« Africa United » : touchant, intelligent et didactique

— Par Roland Sabra —

 

 A propos de l’Afrique comment évoquer, les ravages du sida chez les adultes et pire encore chez les enfants, le cancer de la corruption, les crimes des guerres ethnico-nationalistes, l’asservissement et le décervelage des enfants guerriers, l’avilissement prostitutionnel de gamines à peine pubères, le découpage colonial d’un continent en Etats plus ou moins moins artificiels, en un mot comment décrire à des enfants les meurtrissures de l’Afrique sans verser dans la plainte, dans le misérabilisme?

C’est l’exploit que réalise ce petit film, petit par le budget, à destination du  public jeune et de celui qui, malgré le poids des ans, a su le rester. Touchant et intelligent. Africa united est un conte. Trois gamins, deux orphelins pauvres, Dudu et sa sœur Béatrice, décident d’accompagner, par leurs propres moyens, un petit génie du foot, Fabrice , fils de bonne famille rwandaise à la  cérémonie d’ouverture de la coupe du monde de football en Afrique du Sud en 2010. Mais voilà si Dudu, le manager de « l’équipe » est doté d’une solide faconde et d’un sens de l’opportunité affirmé, il n’est pas très doué en matière d’orientation, ou peut-être de lecture des  destinations de bus. Il emmène la petite troupe dans une mauvaise direction, le Congo où ils se retrouvent, sans papiers, sans argent, dans un camp d’enfants réfugiés. Ils vont faire connaissance avec « Foreman George », un enfant soldat-déserteur et détenteur d’un sac de dollars dérobés au général mercenaire qui l’a enrôlé. »Foreman George » va les prévenir du danger qui les guette : être enlevés par les recruteurs du général qui n’hésitent pas à soudoyer le gardien du camp pour les capturer et les transformer en machines à tuer.

Ils s’échappent et entament le long chemin de 5000 kilomètres qui doit les conduire à Soccer-city, en Afrique du Sud. En cours de route, ils emmèneront dans leur périple une gamine, Céleste, mi serveuse, mi prostituée, trouvée dans un hôtel géré par un occidental.

Le manager Dudu a le verbe facile, même si les expressions, formules et autres maximes sont assaisonnées à une sauce que n’aurait pas dédaigné Coluche et son célèbre « fier comme un bar tabac »! Le Dudu conteur, agrémente le voyage d’un récit magnifié de leur propre épopée, occasion pour la réalisatrice Debs Gardner-Paterson de substituer aux personnages du film un dessin animé plutôt réussi qui les représente. Représentation de la représentation. Façon de dire : on vous raconte une histoire invraisemblable pour dire le vrai. Distanciation cinématographique, soulignée et  irritante sans doute pour des adultes, pour rappeler que si toutes les péripéties, toutes les embûches, toutes les situations dramatiques que traverse ce club des cinq en vadrouille, provoquent l’amusement et le rire, cela ne tient qu’à la façon dont elles sont racontées. La réalité de cet odyssée, de cette chanson de geste, est tout à fait improbable et son issue, heureuse, encore plus.

La réalisatrice à donc le talent d’évoquer sans fausse pudeur les plaies de l’Afrique post-coloniale sans sombrer dans le misérabilisme. Le film est plein de vie à l’instar des personnages même si la mort rôde, même si la camarde est déjà là tapie au fond des corps, même si le virus à déjà fait son travail de sape.  Le combat pour la vie vaut la peine d’être mené. Un film drôle et léger mais surtout didactique sur des thématiques graves. Les jeune comédiens sont formidables. Dudu tout en rondeur, volubile exubérant, Foreman George, enfant-soldat fracassé par les crimes de guerre, mutique retrouvant peu à peu la parole à mesure qu’il entrevoit la possibilité d’une rémission, Béatrice la soeur cadette du manager, autre figure de l’Afrique toute dévouée à la foi et au soin des autres, Fabrice le champion de foot, dressé contre sa mère pour faire valoir sa passion, Céleste la serveuse prostituée, terrassée par l’épreuve du test du Sida.

Autre mérite du film, et ce n’est pas le moindre celui de nous faire découvrir, sans s’y attarder, comme au détour d’un plan, des paysages d’une somptuosité à couper le souffle.

Roland Sabra Fort-de-France le 03/02/11