Étiquette : Selim Lander

Les Palimpsestes de Valérie John

— Par Selim Lander —

Valérie John - CopieLe premier contact avec le travail de Valérie John est déroutant. Ces grandes bandes verticales un peu gondolées, surchargées de noir, apparemment vernies, qui pendent du plafond ou courent sur les cimaises, de quoi sont-elles faites et que signifient-elles ? On s’approche et l’on commence à distinguer des détails. Ce que l’on a sous les yeux, ce n’est pas tout-à-fait de la peinture, en tout cas pas ce que l’on entend par là habituellement : des coups de brosse sur de la toile ou du carton. Il y a du relief dans ces surfaces, suffisamment pour graver des motifs qui se répètent du haut en bas de l’œuvre, souvent inspirés des pétroglyphes et des poteries des Indiens caraïbes, les premiers habitants de la Martinique, visages très stylisés, cercles concentriques. On remarque aussi un quadrillage, en croyant y voir encore un motif décoratif alors qu’il s’agit de toute autre chose : de la matière même de l’œuvre qui se constitue, qui s’élabore en même temps que l’œuvre elle-même.

→   Lire Plus

Fuck « Fuck America »

Par Selim Lander

fuck_americaAu théâtre, il y a des soirs avec et des soirs sans. On veut dire par là avec ou sans cette fascination que connaît le spectateur lorsque les trois conditions d’une pièce réussie se trouvent réunies : le bon texte, la bonne mise en scène et le(s) bon(s) comédien(s). Tout commence par le texte (sauf pour le mime ou un certain théâtre d’objets, évidemment). Fuck America est un roman qui, d’après ce que l’on en sait, est fortement inspiré par l’expérience personnelle de l’auteur, Edgar Hilsenrath, plus particulièrement ses années de « galère » en Amérique (États-Unis). Connaissant l’humour juif new-yorkais, on imagine aisément qu’un bon écrivain puisse tirer d’une telle expérience un roman à succès (et l’on nous dit que, en l’occurrence, le succès fut bien au rendez-vous). Le théâtre, néanmoins, semblable d’ailleurs à cet égard au cinéma, est obligé d’opérer des coupes sombres dans le texte romanesque. L’adaptation est un exercice difficile, pas toujours réussi. C’est malheureusement le cas dans cette pièce (adaptée par l’un des trois comédiens) où l’on enfile les lieux communs, par exemple les stéréotypes racistes.

→   Lire Plus

La folie de Marguerite

Par Selim Lander

Marguerite André Marcon, Catherine Frot et Denis Mpunga incarnent au cinéma, respectivement le comte de Beaumont, la comtesse épousée pour son argent et enfin le majordome noir en proie à de troubles sentiments qu’il exorcise en photographiant la comtesse dans les tenues de scène, parfois un peu osées, qu’elle collectionne. Car elle est passionnée d’opéra au point de travailler plusieurs heures par jour les grands airs du répertoire. Même si la musique est chez elle une passion ancienne, elle s’y est littéralement plongée après son mariage, compensant ainsi la négligence dans laquelle la tient un mari volage. Las, elle chante (très) faux.

Tout cela se passe dans le beau monde, l’argent ne manque pas. Ce sont les années folles, la comtesse est contente de s’encanailler dans des boites interlopes conduites par des jeunes gens autant intéressés par son argent qu’émus par son rêve impossible. Car elle s’imagine en diva. Et personne n’a osé lui révéler que même son argent sera impuissant à réaliser ce genre de miracle. Son argent qui n’a servi qu’à l’isoler dans le monde fantasmagorique où elle a plongé jusqu’à s’y noyer…

→   Lire Plus

La folie de Saul

— Par Selim Lander —

Le Fils de SaulLe Fils de Saul, ce film hongrois de Lazlo Nemes qui a reçu un accueil plutôt enthousiaste de la critique, qui est donné favori pour recevoir l’oscar du meilleur film en 2016, aurait pu s’intituler tout aussi bien la folie de Saul. L’histoire, comme on sait, se déroule dans un camp de concentration. Saul fait partie d’un Sonderkommando, il est un ouvrier de l’industrie nazie de la mort : il réceptionne les déportés à la descente du train ou des camions, les conduit au vestiaire, les fait se déshabiller, les dirige vers la « douche », en fait la chambre à gaz, puis débarrasse les cadavres. Le premier mérite du film est peut-être de nous rappeler cette réalité : oui, les camps de la mort ont existé en Europe, il n’y a pas tant d’années que cela, et les ouvriers de cette industrie hors norme n’étaient pas tous de farouches antisémites, il y avait parmi eux des juifs, comme Saul, pris dans la logique implacable de la terreur et contraints de participer au génocide de leur propre race.

