiale. Petite fille d’ouvriers venus d’Espagne, d’Italie, de Corse, Christina Rosmini fait entrer Brassens dans la tribu : que dieu reconnaisse les siens ! Brassens c’est « un tio », l’oncle qui donne par ses chansons accès à une poétique que chacun peut ressentir. Entre flamenco et chanson à texte, Christina Rosmini danse, conte, saisit sa guitare, passant d’une langue à l’autre (admirable version franco espagnole de Saturne) tout en déroulant une histoire qui prend en compte une documentation sérieuse sur le chanteur. C’est enlevé et inventif. La voix est sûre, colorée comme un arc en ciel qui connaît les tumultes de l’orage. L’accompagnement de musiciens chevronnés (percussions et guitare) ponctuent, relancent, ajoutant à la perfection de ce spectacle peaufiné. Un double regret : un espace confiné qui ne permet pas de parler de mise en scène et un décor trop banal et convenu pour la densité de la parole et du jeu.

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Avignon 2018 – « Le Misanthrope » – « Le comte de Monte-Cristo » – (Off)

Le Misanthrope, Molière,  m.e.s. Claire Guyot (Off)

— Par Dominique Daeschler —

Quelle belle idée que ce Misanthrope à la sauce politique ! traité tambour battant dans le texte de Molière, justement revigoré par ce coup de jeune ! Nous voilà dans les cabinets de ministre avec Alceste en « spin doctor ». Ça gesticule, ça communique, ça conspire ça flatte ! le pouvoir vous dis-je ! Pour qui connaît un peu le monde des éléments langage » du TTS (très très signalé), c’est un régal § Claire Guyot metteur en scène a su diviser son espace scénique de façon à rendre lisibles ses fonctions : q g, salon, bar de luxe. Les éclairages entrent astucieusement dans la construction du décor, apportant une dimension cinématographique à l’espace et en donnant un côté « people » aux acteurs. Pour Alceste, qui veut quitter le monde sans empathie de la politique reste un espoir ; entraîner la belle Célimène loin de cet « entre soi » grêlé de coups tordus. Fi donc ! Molière étant respecté jusqu’au bout Alceste se prend un râteau.
Tonique, insolent, faisant passer la primauté du politique ? le Misanthrope de Claire Guyot gagne nos voix haut la main, bien servi par une équipe de comédiens solides et solidaires dans le jeu.

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Avignon 2018 – « Ton beau capitaine » – (Off)

Texte de Simone Schwartz-Bart / m.e.s. Maud Galet Lalande

— Par Dominique Daeschler —

Wilnor dans sa « cage » en tiges de bois nous longe en voyeur dans la réalité de sa pauvreté, réalité loin de son rêve d’une maison à colonnades. Loin de chez lui, il fait partie de ces immigrés séparés de leur famille qui envoient de quoi vivre chaque mois. Il correspond par cassettes avec marie Ange la bien nommée dont le traitement en mapping vidéo accentue encore la distance la part rêvée.

Le beau texte de Simone Schwarz Bart est célébré avec simplicité, magnifiant les trouvailles de la langue créole qui crie l’absence, la séparation, la reconstitution et nous interroge tous, exilés ou non, sur la construction de l’amour. Une mise en scène épurée joue de ce donné et de ce fabriqué, du dedans, dehors comme d’un espace symbolique. Wilnor est à la fois naïf et petit joueur dans le mensonge. Marie Ange triche aussi jusqu’à la preuve (l’enfant) de l’adultère. Le dialogue se perd, se renoue dans l’impossibilité d’accepter les réalités auxquelles l’un et l’autre sont confrontés. Il y a de l’orgueil, de la colère, de l’humilité, du désarroi, du déni chez ces deux personnages qui d’une certaine façon sont traités en miroir par la mise en scène.

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Dak’Art 2018, Biennale d’Art africain contemporain

Artistes plasticiens à la conquête d’une « nouvelle humanité »

— Par Dominique Daeschler —

Convoquant Aimé Césaire pour définir « l’heure rouge » thème de la biennale conduite par Simon Njami, le Sénégal invite 75 artistes venus de 37 pays africains ou ayant une filiation avec l’Afrique. Sept lieux dans le in, trois cents dans le off : du musé à la friche en passant par les hôtels, ls maisons, les centres culturels, c’est tout Dakar qui est investi par les arts plastiques avec une délocalisation qui passe par Gorée, Yenne, St louis…

Vous avez dit in

Des lieux in, on retiendra essentiellement l’ancien Palais de Justice. L’agencement des œuvres n’est pas sans rappeler la grande exposition Lucioles mise en place avec bonheur par la Collection Lambert dans … la prison Ste Anne désaffectée !

