« Une vie violente » : la violence comme arme politique

— Par Selim Lander —

On ne saurait voir en Martinique ce film sur la Corse sans être sensible aux ressemblances et aux différences entre les deux îles. Ressemblances : le sentiment d’une minorité de la population de vivre en pays colonial avec la rancœur, le besoin de révolte que cela suscite immanquablement chez les personnes concernées… et l’incompréhension du reste de la population. Différences : la Martinique n’a pas la culture de la Corse basée sur un machisme exacerbé, un sentiment dévoyé de l’honneur, la vendetta, une accoutumance au crime organisé ; l’histoire des luttes pour l’indépendance dans chacune des îles témoigne suffisamment dans ce sens.

Il n’en reste pas moins que la Corse fonctionne comme un anti-modèle pour la Martinique, l’exemple même des erreurs à ne pas commettre. S’il reste encore des indépendantistes en Martinique, malgré des années de Césairisme, l’exemple corse pourra leur apprendre qu’il faut convaincre et non brutaliser, si l’on veut rendre sa cause populaire, et que les comportements mafieux ne sont pas de bons arguments.

Tout cela ressort comme une évidence du film de Thierry de Peretti, lequel, visiblement, sait de quoi il parle. Stéphane (Jean Michelangeli), le personnage principal – comment pourrait-on le qualifier de héros ? – est un étudiant à la dérive happé un peu par hasard par une fraction indépendantiste d’obédience marxiste-léniniste dirigée par un certain François (Dominique Colombani). Ce mouvement se présente comme « pur » par rapport à ses concurrents qui entretiennent des liens si étroits avec le grand banditisme qu’ils finissent par se confondre. Hélas, la Corse étant ce qu’elle est – telle est du moins la conclusion qui ressort du film –, il est difficile de rester pur, d’autant qu’on ne peut pas se montrer trop regardant sur le comportement des militants de base, si l’on veut les garder avec soi.

Une vie violente est remarquablement filmé au sens où sa construction, le rendu des images sont en adéquation avec le désordre intérieur des personnages. Ces hommes souvent jeunes qui jouent à la guerre ont tous les attributs des soldats perdus qui s’enivrent de leur violence et recherchent les filles qui excitent leurs sens. Le jeu est mortel mais c’est ce qu’il leur faut, de toute évidence, pour faire monter l’adrénaline.

Un film comme celui-ci, qui a toutes les apparences d’un film d’aventure, est surtout un remarquable exercice pédagogique à montrer à tous les apprentis révolutionnaires. Pas nécessairement pour les dissuader, au moins pour leur éviter quelques fautes grossières.

 

Présenté dans le cadre de Tropiques-Atrium à Madiana le 6 et 14 novembre 2017.