→   Lire Plus

« Au nom du père », etc. : une comédie pour un désastre

— Par Selim Lander —

Au nom du père - BissilaDans une ville complètement dévastée, au point que les quartiers eux-mêmes ne sont plus reconnaissables, deux demi-frères, Criss et Cross, sont en quête des ruines de la maison familiale. Sur scène, des cordes en tas symbolisent les ruines. Ce devrait être tragique mais les deux larrons sont des « sapeurs » qui prennent la vie du bon côté. Aussi leur quête s’avère-t-elle plus comique qu’autre chose. Un troisième comédien fait quelques apparitions muettes avant d’investir la scène et de devenir un personnage à part entière, le vieux voisin des deux frères. Il sera le seul à prendre au tragique le drame qui s’est produit, lorsqu’il raconte le martyre d’une famille assaillie par des soudards en uniforme de footballeur. Et encore finit-il son récit sur une pirouette, si bien qu’on ne sait pas s’il l’a inventé pour faire peur ou s’il est réel (réel au sens du théâtre, bien sûr).

Le décalage entre la forme (presque tout le temps comique) et le fond (tragique) n’est pas exceptionnel dans le théâtre contemporain. Reste à savoir de quoi il est productif.

→   Lire Plus

« Les Irrévérencieux »

— Par Selim Lander —

les-irreverencieux-du-theatre-des-asphodeles-Bonne nouvelle : des « irrévérencieux » ont investi le Théâtre municipal. Pendant trois jours les Martiniquais assez chanceux pour obtenir une place peuvent assister à un spectacle de pure comédie, avec des masques, du mime, de la danse, du rap, sans oublier la « musique de bouche » (human beatbox) ni les démonstrations d’une contorsionniste, bref la commedia dell’arte revisitée à la sauce du XXIe siècle par la troupe des Asphodèles, basée à Lyon et dirigée par Thierry Auzer. La pièce qu’elle nous présente ces jours-ci doit être le premier volet d’un triptyque (on attend la suite !). Elle a été mise en scène par Luca Franceschi qui l’a lui-même écrite en collaboration avec les comédiens.

L’argument dans cette sorte de divertissement importe peu. Résumons-en le début : soit un M. Pantalone qui fut l’époux trois femmes venues de trois pays différents. Elles l’ont quitté lui laissant trois filles parlant chacune la langue de leur mère (espagnol, finnois, français). Ce M. Pantalone possède aussi une servante qui s’exprime pour sa part en anglais.

→   Lire Plus

Au-delà des montagnes

— Par Selim Lander —

Au-delà des montagnesA Madiana. Séance V.O.

Une rue d’une bourgade chinoise pas encore touchée par la modernité ; la même bourgade vue de l’autre côté du fleuve qui la baigne, à moitié pris par les glaces ; un scooter et une Volkswagen (en 1999), une Audi (en 2014) ; des trains vieillots ; une mine de charbon ; une pagode perdue dans le paysage minier ; deux trousseaux de clés en gage d’amour fidèle ; deux chiens ; des vues à couper le souffle sur une ville moderne de la côte australienne ; l’océan Pacifique.

Un couple chinois qui se fait photographier en tenue de cérémonie, avant le mariage devant la photo de l’opéra de Sydney (en 1999) ; seul le futur mari partira finalement pour l’Australie, avec leur fils « Dollar », après le divorce. En 2024, Tao, l’épouse délaissée, assiste au mariage d’une amie avec un Français. Avant de se décider à se marier, Tao a hésité entre Liang-zi, un mineur pauvre et peu communicatif, et Zhang, un jeune homme d’affaires en pleine ascension sociale. Celui-ci, comme de juste, l’emporta.