Même usage des espaces communs et des cellules consacrées à un artiste en particulier : la conjugaison de notions d’émancipation, de liberté, de responsabilité induite dans « l’heure rouge » prend alors une dimension symbolique particulière de « l’au-delà des mers » qui peut nous conduire à la volonté de « nouvelle humanité » de Fanon même si ce concept est plus riche et complexe chez ce dernier.

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« Looking for Alceste » : la traque à une misanthropie omniprésente

— Par Dominique Daeschler —

Comme Al Pacino avait réalisé son « looking for Richard » pour dire son amour de Shakespeare en prenant la liberté d’un travail conduit comme une enquête, Nicolas Bonneau, metteur en scène et comédien d’ailleurs seul en scène ; nous révèle avec « Looking for Alceste », à travers des répliques de Molière et un récit contemporain, les différentes formes de la misanthropie.

Un divan qui n’est pas sans rappeler l’émission télévisée de Fogiel, un immense cadre avec un voile noir tel une glace sans tain, laissant apparaître deux musiciennes (voix extraordinaire de Fannystatic) : c’est parti ! Entrons gaiment dans le bazar des souvenirs personnels (l’anniversaire, le foot, le père, l’huluberlu du quartier et plus loin les gens : les « babos », les zadistes, l’ermite… Tout ce qui lie et qui sépare : le portable, le crash Rio – Paris font irruption, en désordre parent. Il y a des phrases non finies ponctuées de « Be Happy » et de longues tirades de Molière où tous les Alceste sortent du trou.

Ce spectacle à l’humour grinçant nous donne le vertige quant à la lecture de notre temps.

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Bâle: Bon anniversaire Monsieur Baselitz!

— Par Dominique Daeschler —

Le Kunstmuseum et la Fondation Beyeler ont accordé leurs violons pour offrir aux amateurs d’art deux expositions pendant la même période, judicieusement complémentaires quant à l’œuvre de Georg Baselitz.

Le Kunstmuseum consacre son exposition aux œuvres sur papier (149 dessins). A la Fondation Beyeler, la rétrospective porte sur la peinture (90 toiles) et la sculpture (12). Tant dans les œuvres sur papier que dans les peintures, on retrouve l’asymétrie, les brisures, l’usage du double et de la métamorphose. Nourri de l’histoire de la peinture européenne et américaine, Baselitz joue avec la mémoire et sa réinterprétation. Son langage figuratif s’approprie des éléments stylistiques sans craindre l’ambivalence du sens, la contradiction. Il y a un cosmos Baselitz.

Dans les dessins comme en peinture, des images, des thèmes sont récurrents. Aussi des dessins on retiendra d’abord la richesse des techniques utilisées (fusain, craie, pastel, crayon, encre, aquarelle) et la création d’un espace créant un aller- retour «attirance-répulsion» autour d’une figure, d’un objet réinterprété conduisant le public à suspendre tout avis esthétique construit sur des critères classiques. Deux ensembles de 12 grands dessins noir et blanc rassemblés en mosaïque, nous entraîne pleinement dans cet univers arraché, morcelé, blessé «tête à l’envers».

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Un petit tour au Centre Pompidou : rétrospective César, Sheila Hicks, Jim Dine

— Par Dominique Daeschler —

Rétrospective César :

