« Une oeuvre mobile », de Ernstpeter Ruhe

Aimé Césaire dans les pays germanophones (1950-2015)

une_oeuvre_mobileLa réception de l’oeuvre césairienne a commencé très tôt dans les pays germanophones, et elle est restée d’une vitalité que rien n’est venu affaiblir au fil des ans depuis 1950. Son envergure reflète celle de l’oeuvre d’Aimé Césaire, poète, dramaturge, essayiste et orateur.
Beaucoup de matériaux et de documents inconnus étaient à découvrir. Ils concernent la genèse de l’oeuvre qui a toujours été accompagnée chez Césaire du phénomène de la mouvance, de la facilité avec laquelle il intervenait dans ses textes. Ils concernent l’auteur dans le rôle d’auto-commentateur de ses poèmes dans les discussions et échanges avec son traducteur. Ils dévoilent enfin les facettes non encore explorées de l’oeuvre que mettent à jour les mises en scène de ses pièces dont les deux premières ont commencé leur carrière en terre germanophone.

Préface

La poésie est un naufrage insensé, plein de silencieux messages, grâce auxquels le poète reprend posses­sion de lui-même et s’installe parmi les choses.
(Aimé Césaire)1

Les grandes cérémonies n’ont pas manqué en France depuis la mort du poète Aimé Césaire le 17 avril 2008. Une plaque a été posée au Panthéon en avril 2011 lors d’un hommage national, et en 2013, dans le contexte de la célébration internationale du centenaire de l’auteur, le président François Hollande est descendu dans la crypte pour déposer des fleurs devant la plaque et a envoyé le Premier ministre dans l’île pour confirmer « au nom de la nation tout entière, combien la forte personnalité d’Aimé Césaire le poète, l’homme politique trouve sa place dans notre panthéon. »
Ce sont les lecteurs de poésie, les amateurs au sens fort du terme qui garantissent la vie d’une œuvre. Leurs cérémonies sont plus modestes, mais expriment un attachement d’autant plus profond et durable. Il y en a eu une dont presque personne n’a parlé et qui nous semble significative. Elle a eu lieu le 17 avril 2014, à Baden-Baden, où un groupe d’Allemands, membres de l’association des Amis de la Martinique et des Caraïbes de la ville, s’est réuni, en souvenir du jour de la mort du poète, pour planter un arbre et pour lire une strophe du Cahier d’un retour au pays natal.2 Une forme d’hommage qui aurait fait grand plaisir à l’auteur dont la poésie est si fortement imprégnée de son amour pour la flore et la faune de son île, et une promesse d’avenir de la part de lecteurs fidèles vivant sur la rive droite du Rhin.
De si loin si près – la lecture de l’œuvre césairienne a commencé très tôt dans les pays germanophones, et elle est restée d’une vitalité que rien n’est venu affaiblir au fil des ans depuis 1950. Dans les pages qui suivent nous essayerons de reconstruire l’histoire de cette réception dont l’envergure reflète celle de l’œuvre d’Aimé Césaire, poète, dramaturge, essayiste et orateur.
Beaucoup de matériaux et de documents inconnus étaient à découvrir. Ils concernent la genèse de l’œuvre qui a toujours été accompagnée chez Césaire du phéno­mène de la mouvance, de la facilité avec laquelle il intervenait dans ses textes et en proposait d’autres versions. Ils concernent l’auteur dans le rôle d’auto-commentateur de ses poèmes dans les discussions et échanges avec son traducteur. Ils dévoilent enfin les facettes non encore explorées de l’œuvre que mettent à jour les mises en scène de ses pièces dont les deux premières ont commencé leur carrière en terre germanophone.
Qu’il ait été possible de suivre le riche cheminement de cette réception avec tant de précision tient au soin avec lequel Janheinz Jahn (1918-1973), le grand initiateur et ami de l’auteur, avait organisé ses archives privées3 et avec lequel d’autres institutions allemandes ont également conservé un grand nombre de documents, y compris des lettres, des bandes sonores et des films, que nous avons pu analyser.4
Cela tient aussi, et quelquefois pour beaucoup, à la générosité avec laquelle des personnes impliquées dans la transmission de l’œuvre en tant que metteur en scène, artiste ou traducteur, ont bien voulu accepter de nous informer sur leurs activités. Nous pensons en particulier à Ottokar Runze, Silvia Stutzmann, Tomma Galonska et Klaus Laabs. Qu’ils soient toutes et tous vivement remer­ciés de leur aide précieuse.