→   Lire Plus

Sony superstar

—Par Selim Lander —

3_sonycongo_pierre_van_eechauteSony Labou Tansi (SLT – 1947-1995) est l’un des auteurs les plus talentueux de cette école littéraire congolaise trop mal connue en France. Le spectacle qui lui est consacré et qui a été créé au printemps dernier au Tarmac (Paris) rappelle opportunément la pléiade de littérateurs qui ont émergé sous la bonne étoile de Tchicaya U Tam’si, jusqu’à Dieudonné Niangouna aujourd’hui. Des intellectuels qui se sont souvent mêlés de politique, dans un pays pourtant soumis à une censure tatillonne. Parmi ces écrivains, la figure de SLT émerge comme la plus anticonformiste, son expérience de la politique s’étant d’ailleurs limitée à un bref passage par l’Assemblée nationale. Professeur d’anglais puis homme de théâtre et romancier, il est l’auteur d’une œuvre baroque qui ne recule ni devant les invraisemblances ni devant la vulgarité, quand celles-ci sont nécessaires pour rendre compte de situations qui, pour invraisemblables et vulgaires qu’elles paraissent, ne sont pas moins trop souvent réelles dans une Afrique soumise à des dictatures aussi arbitraires que cruelles.

→   Lire Plus

Jeu littéraire (II) – Lecteurs, à vous de répondre !

— Par Selim Lander —

livres-150x150Déception ! La première édition de notre jeu littéraire, il y a une petite année de cela, n’a pas rencontré le succès espéré. Comment pouvait-il se faire, dans une île comme la Martinique, si riche en littérateurs et en lettrés, qu’un seul lecteur de Madinin-art (l’honneur est sauf, tout de même !), se montrât capable de répondre exactement, i. e. de trouver l’auteur de l’extrait du roman proposé – roman dûment publié en son temps – qui n’était autre que … Vincent PLACOLY ???

Voici l’occasion, ô lecteurs, de vous rattraper. La règle du jeu n’a pas changé : il suffit de mentionner dans votre réponse le nom de l’auteur et le titre du roman (premier indice) d’où est extrait le passage suivant :

→   Lire Plus

Les Fables de La Fontaine

10 , 11 & 12 decembre 2015 à 19h 30 au T.A.C.

Les-Fables-de-La-Fontaine— Par Selim Lander —

Jean de La Fontaine est monté sur la scène du Théâtre (de Fort-de-France) avec deux comédiens : à la demande du roi Louis XIV, il doit concevoir un spectacle divertissant. Situation imaginaire qui constitue un bon point de départ pour une mise en scène des fables, une petite dizaine parmi lesquelles des incontournables comme Le lièvre et la tortue (« rien ne sert de courir ; il faut partir à point ») ou La cigale et la fourmi (« vous chantiez, j’en suis fort aise : eh bien ! dansez maintenant »). De fait, le spectacle, qui s’adresse à tous les publics, divertit fort. William (pas Daniel !) Mesguich s’est mis en scène dans le rôle de La Fontaine. Il mène le jeu avec l’autorité et l’abatage qui conviennent, ses deux comparses incarnant tour à tour les différents animaux sur le mode de la farce. Le parti est de faire rire en nous en mettant plein la vue (masques, costumes, vidéo) et les oreilles (voix off, bruitage, musiques puisées dans le répertoire du XVIIe siècle à aujourd’hui).

→   Lire Plus

Suzanne Césaire, fontaine solaire

Les 11 & 12 décembre 2015 à 20h au Tropiques-Atrium.

Suzanne Césaire— Par Selim Lander —

Les textes les plus saillants de Suzanne Césaire choisis par Daniel Maximin (l’auteur de Suzanne Césaire : le grand camouflage. Écrits de dissidence (1941-1945), Le Seuil, Paris, 2009), interprétés par trois jeunes comédiennes dirigées par Hassane Kouyaté : telle est la fête à laquelle nous sommes conviés en cette fin de semaine. Suzanne Césaire est un météore des lettres martiniquaises. Elle connut Aimé Césaire, son mari, pendant leurs études à Paris. De retour à Fort-de-France pendant la deuxième guerre mondiale, ils ont lancé avec quelques autres la revue, l’aventure de Tropiques. Par la suite, tandis qu’Aimé Césaire connaissait le destin politico-poétique que l’on sait, Suzanne Césaire, installée à Paris avec ses enfants, semble avoir déserté les lettres, à l’exception d’une pièce de théâtre au titre évocateur : Aurore de la liberté. Ses articles dans Tropiques n’en font pas moins date. Ils sont les plus marquants, les plus engagés, on sent à les lire une femme de caractère aux idées claires et aux convictions bien ancrées.