Le grand pouce de 6m de hauteur en bronze poli dressé sur l’esplanade ne manque pas de nous faire penser au signe utilisé dans les combats de gladiateurs : enfin semble dire César, nous y voilà ! A trop jouer les stars, l’institution l’avait snobé !
L’exposition thématique suit l’artiste dans cinq grands modes d’expression qui cohabitent parfois, nous renvoyant à l’importance essentielle que l’artiste accordait aux matériaux et à la conquête de nouvelles techniques. Allant glaner aux puces, chez les brocanteurs ou dans les « casses » où il se laisse fasciner par les compresseurs, César joue des formes, fait matière à partir de rebuts, d’objets de la vie quotidienne, fait sculpture, l’exprimant dans une perpétuelle mutation.
Les fers soudés
lui permettent en utilisant la soudure à l’arc de travailler avec souplesse, de cisailler, écraser en utilisant boulons, clous, vis…. De la ferraille naissent des animaux (poules, chauves souris) et déjà une série de grands panneaux reliefs avec des morceaux froissés (ailes et plaques de voitures) annonce les compressions et son goût de la polychromie.
Les compressions
César se saisit de ces voitures compressées de façon cubique dans les « casses » les considérant comme sculptures à part entière puis les travaille, en formes, matières, couleurs en choisissant certains éléments et le degré de compression.

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Pleins feux sur Kery James : théâtre, rap, portrait.

— Par Dominique Daeschler —

En trois temps, trois mouvements, Kery James décline avec efficacité, avec passion mais sans emphase la devise républicaine Liberté, Egalité, Fraternité, intervertissant l’ordre : pas de liberté sans avoir conquis l’égalité grâce à la fraternité.

Premier round : au théâtre avec A vif

Récemment en reprise au Rond Point à Paris, A vif, la pièce de et avec Kery James (rappeur né en Guadeloupe aux Abymes), créée en début d’année à la scène nationale bipolaire de Lons le Saunier et Dole dans une mise en scène du sénégalais Jean Pierre Baro fortement impliqué sur des sujets d’engagement politique et citoyen ( discriminations, racisme, identité, dérives du pouvoir..) conforte l’option de citoyenneté responsable prise par Kery James.
Dans A VIF, Jean Pierre Baro met en scène deux avocats (Kery James, Yannick Landrein) qui argumentent, en une joute oratoire, sur la responsabilité de l’Etat dans les divisions actuelles en « deux France ». Pour, le blanc, avec un côté bien propret et gentil garçon, contre, le noir, issu des banlieues.
Première intelligence : avoir donné à Kery le rôle valorisant, la responsabilité individuelle citoyenne, la maturation que nécessite la conscience collective et son urgence.

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Renc’Art : des rencontres cinématographiques fondées sur des avant-premières

— Par Dominique Daeschler —

Au nouveau Méliès flambant neuf, se succèdent programmation classique, travail avec les publics (sensibilisation, formation) et, en fleuron, divers festivals dont Renc’ Art qui cumule 12 films en avant –première et des invités prestigieux tels Tonie Marshall, Raoul Peck, Laurent Cantet….Une bonne idée : présenter parfois en « vedette américaine » un court métrage, un documentaire.
On retiendra Le Bleu, blanc, rouge de mes cheveux de la jeune Josza Anjembe. Son héroïne, jeune camerounaise née en France s’oppose à son père pour avoir la nationalité française et l’obtient, au sacrifice de ses cheveux qui ne rentrent pas dans le cadre de la photo officielle. Avec pudeur, dans une économie voulue de langage, la cinéaste privilégie les situations, donnant au sacrifice de la chevelure un poids symbolique exprimant toute la douleur qu’il y a à être d’ici et d’ailleurs exprimant la complexité de l’identité. Un travail fort, une jeune réalisatrice à suivre.
Des réalisatrices à l’honneur
Demain et tous les autres jours de Noémie Lvosky
Mathilde a une enfance particulière. Elle protège sa mère, aux bornes de la folie (sublime scène où cette dernière va s’acheter une robe de mariée qu’elle met pour traverser tout Paris sous la pluie).Fugueuse,

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Habdaphaï : « Prière de ne pas effacer »

— Par Dominique Daeschler —

Exposition de dessins et de livres sculptures

Nourri par une culture syncrétique, Habdaphaï conte sur les murs et des objets singuliers des histoires en séries déclinant la problématique identitaire et ses cheminements. Sautant de flaque en sillon, avec plus d’un tour dans sa besace, il sème pour entrer en résistance, prendre son envol ? s’insérer dans l’espace -temps pour nous inviter au partage.

Les dessins en noir et blanc, à l’encre et au feutre, offrent un tracé précis, à même la peau, avec talent de dentellière. Un personnage, bien campé sur ses jambes, porte comme un fardeau et comme une victoire, au-dessus de sa tête « l’autre » et « l’entre-soi » pour traverser l’histoire bouleversée des hommes. Territoires à conquérir et à apprivoiser : la marche est longue et le chemin est labyrinthe.

