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Avec «Lincoln», Spielberg blanchit le combat abolitionniste

 

Par Philippe Marlière

Acclamé par les critiques, Lincoln est présenté comme l’un des films les plus achevés de Steven Spielberg : « sobre, complexe et historiquement fidèle » ; ainsi perçoit-on de manière générale cette œuvre. Certaines plumes parlent d’une lecture froide, délibérément antiromantique de la période ; une « esthétique réaliste » qui donne l’apparence du « vrai ». Spielberg n’a-t-il pas jeté une lumière crûe sur le monde interlope de la politique washingtonienne d’alors ; un univers raciste, misogyne, gangréné par les magouilles auxquelles « Honest Abe » prête même implicitement son concours ?

Je ne partage pas cette lecture trompeuse car elle passe à côté de la réalité du combat abolitionniste aux Etats-Unis. En montrant que l’abolition de l’esclavage était le fait de politiciens blancs éclairés et en écartant de cette lutte les Noirs, Spielberg a fait un choix aussi étonnant que tendancieux.

Spielberg récidive

En dépit du titre, Lincoln n’est pas un biopic consacré au seizième président des Etats-Unis. Celui-ci y joue un rôle relativement secondaire et l’histoire mise à l’écran ne couvre d’ailleurs que les quatre derniers mois de la vie du président.

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Entretien | André Kaspi, spécialiste de l’histoire américaine,[…] explique en quoi le réalisateur s’est éloigné de la vérité historique pour raconter la vie d’Abraham Lincoln.

Abraham Lincoln, était-il le grand humaniste abolitionniste dont Spielberg imprime la légende dans son biopic, Lincoln, en salles le 30 janvier 2013 ? Pour distinguer l’homme du mythe, nous avons demandé l’avis d’André Kaspi, professeur émérite à la Sorbonne et éminent spécialiste de l’histoire des Etats-Unis.

Qu’avez-vous pensé du film ?

Le film m’a paru un peu long, parfois émouvant, surtout vers la fin, lorsque le treizième amendement [abolissant l’esclavage] est enfin adopté. Ce qui m’ennuie en revanche, c’est que tout soit centré sur ce treizième amendement. Je comprends que pour des raisons de scénario, de récit, il faille un sujet très fort, mais cela réduit le rôle de Lincoln à un événement qui est très important, je n’en disconviens pas, mais qui n’est pas le seul de sa présidence. Au même moment, le chemin de fer transcontinental est en plein essor : il doit réunir la côte atlantique et la côté pacifique. L’aspect économique de la guerre de Sécession est passé sous silence.

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