→   Lire Plus

Les belles images de Lucette Salibur

— Par Selim Lander —

la_traversee_selimLucette Salibur a créé Traversée il y a vingt ans, un texte de Xavier Orville écrit spécialement pour elle. Autant dire qu’elle habite ce texte autant qu’elle est habitée par lui et qu’elle s’investit totalement dans ce monologue assez bref (45 minutes) mais qui fait intervenir plusieurs personnages de tous les âges. Cela se passe quelque part en Guyane, dans une région assez reculée, en tout cas pas urbaine. Au commencement, une vieille femme qui a trouvé refuge au sein d’un arbre creux. Les autres personnages interviendront ensuite, chacun ou plutôt chacune marquée par une douleur, une souffrance, un traumatisme ancien dont elle ne peut se défaire. Vision de la femme maltraitée, de la femme souffre-douleurs, de la femme impuissante à échapper à une fatalité atavique.

Rappelons-nous les trois ingrédients de la réussite au théâtre énumérés dans notre chronique précédente : un bon texte, une bonne mise en scène, de bons comédiens. Pour ce qui nous concerne, c’est le texte de Traversée qui a fait problème, non pas tant que le sujet manque d’originalité – chose plutôt habituelle, au théâtre – mais par la manière dont il est traité, enchaînant des situations certes tragiques mais convenues et assez facilement prévisibles, sans réelle construction dramatique.

→   Lire Plus

Yves Marie de Malleray expose à l’Habitation du Simon

— Par Selim Lander —

dans-les-cannes-246x300Yves Marie de Malleray est un peintre et graveur délicat. Ses tableaux représentent des paysages de nature sous des cieux chargés de nuages, de sombres mornes qui tombent dans une mer aux reflets vert émeraude, des oiseaux de nos îles, quelques animaux de la savane africaine.

Chez cet artiste, la précision du dessin et du pinceau n’empêche pas mais contribue plutôt à créer dans nombre de ses toiles, même – ou plutôt surtout – lorsqu’il peint des paysages familiers, une atmosphère onirique. Etroitement fidèle à la réalité, il n’invente pas moins un autre monde, situé ailleurs, peut-être sur une autre planète demeurée à l’état sauvage. Cela tient surtout à l’éclairage, pour les marines, à une attitude ou un regard lorsqu’il peint un oiseau. Il y a également de l’orientalisme dans certains de ses grands formats et cela est moins dû au motif, parfois ouvertement oriental, qu’à une manière qui évoque alors directement l’art de l’ancienne Perse.

→   Lire Plus

Deux filles en vedette au festival de jazz

— Par Selim Lander —

Yilian CanizaresOn ne dira pas  « celle qui croyait au ciel et celle qui n’y croyait pas », ignorant les penchants métaphysiques de ces jeunes dames ou demoiselles du jazz, toutes deux charmantes et pourvues d’une voix agréable à défaut d’être transcendante. Deux métisses au teint de sapotille, la mince et la ronde, deux filles des îles, l’une de Cuba à la crinière rousse, l’autre du Cap-Vert à la crinière brune, celle qui nous attendrissait avec son français imparfait ; celle qui nous impressionnait avec sa maîtrise parfaite de notre langue prononcée de surcroît avec l’accent des élites parisiennes ; celle qui avait convoqué un « vrai » pianiste et un « vrai » bassiste jouant sur des instruments acoustiques et elle-même au violon (tous amplifiés, évidemment, nul n’est parfait) et celle qui préférait être accompagnée par des instruments électriques (orgue, guitare, basse) ; celle qui la jouait sexy, hauts talons, mini short, jambes et dos nus, et celle qui dissimulait ses formes sous un costume de scène d’inspiration ethnique (talons plus sages, jupe longue et des épaulettes pour agrémenter le haut ; celle qui aimait le jazz classique et celle restait plus accrochée à ses racines insulaires.