Les livres-sculptures rendent noblesse aux éléments voués au rebut. Habdaphaï s’amuse avec le détournement, taille, incruste, creuse, transpose. Naissent des livres écrits d’ailes d’oiseaux, de ramures et d’alphabet perdu.

Avec les dessins d’êtres décidés en leurs errances, ils conduisent au cœur du « dit » de l’artiste : comment sortir du cadre, vivre sans frontières, mettre en mouvement sa vie à la hauteur de nos rêves.

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Bourgogne : entre résidences et festival, l’expérience réussie de la Bergerie, espace culturel en milieu rural

— Par Dominique Daeschler —

Photos de Christophe Casimir : Alfred et Lucie les coorganisateurs, Mustafa, public et Bergerie, Danse au lavoir

Insolite et roots, le festival de danse contemporaine conduit par les chorégraphes et danseurs Alfred Alerte et Lucie Anceau, à Soffin (Bourgogne, 38 habitants l’hiver) draine de jeunes équipes venues des quatre coins du monde. La Bergerie, bien connue du milieu professionnel, adoptée par la population locale et les vacanciers, est le lieu de résidence (création, ateliers) et de diffusion qui accueille cette 13ième mouture.
La Bergerie ? Au départ la ruine d’un bâtiment d’accueil des pèlerins de Compostelle que le martiniquais Alfred Alerte achète en l’état. Avec la complicité et l’aide des villageois, il se transforme en menuisier, charpentier, maçon, construit une vraie salle de spectacles dans le bâtiment avec régie et grill technique, des chambres, des espaces de repos, une scène en plein air, un espace camping avec douches …La dijonnaise Lucie n’est pas en reste, elle assure l’intendance, l’administration, le relationnel, décore. Ce travail, c’est leurs petites mains et leurs salaires avec la débrouille, les coups de main.

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Ibsen Huis-Toneelgroep-In

— par Dominique Daeschler —
Le metteur en scène Simon Stone, pour la première fois à Avignon nous offre une lecture très fouillée de l’univers d’Ibsen sur lequel il a longuement travaillé avec ses acteurs. Ce n’est pas une adaptation mais une transposition du sujet où se mêlent réflexion autobiographique et apport spécifique des acteurs dans la création des personnages. Nous entrons dans la vie ordinaire d’une famille qui se réunit dans une maison de vacances, réalisée sur scène sur un plateau tournant (très beau travail de scénographie de Lizzie Clachan). Par les larges baies vitrées nous avons accès à toutes les pièces : nous voilà voyeurs-violeurs de l’intime, entrant de plein pied dans la pathologie d’une famille du non dit. « Le temps ne fait rien à l’affaire », les générations se succèdent et on continue à se mentir, à se parler s’en s’entendre : inceste, homosexualité, drogue, rapports professionnels pipés où l’on se pique les projets, brouilles, arnaque immobilière….Le spectateur est mis en situation de travailler avec sa mémoire, il est sans cesse en train de refaire la généalogie car le récit n’est pas linéaire.

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Une ouverture aux comédiens en formation

— Par Dominique Daeschler —

En choisissant d’ouvrir les portes du in à des élèves comédiens (CNSAD) dans deux spectacles : On aura tout,  Claire, Anton et eux, Olivier Py  a eu souci de rappeler qu’être comédien est un métier….

Claire, Anton et eux-Cervantes-CNSAD – In

En fond de scène un portant chargé de costumes, à cour et à jardin des chaises et 14 comédiens qui bataillent avec leurs souvenirs, des pays, des situations, des familles, des rêves. Ils énoncent, partagent, prennent le relais, s’accueillent dans la mémoire et le corps de l’autre. Le plateau vibre du plaisir de jouer et de porter le besoin de parler. Un exercice réussi mais sans émotion.

Du côté du Off : le tout jeune  théâtre des deux galeries a ouvert sa première programmation à de jeunes comédiens élèves de grandes écoles.

Deux Frères-Compagnie de l’Illustre théâtre.

