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Qu’est-ce que la laïcité ? Un enseignant répond

— Recueilli par Paula Pinto Gomes —

La Croix Campus : Qu’est-ce que la laïcité ?

Aymeric Patricot : La laïcité (le mot vient de l’adjectif laïque, qui désignait à l’origine ce qui ne faisait pas partie du clergé) définit en France une façon de séparer les institutions étatiques des institutions religieuses. Il convient de la distinguer de la sécularisation, qui correspond au fait que les mœurs se détachent des exigences religieuses.

À cet égard, toutes les sociétés occidentales se sécularisent. En revanche, seule la France se montre attachée à la laïcité en tant que telle, codifiée par la fameuse loi de 1905 dont les principes s’appliquent encore aujourd’hui.

On peut considérer qu’il existe deux grands piliers à cette loi, correspondant aux deux premiers articles. Le premier consiste à dire que la République garantit la liberté de conscience : en France, vous avez le droit de pratiquer la religion de votre choix, et même de ne pas croire ; les religions sont donc protégées, de même que l’athéisme.

Le deuxième principe, lui, se focalise sur la séparation proprement dite, stipulant que l’État ne reconnait ni se subventionne aucun culte.

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La Guyane doit continuer à salarier ses prêtres, tranche le Conseil constitutionnel !

— Par Youness Rhounna —
Il n’y a pas qu’en Alsace-Moselle que le culte catholique est financé sur fonds publics. La Collectivité territoriale de Guyane doit aussi rémunérer son évêque et ses curés comme des fonctionnaires. Et cet héritage colonial vient d’être jugé conforme par le Conseil constitutionnel.

Laïcité à plusieurs vitesses, nouvelle illustration. Saisi par une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) à l’initiative de la Collectivité territoriale de Guyane (CTG), le Conseil constitutionnel a décidé vendredi 2 juin de confirmer l’obligation de financement du culte catholique par ce territoire d’outre-mer.

Car il n’y a pas que l’Alsace-Moselle qui fasse exception à l’application de la loi de 1905 de séparation des Eglises et de l’Etat. Si l’Est de la France est toujours régi par le Concordat napoléonien, c’est une ordonnance royale de Charles X datant de 1828 qui oblige la CTG à salarier les prêtres ainsi que l’évêque du département. Pourquoi ? Tout simplement parce que ce texte considère la Guyane comme une « terre de mission à évangéliser », dans le plus pur esprit du colonialisme français du XIXème siècle.

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3 juillet 1905, le projet de loi relatif à la séparation de l’Église et de l’État

— Par Jean-Paul Scot, historien —

loi-1905Depuis les crimes de janvier 2015, tout le monde ou presque se réclame de la laïcité dans la plus grande confusion. Rien d’étonnant: elle est aujourd’hui trop souvent incomprise, falsifiée et dénaturée. Si la France est définie depuis 1946 comme une « République indivisible, laïque, démocratique et sociale », c’est à la suite des très longues luttes qui ont abouti à la séparation des Églises et de l’État par la loi du 9 décembre 1905, que la Cour européenne des droits de l’homme a qualifiée de « clé de voûte de la laïcité française».
Sous l’Ancien Régime, le catholicisme était la seule religion d’État légitimant la monarchie de droit divin. Cependant, dès Philippe le Bel (XIII e – XIV e siècle), la France fut le premier État européen à rejeter la théocratie pontificale et la suprématie du pouvoir religieux sur le pouvoir politique.
Néanmoins, les pouvoirs temporel et spirituel étaient seulement distincts, pas séparés, car ils avaient le même objectif: imposer à tous les sujets du roi les « devoirs envers Dieu».

La France a également été le premier État à instaurer la tolérance.