Würzburg, mai 2015

Table des matières

Préface

9

I. Au commencement était
le surréalisme

11

Le surréalisme pour
« l’édification des vaincus »

12

« Le vrai
innovateur » Aimé Césaire

16

L’embarras du choix

21

Traduire Césaire –
premier essai : Boris von Borresholm

25

Deuxième
essai : Paul Celan et la « Wahr
nehmung » du poème

27

Troisième essai :
Renate et Rainer Maria Gerhardt

32

II. Janheinz Jahn –
« l’introducteur de la poésie noire »

35

Au-delà de l’Orphée noir de Sartre

39

Schwarzer Orpheus (1954)

51

Senghor et Sartre, lecteur
de Senghor

55

Jahn lecteur de Senghor et de Sartre

58

Le surréalisme de Césaire, selon Jahn

61

Le surréalisme de Césaire, selon Césaire

64

Sonnendolche – Poignards du soleil (1956)

71

Les coupures dans Soleil cou coupé

78

Les stylos de Césaire

82

Le stylo noir pour préparer Sonnendolche

83

Le stylo bleu pour préparer An Afrika (1968)

85

« Nein ! » ou « Nein ! »

89

La double réécriture

91

Soleil cou coupé revisited

98

« C’est africain »

106

Césaire interprète de Césaire

109

Le rire de Césaire

115

Tout ça pour ça ?

116

Zurück ins Land der Geburt (1962)

121

Césaire traducteur de Césaire

127

La coopération entre traducteurs

130

L’écho des médias

134

III. Janheinz Jahn – l’initiateur du théâtre césairien

137

Und die Hunde schwiegen (1956)

137

Les idées de Jahn pour l’adaptation

140

« Notre œuvre »

142

« ‘Notre’ version théâtrale »

146

La version de Césaire de 1956

148

La version de Jahn de 1956

149

La pièce radiophonique de 1956

152

La nouvelle version allemande au théâtre

155

 

La première mondiale (Bâle 1960) 

156

« Orff noir » – la pièce radiophonique de 1961

159

La première allemande (Hanovre 1963)

161

Les leçons tirées des mises en scène d’après Jahn

16_

L’édition française de la nouvelle version – une énigme

169

Die Tragödie von König Christoph (1964) : la traduction de Jahn

173

Salzbourg 1964 – La tragédie du roi Christophe

180

La préhistoire de la mise en scène

181

Une pièce française pour un public germanophone

183

Au son de l’assotor

185

« Du plus pur théâtre mondial moderne » : le dossier de presse

189

La tournée européenne de La tragédie du roi Christophe

200

Le retour à Paris ou la bataille de Christophe

204

IV. La consécration – Césaire académicien

209

La poésie noire à l’Académie de Bavière (1960)

210

L’élection de Césaire et de Senghor

212

Le monde et nous

214

Auteur et autorités

217

La poésie, cette arme miraculeuse

221

V. 1968 et après – l’actualité du théâtre césairien

225

Im Kongo – la traduction de Monika Kind (1966)

226

Césaire en RDA – Saison im Kongo de Heiner Müller

228

Hambourg 1968, ou le théâtre dans le théâtre

233

Une mise en scène sous l’influence de Serreau

235

La pièce radiophonique (Im Kongo, 1968)

238

Ein Sturm (1970) et « une friction continentale » (Bochum 2004)

241

Im Kongo – de la performance à la transformance

(Vienne 2014/2015)

249

VI. La poésie de Césaire réunifiée – un nouveau départ

253

Le traducteur Klaus Laabs

254

Performances poétiques : Tomma Galonska (2012/2013)

259

Index des noms propres

263

Index des textes d’Aimé Césaire

269

Bibliographie

271

Annexes : La tragédie du roi Christophe à Salzbourg

281

Le programme de Salzbourg : « Aimé Césaire zu seinem Stück »

282

« Sur ‘La Tragédie du Roi Christophe’ » : la version originale du texte

283

Le commentaire allemand ajouté au programme

285

Le commentaire du film dit par la voix off

291