Tous les hommes sont-ils égaux ?

 — Par Widad Amra, poétesse, écrivaine —

« On peut tuer en Indochine, torturer à Madagascar, emprisonner en Afrique, sévir aux Antilles. Les colonisés savent désormais qu’ils ont sur les colonialistes un avantage. Ils savent que leurs « maîtres » provisoires mentent. Donc que leurs maîtres sont faibles.

« Discours sur le colonialisme. A. Césaire. 1950.

Gaza. Silence ! On a tué !

116 morts. 4000 blessés.

Question ! « Tous les hommes sont-ils égaux ? »

Le 10 Décembre 1948, les 58 membres de l’ONUqui constituaient alors l’Assemblée générale ont adopté la Déclaration universelle des droits de l’homme à Paris au Palais de Chaillot (résolution 217 A (III)).

70 ans après, on peut objectivement se poser la question suivante : tous les hommes sont-ils égaux ?

Il apparaît de façon évidente, que tous les hommes ne le sont pas. Il apparaît de façon évidente que bon nombre d’humains peut être tué, sans que cela ne fasse basculer la conscience du monde. Il est des états, qui, comme les Etats unis, affirment leur toute puissance, de façon ostentatoire, dans un déséquilibre désormais préjudiciable à la paix. Qu’est ce droit de véto permanent à l’Onu et ce pouvoir de gendarmer le monde ? Et parlons d’Israël, pays dont la politique colonialiste atteint actuellement son apogée. Partout omniprésent, protégé du grand frère, cet état d’une droite radicale, qui se veut religieux, démocratique aussi, n’est démocratie que pour les siens, blancs de préférence et pratique une véritable politique d’apartheid.

A eux deux, ces états, soufflent le feu sur tout processus de paix qui pourrait régler le conflit Israélo-Palestinien.

Dans le rapport de forces actuel, l’Union Européenne, quant à elle, par sa tolérance excessive à l’égard d’Israël, attitude qui relèverait presque d’un silence complice, rate son rôle possible de médiateur pour la paix, au moyen – orient.

Parlons de l’Onu, qui n’arrive à imposer ni le respect des résolutions, ni des enquêtes. On peut légitimement se demander à quoi sert cette institution dont le rôle a été défini dans la charte des nations unies. « Maintenir la paix et la sécurité internationale. A cette fin, prendre des mesures collectives efficaces ».

Ces mesures n’ont jamais été prises en ce qui concerne la question Palestinienne.

Quant à la cour pénale internationale, n’aurait-elle été faite que pour les Africains ?

En serait-il de même si des Israéliens avaient subi le même sort ?

Non, très clairement, non.

« Tous les hommes ne sont pas égaux. »

Ainsi peut-on tuer impunément.

Serait-ce seulement des humains, ces gens-là ?

Venons-en aux événements récents. Un président Yankee, souffleur de feu tous azimuts, décrète en grand décideur du monde, Jérusalem- capitale d’Israël. Natanyaou se frotte les mains. Israël fête en grande pompe ses 70 ans. Les Palestiniens, en même temps, commémorent la Nakba. L’exode, la fuite imposée, au moment même où l’état d’Israël fut créé. Gaza, sous blocus depuis onze ans cherche une fois de plus, à soulever la chape de plomb qui l’enterre vivant. Marche pacifique. Mouvement populaire. L’armée Israélienne tue. Le gouvernement évoque des frontières à défendre. Frontières non reconnues à ce jour. Les médias occidentaux comme habituellement, répètent en boucle, le mot « terrorisme » à tout va. Terrorisme du « Hamas », et l’affaire est bouclée. Aussi contestable serait-il, pour rappel, ce mouvement fut favorisé dans son ascension par le gouvernement Israélien, à la défaveur du Fatah plus laïque et plus à même de négocier la paix au niveau international et ce, jusqu’à ce que les conditions soient réunies pour qu’il soit élu et aussitôt diabolisé là aussi à l’échelle planétaire. 1 A les écouter, on entend l’histoire d’un peuple, qui ne serait pétri que d’excellence et d’un autre peuple, enfantant des terroristes de génération en génération. Ce mot « terrorisme », est repris, banalisé, répété pour parler de femmes, de jeunes, d’enfants, réclamant le droit de vivre autrement que dans une prison à ciel ouvert. Pour réclamer le droit du retour, dans des maisons dont leurs vieux ont encore les clés. Sur une terre perdue, il y a seulement 70 ans.

Ce terme n’est jamais utilisé quant à la politique résolument colonialiste menée, au 21° siècle, au vu et au su du monde entier, par Israël. Et cela, sans sanctions.

Quoi dire d’autre sinon que ces gens-là, ne savent pas protéger leurs enfants ? Que ces gens-là, sont manipulés ?