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Les fous d’Allah et les trafiquants de drogue

— Par Michel Herland —

11 janvier 2015 Paris, Place de la République

Les événements tragiques du mois de janvier 2015 ont provoqué chez quelques intellectuels classés à gauche une réaction paradoxale, que l’on peut identifier au communautarisme le plus extrême : l’État ne devrait pas seulement une forme de respect minimale aux cultures minoritaires, y compris les religions (ce qui est conforme au consensus national), il deviendrait comptable de la survie culturelle de chaque communauté. Qui plus est, nous serions, nous les Occidentaux, et les Français en particulier, collectivement responsables de ces événements et l’islam n’aurait rien à y voir.

Il suffit pourtant de réfléchir un tout petit peu pour comprendre que si les politiques suivies en  France sont, pour partie au moins, à l’origine, d’un certain nombre des difficultés que rencontrent beaucoup de membres de la minorité musulmane, ces politiques ne sont pas responsables du djihad ici ou ailleurs. D’une part parce que la montée de l’intégrisme musulman est un phénomène global. D’autre part parce que, en France même, les ratés de l’assimilation ne se sont pas tous rangés sous la bannière d’un islam revanchard et cruel.

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La «néolaïcité» ou le risque d’amalgame

— Par Stéphanie HENNETTE-VAUCHEZ (Enseignant et chercheur à l’UFR droit et science politique de l’université Paris-­Ouest-Nanterre-La Défense), Marielle DEBOS (Enseignant et chercheur à l’UFR droit et science politique de l’université Paris-­Ouest-Nanterre-La Défense) et Abdellali HAJJAT (Enseignant et chercheur à l’UFR droit et science politique de l’université Paris-­Ouest-Nanterre-La Défense) —

hijab-3TRIBUNE

Deux mois après les tueries de Charlie Hebdo, de Montrouge et du supermarché Hyper Cacher, la laïcité – plus précisément une néolaïcité – est au centre des débats publics. Le cadrage «néolaïque» s’est encore imposé. Des acteurs politiques de droite comme de gauche établissent un lien entre les attentats de janvier et de supposées menaces sur la laïcité.

Le 18 février, monsieur Eric Ciotti dépose à l’Assemblée nationale la proposition de loi visant à étendre le principe de laïcité aux établissements publics d’enseignement supérieur; et lundi 2 mars, madame Pascale Boistard, secrétaire d’Etat aux Droits des femmes, renchérit, estimant qu’il n’est pas certain que le voile ait sa place à l’université.

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Faut-il développer l’enseignement laïc du fait religieux ?

— Par Esther Benbassa Directrice d’études à l’Ephe (Sorbonne), sénatrice EELV Catherine Robert Professeur de philosophie au lycée Le-Corbiusier d’Aubervilliers et Philippe 
Gaudin Agrégé 
de philosophie, directeur adjoint 
de l’IESR —

le_fait_religieuxFavoriser une meilleure compréhension

par Esther Benbassa Directrice d’études à l’Ephe (Sorbonne), sénatrice EELV.

295448 Image 2Il a fallu les meurtriers attentats islamistes de janvier pour remettre soudain ce sujet à l’ordre du jour de nos décideurs politiques. Et pourtant, l’affaire n’est pas nouvelle. En 2002, Jack Lang, ministre de l’Éducation nationale de l’époque, commandait déjà à Régis Debray un rapport intitulé : « L’enseignement du fait religieux dans l’école laïque ». Son auteur y évoquait « l’ignorance où nous sommes du passé et des croyances de l’autre, grosse de clichés et de préjugés ». J’y ajouterais pour ma part l’ignorance, par chacun, de son propre passé et de ses propres (ex-)croyances. Preuve en est l’inculture religieuse de départ des jeunes djihadistes de notre temps. Où ont-ils puisé leur savoir tout neuf ? Sur des sites Internet, ou de la bouche de prédicateurs autoproclamés. Objectivation, distanciation, sûreté de l’information : un enseignement laïc du fait religieux à l’école est assurément un des moyens de dépassionner le sujet et de se garder des dérives.

