Étiquette : André Schwarz-Bart

En 1959, le Goncourt au «  Dernier des justes » faisait resurgir les zones d’ombres de notre histoire collective

— Par Malka Marcovich, historienne —

Il y a soixante ans, le prestigieux prix littéraire couronnait le roman « Le Dernier des Justes ». Salué comme une œuvre importante de la mémoire de la Shoah, il suscitera alors une « curée inouïe », dans un contexte de rapprochement franco-allemand et de résurgence de l’antisémitisme, souligne l’historienne Malka Marcovich dans une tribune au « Monde ».

Tribune. Le 16 novembre 1959, le prix Goncourt est décerné à André Schwarz-Bart (1928-2006), écrivain apparu soudainement sur la scène médiatique pour son roman Le Dernier des Justes (Seuil). Cette épopée, que d’aucuns compareront à La Légende des siècles, de Victor Hugo (1859), retrace les errances et persécutions d’une lignée de « Justes » [thème puisé dans la légende talmudique] depuis le XIIe siècle jusqu’à 1943, au seuil de la chambre à gaz. Véritable bombe dans le paysage médiatique de l’époque, ce fut aussi un moment de curée inouï, qui n’a rien à envier aux violences que l’on connaît aujourd’hui sur les réseaux sociaux. Cette fulgurance littéraire cristallise un ensemble d’événements dont nous sommes aujourd’hui les héritiers. Dans cette période de bascule des « trente glorieuses » se sont structurées des lignes de force identitaires et idéologiques qui n’ont jamais cessé de faire débat jusqu’à nos jours.

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« Solitude », adaptation et m.e.s. de Fani Carenco

— Par Christiane Makward —

Le décor ressemble à un chantier ou une cour de garage rural: lanterne suspendue, cordages, pneus de poids lourds, gros bidons rouges , vieilles planches empilées formant plateforme, bobines de câbles, caisse, siège décati et deux projecteurs à gauche et à droite. Par la magie des éclairages, de la sonorisation, la vie s’installe, la mort rôde. Ainsi un discret balancement de la lanterne évoquera le tangage du bateau négrier tandis que Bayangumay tente laborieusement d’avaler sa langue. Ainsi ce tas de vieilles planches évoque un cercueil (toujours la funeste embarcation) d’où se redresse la déportée qui bientôt lancera dans les ténèbres et dans sa langue son cri de résistance: “Diolas, Diolas, n’y a-t-il pas un seul Diola dans ce poisson?” Et telle bobine de câble sera sublimée en socle de statue lorsque Solitude, peu avant sa mort , prendra la pose d’une Liberté en grande jupe et ceinture rouge, sans torche et sans drapeau, mais tout aussi splendide et insoumise.

Le spectacle a commencé par un anachronisme espiègle: un touriste blanc entre en scène. Il n’échappera pas aux spectateurs avertis que ce personnage narrateur évoque aussi un André Schwarz-Bart grisonnant de même que Marie-Noëlle Eusèbe fait penser à Simone ce qui constitue donc une distribution astucieuse que complète l’actrice burkinabé Laure Guiré dont l’élocution marquée concorde avec son incarnation de Mère-Afrique.

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« Solitude » d’après « La Mulâtresse Solitude » d’André Schwarz-Bart

Jeudi 18 mai 2017 à 20 h Salle Frantz Fanon

Cie La Grande Horloge
Avec :
Marie-Noëlle Eusèbe: Solitude
Laure Guire : Bayangumay
Laurent Manzoni : L’homme
Figure de résistance, de révolte, figure de femme : emblème de la lutte contre l’esclavage, la mulâtresse Solitude se dressera contre l’oppression et le paiera de sa vie.
Fani Carenco met en théâtre le roman d’André Schwarz-Bart, dans une atmosphère baignée des croyances antillaises.
Solitude est une femme de légende. Enfant née du viol d’une esclave par un marin pendant la traversée qui la déportait aux Antilles, elle voit en 1794 l’abolition de l’esclavage, puis son rétablissement par Napoléon en 1802. Elle entrera alors en lutte aux côtés des insurgés… Une femme pour toutes les femmes, pour toutes les luttes.
Trois comédiens portent le récit de ce destin exceptionnel. Cette adaptation révèle l’intemporalité de la révolte, met en question la mémoire des hommes et la facilité de l’oubli. Elle dévoile la formidable luminosité des êtres en résistance.

