On ne naît pas homme, mais on peut le devenir

— Marie-José Sirach —

garcons_&_guillaumeEn portant à l’écran sa pièce de théâtre éponyme, Guillaume Gallienne nous livre une comédie pur jus qui, mine de rien, s’amuse pour mieux défaire stéréotypes et préjugés.

Les Garçons et Guillaume, à table ! de Guillaume Gallienne. France, 1 h 25. Guillaume Gallienne n’a pas le physique et encore moins la gueule de l’emploi. Ni Ventura, ni Cary Grant. Disons que s’il fallait lui coller une filiation, ce serait du côté d’un Bourvil ou d’un Bernard Ménez qu’il faudrait lorgner. Car il est de la trempe de ces acteurs au physique passe-partout qui recèlent une force intérieure capable de transcender leur fragilité, de se jouer de l’évidence et de révéler leur part d’ombre et de lumière de façon inattendue.

Sociétaire de la Comédie-Française, Guillaume Gallienne a, comme on dit communément, de la bouteille. Il est un acteur aguerri et atypique qui, au fil des ans, a creusé son sillon au théâtre. En portant à l’écran la pièce de théâtre du même nom, il franchit joyeusement le Rubicon, évitant l’adaptation linéaire, partageant le générique avec une sacrée brochette d’acteurs là où, sur les planches, il était seul à incarner tous les rôles, ce qui relevait davantage de la performance qu’autre chose. Pour le cinéma, il a su imaginer un film intime comme une aventure épique et rocambolesque dans lequel il incarne à la fois le fils et la mère dans une relation complexe et directe, tendre et rude, vivante et joyeuse autour de laquelle gravite toute une galaxie de personnages qui participent de ce récit de vie.

Les Garçons et Guillaume, à table ! est une comédie décomplexée, vive et intelligente qui aborde de front le sujet de l’identité. Qui suis-je ? Où vais-je ? Dans quelle étagère ? Guillaume n’est pas un garçon comme les autres. Pas sportif pour deux sous, il passe son temps à se déguiser. En fille, en princesse. À imiter sa mère dont la personnalité le fascine. Pour les figures féminines qui l’entourent, mère, grand-mère et tantes, ce n’est pas un problème. Son sort est quasiment réglé. Guillaume est homosexuel. Point. Alors Guillaume s’essaie à l’homosexualité comme d’autres font du yoga ou de la peinture sur soie. Côté paternel, qui semble porter aux nues et ailleurs la virilité, c’est l’incompréhension totale. Mais tout le monde semble s’accommoder de la situation. Sauf Guillaume, dont les tentatives amoureuses auprès des garçons sont des fiascos.

Ce n’est pas tant un film sur l’homosexualité ou l’hétérosexualité mais bien un film qui interroge la virilité. C’est quoi, un homme, un vrai ? La barbe et les biscotos, ou autre chose ? Rares sont les acteurs et les hommes qui s’aventurent sur ce terrain-là. C’est avouer, s’avouer, qu’on est sûr de rien, qu’il n’y a pas d’évidence. Une preuve d’intelligence, d’humilité. Et si ma mère avait raison ?

Marie-José Sirach
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