Mais en vérité, que dire des conditions de vie que subissent les Palestiniens ? Une guerre d’usure quotidienne, une tentative d’effacer toute identité, de la pression permanente, du rationnement quotidien sur l’eau, l’électricité, des emprisonnements arbitraires, des cheiks points à tous les coins du pays, les assignations à résidence, celles à ne pas sortir du territoire, l’absence absolue de liberté, l’appropriation des terres, des bombardements tous les deux ans, des expulsions, l’exil, les pressions magouilleuses et mesquines pour corrompre, pour obliger à vendre, la manipulation pour diviser et mieux régner jusqu’à scinder la Palestine entre le Fatah et le Hamas.

Et la liste est courte quand on sait tous les morts, les handicapés – Handicaps volontairement provoqués – par les armes utilisées. Un véritable déni d’humanité, et le non respect des droits fondamentaux prônés par la charte des nations Unies.

Ne peut-on alors croire qu’un peuple ne puisse tout seul se réveiller ? Ce peuple, que n’a -t -il au fil du temps, montré son esprit de résistance et de courage, montrant ainsi son désir de vivre. Désespérément vivre. A cela, pas de réponse ! Aucune perspective !

Sinon ce déni d’humanité, et une image sans cesse dévoyée.

Aujourd’hui, la colonisation s’intensifie de jour en jour, rendant la situation inextricable. Des entreprises européennes commercent avec les colonies, leur donnant ainsi une légitimité. Les produits de ces colonies sont commercialisés en Europe. Leur boycott est passible de peine. Les territoires autonomes Palestiniens deviennent des territoires annexés.

Et de « brisez leur les os, hier, à visez les genoux », aujourd’hui, la cruauté prend son temps, sous force applaudissements. Cela, dans un silence assourdissant.

N’est-il pas seulement dit, dans le préambule des droits de l’homme, ceci : « Considérant qu’il est essentiel que les droits de l’homme soient protégés par un régime de droit pour que l’homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l’oppression »

Cela ne serait-il que lettres mortes ?

Se souvient-on seulement de l’origine du conflit ?

Se souvient-on que l’Europe a sur la conscience la mort de six millions de juifs et que le seul moyen de réparer fut celui de créer un état aux rescapés de la barbarie Européenne?

Ainsi, Laurent Rucker, écrit-il dans Staline, Israël et les juifs :

« Qu’aucun des pays d’Europe occidentale n’ait été en mesure d’assurer la défense des droits élémentaires du peuple juif ou de le protéger contre les violences déclenchées par les bourreaux fascistes, cela explique l’aspiration des Juifs à la création d’un État à eux»

La Shoah a précipité la création de l’état d’Israël, cela sur un territoire où vivaient juifs, musulmans et Chrétiens, avant 1948.

Que dire de ce peuple, passé du statut de victime à celui d’oppresseur ?

Non conformes à la race aryenne, femmes, hommes, enfants, furent déportés, enfermés, éradiqués, au nom du terrible déni : « Les hommes ne sont pas tous égaux ».

Mais par la complexité humaine la plus trouble qui soit, l’invraisemblable histoire, donne à voir la répétition d’une cruauté vécue. Cette folie du traumatisme, enferme, emprisonne, rend frileux à toute perspective de paix.

La douleur est-elle si grande qu’elle ne peut que se répéter, en un transfert de haine et un déni d’existence vis-à-vis d’un autre peuple ?

Doit-on rappeler cette phrase de Césaire « Que nul ne colonise innocemment, que nul non plus ne colonise impunément ; qu’une nation qui colonise, qu’une civilisation qui justifie la colonisation — donc la force — est déjà une civilisation malade, une civilisation moralement atteinte ».

Les Palestiniens ne sont pas responsables des pages noires de l’histoire Européenne.

Leur pire drame est d’être les victimes des descendants de la shoah.

Frères ennemis dans le cortège des malheurs.

Rendons à l’histoire ce qui lui revient. Cette fois, sans réécriture2.


Pour rappel, toute tentative de paix, a été sabotée par les fondamentalistes de tous bords. Assassinat d’Anouar el Sadate, président Egyptien, au Caire, le 6 octobre 1981. Celui d’Yitzhak Rabin, premier ministre israélien le 04 novembre 1995 à Tel Aviv. De Yasser Arafat, dirigeant Palestiniens, mort en France, en 2004. Probablement empoisonné au polonium, d’après les experts suisses.

Les Palestiniens sont abandonnés de tous bords. Le parti-pris de la communauté européenne est un constat. Les pays du golfe, alliés des états Unis, le sont aussi d’Israël. Leur seul ami commun : le pétrodollar. L’ennemi juré : l’Iran.

Aux nations Unies, véto quand la demande de protection pour la population civile est faite.

Jusqu’où ira-t-on ?

Le scoop est bientôt passé ! On tournera la page jusqu’au prochain épisode.

Ces gens-là enterrent leurs morts. L’espoir aussi.

Mais il est évident que cette politique expansionniste, dangereuse, finira à plus long terme, par susciter un effet boomerang.

Une telle politique met en danger non seulement les Palestiniens, mais aussi les Israéliens, de même que l’Europe, à l’origine de ce conflit.