Adaptation & Mise en scène : Fani Carenco
Assistante à la mise en scène : Lili Sagit
Scénographie : Fani Carenco,Nicolas Natarianni & Christophe Charamond
Lumière : Nicolas Natarianni
Son : Nicolas Natarianni & Thibault Lamy
Création vidéo : Thibault Lamy

Production : La Grande Horloge
Coproduction : Bonlieu, Scène Nationale d’Annecy, Les Inachevés – Académie des savoirs et des pratiques artistiques partagées sous l’égide de la Fondation Bullukian
Avec le soutien de : Ministère des Outre-mer
© crédit photo : Céline Chagnas – La Grande Ho

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La genèse du Dernier des Justes : André Schwarz-Bart, un « porteur du temps »

7 avril, 14-17 h, Ecole Normale Supérieure, 29 rue d’Ulm, Paris 5, salle 235 C

— Par Francine Kaufmann —
Dans le cadre du séminaire « manuscrit francophone » de l’ITEM
                                                          
Le Dernier des Justes  (*)   premier roman d’André Schwarz-Bart (1928-2006) paru au Seuil en 1959 eut un impact considérable dès avant l’attribution du Prix Goncourt qui le consacra et lui assura une des ventes les plus importantes dans l’histoire du prix. Le livre fut traduit dans un nombre considérable de langues, l’édition américaine dépassant à elle seule les 500 000 exemplaires. C’est que, en français en tout cas, à une époque où le silence pesait encore sur la Shoah, le roman constituait une des premières  sagas identitaires  (Francine Kaufmann) aboutissant à elle : débutant au Moyen Âge, le récit mythico-historique parcourt près de neuf siècles, des Croisades à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, de York à Auschwitz en passant par la Pologne, l’Allemagne et la France pour décrire à la fois le processus qui a mené au génocide et l’esprit dans lequel les Juifs de la diaspora ont vécu cet avènement dans une Europe chrétienne.

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Simone Schwarz-Bart et Philipp Meyer lauréats du prix Littérature Monde

ancetre_en_solitudeCes prix récompensent un ouvrage écrit en français ainsi qu’un roman traduit – prix Littérature Monde étranger – et chacun d’eux est doté de 3.000 euros par l’AFD, en charge de la politique publique française d’aide au développement au plan mondial.
« L’ancêtre en solitude » est cosigné par Simone et André Schwarz-Bart, décédé en 2006, car il est le fruit de la réflexion commune du couple qui avait imaginé d’écrire ensemble un vaste cycle romanesque retraçant l’histoire des Antilles. Leur projet s’était heurté à l’incompréhension de nombre d’intellectuels antillais.
Simone Schwarz-Bart est notamment l’auteure de « Pluie et vent sur Télumée Miracle » (1972), considéré comme un classique de la littérature caribéenne, tandis que son époux avait été récompensé par le Goncourt en 1959 pour « Le dernier des Justes« .

L’Ancêtre en Solitude s’inscrit dans la lignée des grands romans guadeloupéens écrits à quatre mains par Simone et André Schwarz-Bart : Un plat de porc aux bananes vertes (1967) et La Mulâtresse Solitude (1972). André Schwarz-Bart a obtenu en 1959 le prix Goncourt pour Le Dernier des Justes.

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André Schwarz-Bart, le Juif de nulle part

 

 

 

L’Arche n° 583, décembre 2006, p. 84-89
Par Francine Kaufmann
André Schwarz-Bart a choisi de ne laisser de son passage charnel sur cette terre qu’un mince filet de fumée blanche et quelques cendres. Il a été incinéré au lendemain de Kippour, le 3 octobre 2006, sur l’île de Grande-Terre, dans cette Guadeloupe qu’il avait choisie pour demeure. On se souvient de la dernière page de son chef d’oeuvre, Le dernier des Justes, consacré au massacre des communautés juives d’Europe : « Ainsi donc cette histoire ne s’achèvera pas sur quelque tombe à visiter en souvenir. Car la fumée qui sort des crématoires obéit tout comme une autre aux lois physiques : les particules s’assemblent et se dispersent au vent, qui les pousse. Le seul pèlerinage serait, estimable lecteur, de regarder parfois un ciel d’orage avec mélancolie. »
Il est parti sur la pointe des pieds, comme il avait vécu. Rien d’étonnant, donc, si les jeunes générations connaissent à peine son nom et si les adolescents d’après-guerre se souviennent de lui comme de l’homme d’un seul livre, ce Dernier des Justes qui s’imposa avec évidence comme prix Goncourt 1959.

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