→   Lire Plus

Comme de grands oiseaux querelleurs : La Nuit des assassins

— Par Selim Lander —

la nuit des assassinsQue faut-il pour faire du bon théâtre ? On l’a peut-être déjà écrit dans l’une ou l’autre de ces chroniques, mais cela vaut la peine de le répéter tant les compagnies d’aujourd’hui ont tendance à l’oublier. Rappelons donc la recette : un bon texte, une bonne mise en scène et de bons comédiens. Ces trois éléments étant présentés ici dans un ordre qui n’est pas hiérarchique (ils sont tout aussi nécessaires) mais simplement chronologiques : le texte existe avant que le metteur en scène ne s’en saisisse et qu’il le travaille d’abord seul puis avec les comédiens. Cela n’implique pas que ces derniers ne puissent avoir leur part dans la compréhension du texte, que des aller-retour ne soient possibles entre le metteur en scène et eux, de même que, si l’auteur est encore vivant, d’autres aller-retour ne soient possibles entre lui et ses interprètes, mais le schéma est grosso modo celui-là.

→   Lire Plus

Quand Chantal Loïal rencontre Matthias Groos… et Madinin-art.

— Par Selim Lander —

chantal loïalQuelques mots sur la pièce de ces deux danseurs chorégraphes, « Soyez vous-mêmes », car il serait dommage qu’elle sombre immédiatement dans l’oubli. Madinin-art sert aussi cela, à garder la mémoire des divers spectacles et manifestations culturelles qui ont eu lieu en Martinique. Son directeur, Roland Sabra, tient en effet à ce que les rédacteurs du site s’efforcent de couvrir tous les événements un tant soit peu notables, ceux qui leur paraissent réussis comme ceux qui, de leur point de vue, le sont moins. La critique n’étant pas un exercice entièrement objectif (même si elle l’est sans doute davantage qu’on le croit) les avis peuvent diverger à cet égard et c’est pourquoi il n’est pas rare qu’un même spectacle donne lieu à des commentaires opposés. Telle est la règle du jeu et cela doit simplement conforter le lecteur dans l’idée qu’il peut lui aussi avoir son avis et un avis divergent de celui (ou ceux) défendu(s) sur le site.   

→   Lire Plus

Annabel Guérédrat, vamp pudique et sauvage

Par Selim Lander

« La vie est trop courte : je l’approfondis par l’art », Valeska Gert

Annabel GuérébratTrès bonne surprise que ce Valeska and you, la performance d’une talentueuse Martiniquaise qui pourrait en remontrer à beaucoup de grandes. Un spectacle en « petite jauge », tous les spectateurs – chanceux d’avoir obtenu une place – installés pour la circonstance sur la scène de la grande salle de l’Atrium. On peut toujours se tromper mais si Annabel Guérédrat ne parvient pas à percer, c’est que de bien méchantes fées se seront mises en travers de sa route. Quoi qu’il en soit, merci à la nouvelle scène nationale de Martinique de nous l’avoir fait connaître (et l’on prend déjà des réservations pour son prochain spectacle !)

Son projet – évoquer le personnage d’une danseuse cabarettiste du Berlin des années vingt (juive de surcroît) – n’était pourtant pas a priori de ceux qui nous séduisent le plus. Il faut dire que nous avions été récemment échaudé, dans un lieu pourtant prestigieux, le Pavillon Noir de Preljocaj, à Aix-en-Provence, par la prestation d’une danseuse qui s’efforçait de faire revivre sans grand succès la comtesse de Castiglione, un personnage a priori intéressant (maîtresse des plus grands de son époque, dont l’empereur Napoléon III, puis choisissant une complète réclusion lorsque la beauté l’a quittée).

→   Lire Plus

« Crime et Châtiment » et quelques considérations sur le spectateur de théâtre

— Par Selim Lander —

crime et châtimentAdapter Crime et Châtiment de Dostoïevski au théâtre : pas facile. Virgil Tanase, cet écrivain d’origine roumaine que l’on connaît par ailleurs pour ses romans, l’a fait et bien fait. Son adaptation qu’il a lui-même mise en scène enchaîne les principales scènes du livre sans aucun temps mort, les protagonistes de la scène suivante étant déjà présents sur le plateau lorsqu’une scène s’achève. Les costumes ont leur importance, s’agissant d’un texte de la fin du XIXème siècle. V. Tanase a demandé à sa costumière habituelle – il n’en est pas en effet à sa première expérience théâtrale – Doïna Levintza, roumaine comme lui, des « costumes d’époque simplifiés », comme cela est de plus en plus fréquent. Idem pour le décor. Le théâtre est fait de conventions et l’expérience prouve que celles-là sont facilement acceptées par le spectateur. Il serait d’ailleurs intéressant d’expliquer précisément pourquoi car cela touche à la nature même du théâtre, ce en quoi il se distingue essentiellement du cinéma (on n’imaginerait pas en effet un « film d’époque » avec des costumes et un décor approximatifs).