L’on ne peut, par ailleurs, indéfiniment, faire fi de l’égalité des hommes.

Ainsi est-il écrit :

« Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde »

Que faudrait-il équitablement souhaiter ?

Pour commencer, une information plus juste de ce conflit. Sans manichéisme. Cela pose la question de la liberté de la presse.

Puis, que l’Europe sorte de son silence. Qu’elle arrête de commercer avec les colonies. Qu’elle ait une vraie parole, juste et crédible ! Que les résolutions votées à l’Onu soient appliquées, les enquêtes menées. Qu’Israël quitte les territoires occupés, dans le respect des frontières de 1967. Que ce pays soit traité exactement comme tous les autres pays. Cette complaisance extrême devient une faute morale. Ce refus de mettre des limites, de condamner, d’imposer des sanctions, est à l’origine même de la violence actuelle et favorise la montée des fanatismes.

Et qu’enfin, l’ONU décrète officiellement la création d’un état Palestinien. Comme cela a été fait pour la création d’Israël. Que l’on arrête de nous parler d’il y a trois mille ans. Que l’on parle d’aujourd’hui et de paix ! Un peuple ne peut vivre dominé, piétiné, écrasé. Un peuple ne peut vivre dominant, piétinant, écrasant. « Car être libre ce n’est pas seulement se débarrasser de ses chaînes ; c’est vivre d’une façon qui respecte et renforce la liberté des autres », comme l’a dit Nelson Mandela. Il serait temps, avant que le suicide ne soit collectif, que des voix surgissent et se fassent entendre. Qu’une part de plus en plus nombreuse d’états reconnaisse de manière unilatérale l’état palestinien. Il serait temps que notre monde ne soit plus seulement manipulé par les idéologies religieuses, quelles qu’elles soient, par des contrats financiers, par un monde qui ne se veut qu’en termes de conquêtes et d’économie. Il faudrait que le « politique » reprenne sa place avec grandeur et un vrai sens de l’éthique.

La violence attire la violence. Ce brulot du moyen- orient, pourrait éclater à la face du monde et nous concerner tous, quand le point de non – retour sera atteint.

Alors, l’espérance, est-elle morte ?

Elle est encore là. En soubresauts. Trébuchante. En listes civiles pour la paix de part et d’autre, en livre noir de soldats dénonçant l’inacceptable. En boycott. En solidarité de femmes, « Les guerrières de la paix », unies par le deuil, mais par la force de vie, aussi.

Aussi minime soit-elle, cette espérance, faisons encore le pari de la vie, non celui de la mort.

Disons au-delà des religions et des politiques sectaires, disons l’humanité tout court. Cette humanité qui est la rencontre de l’autre. Qui est, l’ancrage ensemble, dans un territoire géographique, en reconnaissance réciproque. Aussi ténu que soit l’espoir, invitons-nous à la table des guerriers de la paix et soyons juste des humains.

« Vous, qui tenez sur les seuils, entrez
Et prenez avec nous le café arabe.
Vous pourriez vous sentir des humains, comme nous.
Vous, qui tenez sur les seuils,
Sortez de nos matins
Et nous serons rassurés d’être comme vous,
Des humains! »

Mahmoud Darwich

Faisons que le rêve ne soit pas définitivement brisé.

Celui du Salam Shalom.

Widad Amra

1Se souvient-on de la Haganah, l’Irgoun et le Lehi, milices sionistes qualifiées de terroristes par les forces d’occupation anglaises du protectorat de Palestine et pourchassées comme telles avant 1948 pour leurs actes de terrorisme, pour la création de l’état d’Israël ?

2 Cette histoire fut tragique pour ceux qui ont tenté de vaincre cette haine entre les frères ennemis israëliens et palestiniens en faisant à l’autre le don de leur personne comme Anouar El Sadate qui, pour avoir voulu faire la paix au Moyen Orient fut assassiné au Caire le 06 octobre 1981 par un commando de fondamentalistes égyptiens. Ce fut aussi le cas de Yitzhak Rabin, premier ministre israëlien assassiné le 04 novembre 1995 à Tel Aviv par un fondamentaliste israëlien pour la même raison, celle d’avoir tenté de faire la paix des braves que lui avait proposée le président de l’OLP, Yasser Arafat, lors des accords d’Oslo, signés entre Israël et la Palestine en 1993. Depuis lors, les premiers ministres successifs en Israël, Ariel Sharon, Ehud Olmert puis Benyamin Netanyahou ont tous refermé la porte à la paix au prétexte que leurs interlocuteurs palestiniens, Yasser Arafat puis Mahmoud Abbas n’étaient pas crédibles. Pour autant, la liste des martyres de la paix au proche Orient n’est sans doute pas close car neuf ans après la mort du dirigeant palestinien Yasser Arafat en France en 2004, des experts suisses confirment qu’il a bien été empoisonné au polonium. Le quotidien nationaliste panarabe Al-Quds Al-Arabi se demanda si en 2004 les Français n’ont pas maquillé la vérité par souci de « real politic » internationale ?