T.C.S.P. : « ce n’est pas les autres… c’est nous! »

— Par Yves-Léopold Monthieux —
tcsp– Les fonctionnaires, médecins, avocats, commerçants et les « bonnes à tout faire ».
– L’Etat finira par opérer la suppression  « à sec » des 40%.
– Il n’y a pas plus « coloniale » qu’une justice condescendante.

Il ne suffit pas d’évoquer les mânes de nos ancêtres et de dérouler la liste des savants nègres depuis Mathusalem pour justifier l’incapacité actuelle des Martiniquais à faire circuler le TCSP ; à faire fonctionner sans heurts une usine ayant reçu l’agrément de la collectivité ; à se préoccuper du réseau d’adduction de l’eau qui date de 60 ans et qui laisse échapper 30% des eaux captées à la source ; à s’inquiéter de l’absence de destination de 30% des eaux usées « contaminantes ». Ces eaux dites « grises » ou « noires », qui quittent nos cuisines, nos lavabos et nos toilettes pourraient réapparaître sous forme de maladies, voire d’épidémies. C’était la crainte de l’ancien directeur de l’ARS.

Non, ce n’est pas les Autres, c’est Nous, les responsables !

A quoi bon évoquer jusqu’à plus soif la sagesse de nos « vieux » et les vertus cardinales du peuple martiniquais, si on admet que des retraités d’aujourd’hui n’ont que 200 ou 300 euros par mois pour toute ressource alors que d’autres touchent pour les seules majorations de traitement des sommes pouvant atteindre 3 fois le SMIC. Surtout que la plupart de ceux qui sont dans le dénuement étaient jadis au service de fonctionnaires, médecins, avocats, commerçants qui avaient tous des bonnes à tout faire souvent non déclarées à la sécurité sociale. Surtout encore que ces employeurs au noir avaient souvent été les mêmes qui dissuadaient les « chômeurs » de partir travailler sous l’égide du BUMIDOM, où la retraite leur était assurée.

Ceux ou celles qui ne s’étaient pas laissé avoir par nos savants intellos, malgré les mépris de toutes sortes dont ils faisaient l’objet, ont une fin de vie plus facile. Il y a donc une dette envers les autres que la Martinique s’honorerait de régler. Or si, nimbés du voile d’autosatisfaction qui conduit à toujours rechercher ailleurs la cause du moindre de nos désagréments, nous nous trouvons incapables de réaliser un minimum de partage, l’Etat finira par opérer la suppression  « à sec » de ces 40%. Le temps pourrait bien être venu de régler cette dette en partageant un peu. A titre de réparation, pour le coup.

Ainsi donc, même si, pour en boucher un coin à ceux qui doutent de nos capacités on ne manque pas l’occasion de faire référence à nos prestigieux ancêtres, il y aurait bien souvent besoin de leur génie pour recycler quelques-unes de nos pépites. Depuis le début de l’aventure du TCSP, la décision la plus pertinente, sans doute inspirée par leur sagesse, a été de renoncer à la solution du tramway au profit des bus sur pneumatiques. En cas d’échec, il sera plus facile de recycler une voie bétonnée qu’une artère équipée de rails. De même que pour le port du Grand nord, la solution touristique pourrait s’imposer, en mode Petit train ou Muraille de Chine.

Il reste qu’il est toujours possible de combler les trous avec l’argent du contribuable qui, à ce qu’il semble, fait rarement défaut à nos décideurs. En effet, la sanction des comptes publics est une vue de l’esprit tant est grand le souci des organismes de contrôle de ne pas apparaître comme des instruments de la justice coloniale. Or ce n’est pas la justice qui est « coloniale ». C’est son application, plus dure ou plus douce, qui peut l’être. Y compris son application avec une indulgence condescendante, comme à des citoyens non matures ou de seconde zone. Il n’y a pas plus « coloniale » qu’une justice condescendante.

Yves-Léopold Monthieux, le 14 septembre 2016