Un regard autre sur le film : Le professeur de violon

— Par Paul Chéneau —

Les RCM, en ce qu’elles présentent des films différents, ouvrent le regard à la création cinématographique des Caraïbes, du continent américain, du monde aussi parfois. Raison pour laquelle il semble important d’aller, pendant ce festival, à la rencontre des jeunes, et de leur proposer, en version originale, autre chose que ce à quoi ils sont sans doute habitués.
C’est dans ce cadre qu’eut lieu, à Madiana, une séance scolaire, organisée à la demande des enseignants de portugais, et qui offrit à quelque quatre cents élèves, venus de toute l’île, la primeur du film brésilien Le professeur de violon. Titre que les élèves ci-dessous, apprenants en langue portugaise au lycée de Bellevue, vous donneront en VO, bien plus signifiant, avant de vous en expliquer la teneur exacte.
Au sortir de la salle, si l’on hésitait entre sourires de satisfaction et larmes d’émotion retenues, on s’accordait dans les rangs à dire combien on avait aimé le film, et qu’il avait soulevé des questions intéressantes, propres à faire naître réflexions et débats. Voici donc un petit panégyrique, fait en portugais d’abord, puis en français pour être lisible de tous, de ce que se dirent les élèves, sous la houlette de leur professeur et de son assistante Pedrita, venue cette année tout droit de Rio de Janeiro à la Martinique. Par elle, les élèves ont été étonnés d’appendre que le titre original du film est Tudo que Aprendemos Juntos. La traduction littérale en serait « Tout ce que nous apprenons ensemble » ou « Tout ce que nous avons appris ensemble ». Cette expression est en réalité très parlante au Brésil, car c’est généralement ce que le professeur répond lorsque les élèves lui demandent sur quoi portera le prochain contrôle annoncé. Une sorte de « Tout ce qu’on a vu depuis le début de l’année », en somme…

En classe, les élèves ont bien volontiers parlé, avec leurs mots en portugais, de ce film qui les a interpellés. 

O filme é baseado numa história real. Passa-se em São Paulo, a maior cidade do Brasil. A personagem principal, o Laerte, é um violinista apaixonado. Ele faz uma audição para entrar na OSESP (Orquestra Sinfônica do Estado de São Paulo) mas, nervoso e com estresse, ele treme e não passa no exame. Por causa dos problemas financeiros, ele aceita um emprego e vai dar aulas de música a uma turma de jovens da favela. No início, ele não é simpático para com os outros membros do quarteto onde toca, e não gosta de ensinar a música a esses jovens… 

Le film repose sur une histoire vraie, qui se passe à São Paulo, la plus grande ville du Brésil. Le personnage principal, Laerte, est un violoniste passionné. Il passe une audition pour entrer dans l’Orchestre Symphonique de l’État de São Paulo mais, nerveux et stressé, il tremble et échoue. À cause de ses problèmes financiers, il accepte un emploi et il va donner des cours de musique à un groupe de jeunes de la favela. Au début, il n’est pas très sympathique envers les autres membres de son quatuor, et il n’aime pas enseigner la musique à ces jeunes…

Une analyse plus poussée du titre les a conduits à réfléchir plus profondément sur le sens du film :
Todos aprendem muito ao longo da história. (Tous apprennent beaucoup au long de l’histoire).

No início, os alunos da favela tocam mal, são desafinados. Não sabem ler a música, porque não foram ensinados. O comportamento deles é negativo, são violentos, muito indisciplinados, não respeitam o professor e até se batem entre eles. Só o Samuel tem talento e paixão pelo violino. Mas o pai não aceita que ele frequente o VR, jovem traficante do grupo. Finalmente, tornam-se capazes de trabalhar juntos para preparar um concerto de qualidade em homenagem ao Samuel. O próprio VR, à espera do regresso do professor, vai dirigir a orquestra.

Au début, les élèves de la favela jouent mal, ils sont désaccordés. On ne leur a pas appris à lire la musique. Leur comportement est négatif, ils sont violents, très indisciplinés, ils ne respectent pas le professeur et vont jusqu’à se battre entre eux. Seul Samuel a du talent et la passion pour le violon. Mais son père n’accepte pas qu’il fréquente VR, jeune trafiquant du groupe. À la fin, ils seront capables de travailler ensemble à la préparation d’un concert de qualité en hommage à Samuel. VR lui-même, en attendant le retour du professeur, dirigera l’orchestre.

O professor aprende muito junto com os alunos, que ele compreende pouco a pouco. Acaba por gostar deles. Torna-se uma boa pessoa. Graças à experiência de ensino, aprende a controlar as emoções. Graças aos jovens, passa na nova audição e torna-se um grande músico profissional: primeiro violino da OSESP, a maior orquestra da América Latina. Mesmo com os amigos do quarteto, ele aprende a comportar-se bem. É com a ajuda deles que ele vai voltar a preparar os alunos para o concerto que dirigirá na favela. 

Le professeur apprend beaucoup auprès de ses élèves, qu’il comprend peu à peu. Il finit par les aimer. Il devient une bonne personne. Grâce à son expérience d’enseignement, il apprend à contrôler ses émotions. Grâce aux jeunes, il réussit sa nouvelle audition et devient un grand musicien professionnel : premier violon de l’OSESP, le plus grand orchestre d’Amérique Latine. Même avec ses amis du quatuor, il apprend à bien se comporter. C’est avec leur aide qu’il retourne préparer les élèves pour le concert qu’il dirigera dans la favela.

Pour finir, les élèves disent aussi ce qui de la réalité brésilienne les a marqués. 

Geralmente, os habitantes da favela, sobretudo os jovens, são desprezados. Na realidade, são desfavorecidos e precisam de melhores condições de vida para revelar os talentos.
A polícia não hesita em atirar e matar jovens, dizendo depois, no filme, que eles tinham armas e que atiraram primeiro. 

En général, les habitants de la favela, surtout les jeunes, sont méprisés. En réalité, ils sont défavorisés et ont besoin de meilleures conditions de vie pour révéler leurs talents.
La police n’hésite pas à tirer et à tuer des jeunes, disant ensuite, dans le film, qu’ils avaient des armes et ont tiré les premiers.

Bien d’autres choses encore ont été dites, qu’il serait trop long de rapporter ici. Espérons qu’à l’avenir, de telles séances, si motivantes, se multiplieront ! 

Les élèves de portugais du Lycée de Bellevue, leur professeur et son assistante

Fort-de-France, le 02 avril 2017

PS : Le film sera à nouveau programmé au mois de mai.