Sylviane Quitman maquilleuse.

Christian Antourel —

« Les illusions sont nécessaires et font partie intégrante de l’ordre des choses »

Eloge du maquillage

Peu importe que la ruse et l’artifice soit connu du public le maquillage n’a pas à se cacher si l’effet parvient à faire disparaître du teint toutes les taches et disgrâces que dame nature y a volontairement semé. Il répond à une unité esthétique abstraite devenue incontournable. C’est là que l’artiste maquilleuse est reconnue dans toutes les pratiques, les astuces employées pour subtiliser les traits rebels, dont l’unanimité réclame la fluidité audiovisuelle imperturbable, pour une accroche sur un fond de lumière infernale.
Il est une condition qui ajoute beaucoup à la force d’action du maquillage :
C’est que son exécution reste une légèreté dans le temps et qu’en n’aucune manière, hormis l’exception mise en scène, son passage ne conclut à des immobilisations prostrées dans des attitudes lisses de statues antiques ou à un portrait dans son cadre d’innombrables poupées agissantes. C’eût été lui manquer de respect que d’ôter au maquillage sa nature vivante.
En vérité, Sylviane œuvre plutôt pour le plaisir des spectateurs que pour son plaisir propre… mais elle se garde quelque chose comme un diamant intérieur, cette sucrerie d’offrir dont elle se régale. Ici l’apparence recomposée, une sorte de beauté professionnelle, remplace la distinction ordinaire, lui donne du rebond, de la lumière contrôlée : le rendu exact, par le moyen du clair-obscur, de la plastique de l’anatomie et du relief des figures. Sylviane avance d’instinct, l’académisme susurré, guide le geste précis de l’artiste. L’imagination créatrice fait le reste.

Son métier est passion.

Comme ce crayon qu’elle chauffe et qui caresse, plus obéissant, plus performant, ou quand le doigt devient l’outil fiable au-delà de toute matière, en osmose parfaite, jusqu‘à la chaleur, jusqu’à la connivence à la communion entre la main qui modèle et la peau qui se tend. Enfin, elle remplie une fonction que d’autres dédaignent et, dont seule une artiste hors paire peut transporter dans l’ordre du beau. Par le premier et rapide coup d’œil jeté sur l’ensemble du physique à interpréter, Sylviane sait quoi tirer de sa mallette. Du pinceau, ou de la brosse, pour le grand jeu du make up. Des cosmétiques : fards, ombres à paupières, fonds de teints, eyeliners, mascaras métissés dans la nuance mariés pour le meilleur. Lorsqu’il faut flatter le teint, ou mettre ce nez qui brille sous un voile de poudre, matifier, absorber la brillance, escamoter des rides naissantes, pulser, relever par pigments soyeux des joues lasses qui glissent, aplanir les rudesses d’une blessure. Quand son théâtre quotidien s’anime d’effulgences soudaines, d’ombres roides ou de fulgurants éclairs qui sabrent la scène de zigzags inesthétiques, quand la lumière explose, jeter de la poudre aux yeux n’y suffirait pas.
Christian Antourel
Photos C.A