→   Lire Plus

Excursion arlésienne : Musée Réattu et Fondation Van Gogh

— Par Selim Lander —

Copie de Fondation VG David Hockney (3)La ville d’Arles abrite depuis 1868 un musée des beaux-arts riche en histoire puisqu’il fut le siège de « la langue de Provence » de l’ordre des chevaliers de Malte, avant d’être acheté par le peintre Jacques Réattu, Grand Prix de Rome en 1791. Il abrite, entre autres, des œuvres de ce peintre, d’une très belle facture classique, et une collection de dessins de Picasso (des portraits). Il est surtout, depuis 1965, à l’initiative de Lucien Clergue (1934-2014) et du conservateur de l’époque, un musée de la photographie, et donc à l’origine de ce qui est devenu, en 1970, les Rencontres d’Arles. Une exposition temporaire (jusqu’au 3 janvier 2016) présente une sélection de 210 photographies parmi les quelques 5000 qui constituent le fond du musée.

→   Lire Plus

Impressions d’automne : Apollinaire, Molière, Saccomano

— Par Selim Lander —

Tiresias Catherine GermainL’automne est la saison des rentrées scolaire et littéraire. C’est aussi, pour les amateurs, le début d’une nouvelle saison théâtrale. Contrairement à Paris où les nombreux théâtres jouent tous les soirs (sauf le lundi), en province les salles ne fonctionnent pas en continu, on va voir des spectacles pour lesquels on s’est généralement abonné. À Paris, on peut attendre d’avoir lu les critiques pour faire son choix. Rien de tel en province, on y aime le théâtre à l’aveugle en quelque sorte, comme les spectateurs du IN d’Avignon qui louent leur place à l’avance sans savoir si la soupe qu’on leur servira au mois de juillet sera digeste ou pas.

→   Lire Plus

Minimalisme et conceptualisme : Adrian Piper, Lion d’or de la Biennale d’Art de Venise

— Par Selim Lander —

El Anatsui, « Fresh and Fading Memories », Palazzo Fortuny, Venice, 2007.(photoOctober Gallery, Londres)On connaît les Lions d’or décernés au festival du film (La Mostra) de Venise. On sait moins que la Biennale d’Art a aussi ses récompenses. Lors de cette 56ème édition, les deux principaux Lions d’or ont été attribués respectivement à El Anatsui et à Adrian Piper. El Anatsui, né en 1944, est ghanéen, installé au Nigeria ; il est à l’heure actuelle l’artiste africain le plus coté et célèbre pour ses tentures métalliques géantes. Le Lion d’or destiné à récompenser l’ensemble de son œuvre lui a été accordé par le comité directeur de la Biennale suivant la proposition du commissaire Okwui Enwezor, lui-même nigerian. Le Lion d’or qui récompense un(e) exposant(e) à la présente Biennale a été attribué, quant à lui, à Adrian Piper, née en 1948, philosophe néo-kantienne en même temps qu’artiste minimaliste et conceptuelle afro-américaine, par un jury de cinq membres choisis par le même Okwui Enwezor. Au-delà de l’origine des personnes en question, nous importent surtout les œuvres qui, à travers les artistes, ont été distinguées. Les rideaux d’El Anatsui – confectionnés à partir de capsules de bouteilles dans un atelier où travaille désormais une quarantaine d’assistants – sont demandés dans le monde entier et les grandes pièces se négocient plus d’un million de dollars.

