Étiquette : Négritude

Spéculations sur la conscience noire

— Par Michel Herland —

Achille Mbembe, Critique de la raison nègre, Paris, La Découverte, « Poche », 2016, 267 p., 11 €.

La réédition en poche d’un ouvrage publié pour la première fois en 2013 est l’occasion de signaler un travail à bien des égards passionnants, même s’il laisse le lecteur sur sa faim. Achille Mbembe, camerounais d’origine, universitaire, enseigne actuellement en Afrique du Sud. Son livre qui fait appel aux meilleures sources anglophones et francophones, pourvu d’un appareil de notes imposant, ne se rattache à aucune discipline particulière. L’histoire événementielle et l’histoire des idées, la psychologie, voire la psychanalyse, l’anthropologie, la sociologie sont mobilisées dans cet essai qui explore la condition de l’homme noir.

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La cuisine créole d’Arthur H et Nicolas Repac

Par Selim Lander

arthur h l'or noirOn apprend par les gazettes (Le Monde des Livres du15 mai) que Maryse Condé vient de publier un livre pas vraiment de mais sur la cuisine (Mets et Merveilles, J.-CL. Lattès, 2015). On se demande ce qu’elle penserait de la drôle de tambouille poético-musicale à base d’ingrédients (principalement) antillais concoctée par deux Français de France. Rien à dire en ce qui nous concerne, sinon des éloges, sur les ingrédients : les textes de Césaire (tirés du Cahier, des Armes miraculeuses, de Corps perdu) sont « étranges et pénétrants » comme il se doit ; et ceux qui l’accompagnent sans être aussi puissants (comment se comparer à Césaire ?) méritent néanmoins d’être entendus. On remarque en particulier, pour leur originalité, l’humour macabre d’Amos Tutuloa (L’Ivrogne dans la brousse traduit Raymond Queneau) ainsi qu’une définition de l’amour vrai comme l’art du voyage à motocyclette par Édouard Glissant (Marie-Galante). Rien à dire non plus, sinon des éloges, sur le chef, le nommé Arthur H (comme Higelin), lequel, incontestablement, sait dire des textes : mieux que ça, sa manière concentrée et inspirée, ménageant là où il faut les silences qu’il faut, est celle d’un maître.

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Crépuscule de la Négritude

— Par Selim Lander * —

 » Fortress of Negritude 2  » acrylics and watercolors on canvas 48″ x 48  » 2001

Texte publié initialement le 07/06/2006

« Ainsi la Négritude est pour se détruire, elle est passage et non aboutissement, moyen et non fin dernière…  » Jean-Paul Sartre

Il ne s’ agissait pas de métaphysique, mais d’ une vie à vivre, d’ un péril à courir, d’ une éthique à fonder et de communautés à sauver. A cette question, nous tâchâmes, vous et moi, de répondre… Et ce fut la Négritude…

Aimé Césaire, discours d’ accueil de Léopold César Senghor en Martinique, 1976.

L’ histoire de l’ invention de la Négritude a été plusieurs fois contée. La rencontre à Paris, au tournant des années trente de trois étudiants, l’ Africain, Léopold Sédar Senghor, le Martiniquais, Aimé Césaire et le Guyanais, Léon-Gontran Damas. Trois jeunes gens déracinés, trois poètes aussi pour lesquels l’ expression de le pensée politique passe d’ abord ou en tout cas tout autant dans l’ acte sacré de l’ écriture que dans les discours de tribuns. Le terme « Négritude » fut forgé par Césaire, d’ abord dans un article de la revue parisienne L’ Etudiant noir, puis dans le Cahier du retour au pays natal (1ère éd.

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« Nègre je suis, nègre je resterai »

 — par Aimé Césaire —

 cesaire-10Lycéen.

 Je trouvais les hommes martiniquais légers, superficiels, un peu snobs, porteurs de tous les préjugés qu’avaient les hommes de couleur autrefois. Tout cela ne me plaisait pas du tout, et je dois dire que je suis parti pour la France avec délectation. En mon for intérieur, je me disais: «Ils me foutront la paix. Là-bas, je serai libre, je lirai ce que je voudrai.» Me rendre en France avant-guerre était pour moi la promesse d’une libération, une possibilité, un espoir d’épanouissement. Autrement dit, contrairement à beaucoup de camarades de ma génération, j’avais constamment le sentiment que je vivais dans un monde fermé, étroit, un monde colonial. C’était mon sentiment premier. Je n’aimais pas cette Martinique. Et quand j’ai pu partir, ce fut avec plaisir. «Adieu!», pensais-je.

 

Senghor.

 Au lycée Louis-le-Grand, Senghor et moi, nous discutions éperdument de l’Afrique, des Antilles, du colonialisme, des civilisations. Il adorait parler des civilisations latine et grecque. Il était fort bon helléniste. Autrement dit, on s’est formé ensemble, au fur à mesure, jusqu’au jour où nous nous sommes posé une première question essentielle: «Qui suis-je?

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Dépasser la négritude

— Par Lilyan Kesteloot

lilyan_kesteloot

Une nouvelle génération de romanciers africains

 17/03/06

Littérature de l’anomie et de la déviance, de la subversion, de la destruction et la décomposition… expression des complexes, des traumatismes, des refoulements… image d’une contre-société, de contre-culture… lieux et non-lieux des turbulences dont le passage à l’univers littéraire s’effectue par des ruptures, des dissociations, des collisions, des explosions… l’écriture est une décharge électrique  » : il y a cinq ans, le professeur congolais Georges Ngal, s’interrogeant sur les  » nouvelles conditions d’émergence d’une pensée africaine « , décrivait ainsi le nouveau discours littéraire africain (L’Errance, L’Harmattan, 1999).

L’essentiel de l’esprit du temps ainsi caractérisé, et singulièrement celui de la nouvelle génération des intellectuels et écrivains de l’Afrique noire, que pouvons-nous ajouter pour cerner plus spécifiquement les romanciers actuels ? Constatons d’abord que cette nouvelle génération est en rupture affirmée avec celles qui l’ont précédée, et qui avaient vécu, en gros, sur les principes énoncés par le mouvement de la négritude.

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