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Ces intellectuels qui tissent un islam progressiste

— Par Nicolas Dutent —

islam_progressisteLa confusion entre islam et islamisme n’a jamais totalement cessé de sévir. Plusieurs spécialistes de l’islam agissent, à différents niveaux, pour sortir des lectures orthodoxes ou tronquées du Coran. Faire triompher de nouvelles interprétations ne peut faire selon eux l’économie d’une réforme.

« J’ai une maison fissurée, que j’ai cru être une belle demeure, mais elle commence à prendre l’eau, le vent de partout et menace de s’écrouler. Les pierres de taille de départ me plaisent, donc je la déconstruis au sens où je prends pierre par pierre et je la rebâtis pour en faire un beau palais. » C’est par le recours à une métaphore que Ghaleb Bencheickh, physicien et islamologue érudit, empoigne son sujet. La figure de style n’est pas neutre. Elle vise, en bravant les tensions du présent, à tisser de manière positive l’avenir de l’islam. Dans le déluge médiatique qui a suivi l’assassinat de nos confrères de Charlie Hebdo le 7 janvier, blessure aussitôt ravivée par l’attentat antisémite ignoble survenu dans un Hyper Cacher, on ne compte plus les fois où il a été affirmé que ces meurtres ont été perpétrés « au nom de l’islam ».

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Contre l’intégrisme, choississons la respiration laïque

penser_la_laiciteVoici plusieurs années que Catherine Kintzler tente d’élaborer une construction philosophique du concept de laïcité. Elle en a proposé en 2007 (Qu’est-ce que la laïcité?, éd. Vrin) une exposition raisonnée de type « académique ». Il s’agit ici pour elle d’exposer et de reprendre cette réflexion de manière plus ample, tout particulièrement en la jugeant à l’aune de l’actualité. En effet, on doit pouvoir attendre d’une théorie qu’elle soit capable d’élucider le plus grand nombre possible de phénomènes entrant dans son champ, et qu’elle soit en mesure soit de prévoir de manière détaillée des phénomènes inédits, soit d’y faire face de manière tout aussi détaillée s’ils se présentent.

Dans cet esprit, plusieurs « questions » et « fausses questions » laïques qui ont jalonné de manière décisive les deux dernières décennies sont abordées comme autant de défis où la pensée est mise en demeure et où la théorie est mise à l’épreuve. Qu’est-ce que l’extrémisme laïque ? Pourquoi ajouter un adjectif au substantif « laïcité » (ouverte, positive, raisonnable, plurielle..) ? Comment se justifie la laïcité scolaire, peut-on l’étendre à l’enseignement supérieur ?

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Laïcité : en finir avec le double jeu

Par HENRI PENA-RUIZ Philosophe, écrivain, ancien membre de la commission Stasi

Triste sort que celui de la laïcité dans notre pays. Evoquée sur un mode incantatoire, elle ne cesse d’être bafouée. En particulier dans le domaine scolaire. Le secrétaire général de l’enseignement catholique, Eric de Labarre, tente d’enrôler les élèves de ces écoles dans des débats sur le mariage pour tous, projet émancipateur programmé par les représentants du peuple. De qui se moque-t-on en prétendant que ces débats ne sont pas un appel déguisé à manifester contre ce projet ? Un enseignant de l’école publique commettant le millième de ce genre de détournement serait vertement rappelé à la déontologie laïque. Pourquoi donc cette hargne déguisée en «discussion civique» ? Parce que le mariage pour tous relativise le mariage chrétien traditionnellement hétérosexuel et tourné vers la procréation, en en faisant désormais une option libre parmi d’autres et non plus une structure obligée. La charge est lancée au nom de la «nature». Pourtant l’avènement d’une conception plus universelle de la relation entre deux êtres humains, fondée sur l’amour, le mariage pour tous, assorti de tous les droits afférents, n’est pas moins «naturel» que le mariage patriarcal traditionnel, ni moins équilibrant pour d’éventuels enfants adoptés ou nés grâce à l’assistance médicale à la procréation (AMP).

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