« Vera » : du bricolage!

— Par Michèle Bigot —

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De Petr Zelenka
M.E.S. Elise Vigier/Marcial Di Fonzo BO
Celestins-Théâtre de Lyon, 27/09>8/10 2016
Véra est la dernière pièce du dramaturge et cinéaste tchèque Petr Zelenka. Après traduction, Pierre Notte en donne une version pour la scène. Le thème est d’actualité, et il nous a été présenté au cinéma dans l’admirable film de Maren Ade Toni Erdmann. Hélas, la pièce de Petr Zelenka souffre énormément de la comparaison. Dans les deux cas, il s’agit de confronter une femme d’affaires ambitieuse à son père qui s’inquiète pour elle. Elle est entièrement intoxiquée par la logique néolibérale et se laisse dévorer par le système : il est un vieux sage, chantre de l’humanisme. Les deux femmes, Véra (dans la pièce) comme Ines (dans le film) seront victimes de la machine infernale du capitalisme mondialisé. Mais autant le film de Maren Ade est subtil, tout en nuances, jouant sur les non-dits, et plein d’empathie pour ses personnages, autant la pièce de Zelenka donne dans la caricature, les excès en tout genre et la simplification outrancière. Ses effets sont cousus de fil blanc et le déroulement implacable de l’intrigue est attendu de part en part. Malheureusement, ni la mise en scène ni l’interprétation ne relèvent le texte. Méchant pari pour Karin Viard, cette admirable actrice de cinéma qui ne réussit pas à tenir la scène. Une scène de théâtre, c’est autre chose qu’un plateau de cinéma. Il y faut une voix exceptionnelle, une parfaite maîtrise de la gestuelle et du déplacement dans l’espace. On peut penser soit qu’elle a été mal dirigée, soit qu’elle n’est pas faite pour le théâtre. On aurait tort de croire que pour tenir une scène théâtrale il suffit de pousser sa voix jusqu’à se rompre les cordes vocales, de surjouer ses attitudes et de se livrer à quelques bouffonneries. Du reste un tel excès engendre une grande fatigue pour tout le monde à commencer par la comédienne qui finit par déraper dans sa diction.
Quant à la mise en scène, confiée pourtant à de grandes pointures, elle est bien décevante. On peut y compter tous les stéréotypes de la scénographie qui ont cours aujourd’hui. Les trois écrans de fond de scène pour une vidéo abondante sans être pour autant justifiée, un écran translucide sui sert à la fois à projeter des images et à séparer des espaces. On ne nous a même pas épargné les caméras qui viennent sur scène filmer en gros plan le visage des acteurs dont l’image est projetée sur l’écran. On nous dira qu’il s’agit de représenter sur le plateau l’univers du cinéma, avec ses agents de casting et ses photographes, tous plus pervers les uns que les autres ! Mais tout cela est tellement attendu et grotesque que ça finit par devenir ennuyeux. On a envie de répondre : « allez voir un peu ce que sait faire Serebrennikov, sans aucun des moyens modernes, avec seulement quelques objets et une troupe de comédiens qui savent tout faire, à commencer par occuper l’espace.
Bref, on en ressort avec une impression de bricolage vite fait qui compte sur la célébrité de la vedette pour sauver la mise. Il reste que nombre de spectateurs ont apprécié, mais cela n’étonnera personne !
Michèle Bigot