Trois comédiens qui souhaitent partager des textes d’auteurs  aux écritures singulières  et ont choisi  le nom d’une très célèbre troupe pour leur compagnie mettent collectivement en scène  la pièce d’un  jeune auteur italien Fausto Paravidino. Ce dernier travaille l’écriture au plan et à la séquence.

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Populations déplacées, migrants, déportés Du In au Off

— Par Dominique Daeschler —

Grensgeval-Tonelhuis -In

A partir des Suppliants de Elfriede Jelinek,  texte qui fait référence à notre histoire culturelle et européenne  en associant ses mouvements de population à l’histoire d’aujourd’hui, Guy Cassiers metteur en scène et Maud le Pladec  chorégraphe plongent dans la réponse ambigüe, protectionniste de l’Europe à l’égard des réfugiés. Avec quatre comédiens, seize danseurs, de la vidéo et un son ultra présent, le choix est fait de dire avec plusieurs voix, plusieurs corps. La parole est absorbée par les jeunes danseurs (du conservatoire royal d’Anvers) qui s’engagent et résistent tout à la fois : porosité, mouvement, distance. Le spectacle se présente comme un triptyque : le périple en bateau (atmosphère sombre, projection agrandie des corps et lents déplacements des planches), la marche en Europe en plein feu avec une profusion d’images et d’informations qui se catapultent sur un écran géant, l’arrivée dans une église (protection et huis clos) où chaque être est fondu dans la pénombre en une masse  informe. La réussite du spectacle tient beaucoup à son absence totale de redondance, d’illustration : chacun joue sa partition sans qu’on sache toujours qui parle, quelle image est la plus forte car le récit provocateur, violent coure comme torrent furieux.

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TOMA : un petit tour de piste avec Marie Pierre Bousquet

— Par Dominique Daeschler —

Prendre le petit escalier en colimaçon et s’arrêter au premier : à droite, à gauche ça bourdonne autour des téléphones, des ordinateurs, des imprimantes. On charge les photos ,consulte la presse, revoit un texte, prend des rendez vous ,s’occupe d l’intendance au sens premier ( les buffets du Toma font appel à tous les talents culinaires de la maison) et si l’on s’écroule dans le divan du petit salon ( esprit « puces » garanti) c’est encore pour prendre le temps d’expliquer, de résoudre, de rencontrer…C’est le domaine de Marie Pierre Bousquet codirectrice qui officie dans un petit bureau surchargé de paperasse rebelle en compagnie de Séverine l’administratrice : les murs cependant attestent avec consignes et planning d’une vraie conscience organisationnelle !
DD Vous avez un parcours de manager plongé jusqu’au cou dans l’économie libérale et hop, d’un coup le théâtre, c’est un changement radical …
MPB Oui, Sup de Co, IBM, ITACHI, la Banque, une société de super calculateurs, les marchés boursiers c’est un autre monde. Il y a eu toute une conjoncture d’évènements (époque du fameux serpent budgétaire européen) qui ont fait que les risques du change devenaient trop élevés.

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Festival d’Avignon : les critiques de Madinin’Art

Olivier Py et François Cervantès aux prises avec l’univers carcéral

— Par Dominique Daeschler —

Chacun l’aborde à sa façon. Depuis 2014 Olivier Py conduit un atelier de création avec Enzo Verdet au centre pénitentiaire du Pontet. Après Prométhée enchaîné, Hamlet est répété, joué l’an dernier dans le cadre de la prison et cette année au festival dans le salon de la mouette dans le cadre prestigieux de la Maison Jean Vilar pour trois représentations données, vu la petite jauge, à une poignée de spectateurs tirés au sort. Les détenus ont choisi Hamlet le révolté qui affronte l’autorité, la loi et le pouvoir et clame l’effondrement du politique. Hamlet impuissant à agir sur le monde se réfugie dans le théâtre. Le pont était lancé. Sur une scène dépouillée à l’extrême (une toile peinte en fond de scène et se déroulant au sol), Hamlet est empoigné à bras le corps et chacun joue sa partition avec un verbe qui sonne, vibre. Ces voix qui s’entendent, s’écoutent redonnent vie aux corps grandis par la dignité de la verticalité. Force des mots qui à travers le lien social introduisent le jeu avec des gestes à soi et de temps à autre des mots repères comme délinquant, petite pute, vieux con, pourri.

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