→   Lire Plus

Qu’est-ce que l’art aujourd’hui (II) : la 56ème Biennale de Venise

— Par Selim Lander —

affiche_venise La Biennale de Venise est une vieille dame de cent-vingt ans. Autant dire qu’elle a vu couler beaucoup d’eau depuis 1895, d’abord autour du Giardini où les premières expositions restaient limitées à l’intérieur du bâtiment néoclassique toujours existant, avant qu’il ne s’y adjoignent progressivement des pavillons nationaux. En 1999, l’espace venant à manquer, la Biennale s’est étendue dans l’Arsenale désaffecté. Elle investit désormais encore d’autres lieux, en ville, qui abritent soit des expositions de pays n’ayant pas de pavillon propre et n’ayant pas trouvé une place à l’Arsenale, soit des « Événements collatéraux », c’est-à-dire des expositions labellisées par la Biennale.

→   Lire Plus

Vive le nouveau cirque – le festival CIAM 2015

— Par Selim Lander —

La ville d’Aix-en-Provence connue depuis des lustres pour son festival d’art lyrique et plus récemment, depuis que le ballet Preljocaj y a trouvé son point d’ancrage, grâce à la danse contemporaine, est en passe de devenir également une référence en matière de cirque. Le Centre International des Arts en Mouvement (CIAM) s’est ouvert en 2013 sur le terrain du château de La Molière ; il organise un festival d’automne, avec, cette année, neuf compagnies invitées. Le  public est au rendez-vous, ce qui prouve  que le « nouveau cirque » n’a plus rien … à prouver. Quelques coups de sonde dans le programme du festival 2015.

Gandini Juggling : 4×4 – Ephemeral Architectures

Rings of truth … Gandini Juggling search for meaning in 4x4.Sean Gandini, jongleur anglais, a créé sa compagnie en 1992. Celle-ci se produit avec plusieurs spectacles différents sur des scènes prestigieuses en Angleterre comme en Europe. Le CIAM l’a invitée pour une seule soirée, sous un chapiteau rempli à craquer par un public dont l’attention n’a jamais fléchi.

→   Lire Plus

Trois danseurs de Preljocaj présentent leurs recherches

— Par Selim Lander —

Sous l’intitulé général « Affluents », trois danseurs et une danseuse qui font partie du ballet d’Angelin Preljocaj ont présenté leurs créations lors d’une soirée, au Pavillon Noir, qui clôturait les manifestations organisées pour célébrer le trentième anniversaire de la compagnie. Disons d’emblée qu’on a été séduit par l’inventivité des jeunes danseurs chorégraphes (ils ont tous moins de trente ans). Seule la tentative de Caroline Jaubert, qui tentait de mixer théâtre et danse, est apparue ratée, faute d’un contenu suffisamment substantiel.

Absentia de Liam Warren

Absentia - Liam Warren ( J-Cl Carbonne)La première pièce est peut-être celle qui a fait le plus impression. Il convient d’imaginer quelque chose qui tient de la performance et du butô (ou butho), plutôt que de la danse occidentale. Au début, on aperçoit seulement des bouts du corps d’un danseur (formidable Marco Herlov Host) balayés par un rayon de lumière, « les empreintes d’un corps dans l’espace » comme l’écrit le chorégraphe canadien⋅ Après un noir, on découvre le danseur en position fœtale couché dans un couloir de lumière⋅ Il se déplacera sur le rythme du butô, accroupi ou debout.

→   Lire Plus

Prestations mitigées d’anciens danseurs de Preljocaj

Memento Vivere de Sylvain Groud

Memento vivere Sylvain Groud— Par Selim Lander —

« Memento mori », disaient les anciens : n’oublie pas la mort, souviens-toi que tu es mortel. Mais la maxime inverse doit être prise tout aussi au sérieux : « memento vivere », n’oublie pas de vivre ! C’est elle qui est censée inspirer la pièce de Sylvain Groud, sur une musique de Steve Reich avec l’adjonction d’une vidéo de Grégoire Korganow. La vie c’est le souffle. Le spectacle commence donc avec la projection sur un écran blanc de l’image de un, deux, trois puis quatre personnages (deux hommes et deux femmes) debout, immobiles, en train de souffler bruyamment. On nous laisse plus que le temps pour contempler cet écran qui ne se remplit que très lentement et ce prologue paraît interminable. Enfin les danseurs que l’on a vus en vidéo apparaissent sur la scène et commencent à se livrer à divers mouvements – tenant plus de la gymnastique que de la danse – sur un bruit de castagnettes. Coordonnés ou pas, comme chaque danseur se livre à ses exercices dans son coin, il ressort plutôt de cette première séquence une impression d’improvisation. 

→   Lire Plus