Étiquette : André Lucrèce

Le livre, le compagnon de la vie

— Par André Lucrèce —

Dans mon dernier livre, La Guadeloupe, la Martinique au temps du Covid-19, j’évoquais dans ces pays l’érosion persistante des contenus civilisationnels. Parmi ceux-ci, le déclin du statut du livre : fermeture de librairies, dont l’excellente Librairie Alexandre, parmi bien d’autres, disparition des revues, Études Guadeloupéennes, et la revue CARE du Centre Antillais de Recherches et d’Études, en Martinique, les revues Carbet et celles qui vont suivre, comme Archipelago, dédiée à la Caraïbe ou Chemins Critiques, revue Haïtiano-Carïbéenne, sans parler de la revue Textes, Études et Documents qui était une production de l’université des Antilles. L’exception étant celle qui a pu survivre, à savoir Les Cahiers du Patrimoine.

Quant aux conférences – les plus fructueux et les plus profitables exercices de l’esprit – qui avaient lieu à l’université, à la bibliothèque Schoelcher à Fort-de-France ou dans les mairies des communes, elles se font de plus en plus rares. A cela, il faut ajouter le rôle des média. Pendant une quarantaine d’années, j’ai lu, analysé et présenté des livres dans les studios de cette maison qui aujourd’hui porte le nom de Martinique 1ère et j’ai pu mesurer l’influence des émissions littéraires sur la vitalité d’un livre.

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Pathologie de la pleurnicherie

Par André Lucrèce —

Un intellectuel de Guadeloupe m’a envoyé un message me disant à quel point mon texte intitulé Propos sur l’âge de la colère et sur l’âge de la régression avait été apprécié en Guadeloupe car les rappels de Fanon étaient les bienvenus. Les mêmes appréciations me sont venues en Martinique, court, instructif et clair me disait-on à propos de mon texte. Mais je me demandais si tout de même un individu quelque peu chagrin ne trouverait à redire. Et bien c’est fait : un individu inconnu, se disant auteur, et pourtant, j’ai présenté pendant 40 ans sur les antennes de ce qui est aujourd’hui Martinique 1ère des livres d’auteurs divers et variés en donnant la priorité aux auteurs de la Caraïbe. Il est pour moi inconnu.

Cet individu, dont la parole se déclare en défaut sans aucune précaution oratoire, prétend me donner des leçons sur ce que doit être la sociologie et comment je devrais traiter mon analyse, concernant la polémique qui a émergé à propos de l’exposition d’art contemporain du Bénin qui s’est tenue à l’Habitation Clément.

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Propos sur l’âge de la colère et sur l’âge de la régression*

Par André Lucèce

Il s’agit ici d’un point de vue, reposant toujours sur une analyse, concernant la polémique qui a émergé à propos de l’exposition d’art contemporain du Bénin qui s’est tenue à l’Habitation Clément. Certains propos énoncés sous le signe de la morale et de la radicalité me semblent éminemment discutables.

Je pars du principe que les sociétés démocratiques se protègent et se développent par tout ce qui fonde une société humaniste, c’est-à-dire tout ce que nous accumulons en connaissances, non seulement en savoir-faire, mais également par les capacités d’analyse que nous accumulons. Nous Martiniquais, nous avons eu la chance d’avoir des hommes remarquables, pour lesquels j’ai le plus grand respect pour les outils intellectuels qu’ils nous ont fournis et que nous avons utilisés pour progresser.

Parmi ces hommes, dont chacun a quelques noms en tête, il y en a qui se sont battus pour acquérir les droits sociaux, mais également pour nous faire acquérir des principes moraux et intellectuels.

Parmi ceux-ci, il y a notre compatriote Frantz Fanon, auquel j’ai consacré un livre intitulé Frantz Fanon et les Antilles, l’empreinte d’une pensée.

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Entre identité et décivilisation

Interview André Lucrèce à propos de son livre « La Guadeloupe et la Martinique au temps du Covid 19 »

— Entretien avec Ronald Laurencine pour France-Antilles —

Ronald Laurencine : Plus de trois ans après l’apparition de la Covid-19 aux Antilles, à l’évidence vous continuez à vous interroger sur la pertinence de l’emploi de deux expressions très en vogue à l’époque : « Nous sommes en guerre ! » et « la distanciation sociale ».

André Lucrèce : Je ne m’interroge pas. J’exprime au contraire une critique et je rappelle le mot de Camus : « Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde. » L’expression « Nous sommes en guerre » s’agissant d’un virus n’a ici aucun sens. Pour protéger les malades des effets du virus, il faut les soigner. Or le soin, au contraire de la guerre, est un humanisme. Ainsi, nos soignants, aussi bien en Martinique qu’en Guadeloupe, ont été héroïques dans le soin et dans la bienveillance vis-à-vis des malades. Nous avons souvent la mémoire courte, mais n’oublions pas que cette épidémie a provoqué une importante mortalité.

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René Ménil : Retour sur le parcours d’un éveilleur de consciences

Colloque le 24 mars à l’Auditorium de la Mairie de Paris
Conférences
René Ménil et la question identitaire aux Antilles
André LUCRÈCE, Docteur en Sociologie, écrivain, critique littéraire.
André LUCRÈCE écrivait dans son livre Souffrance et jouissance aux Antilles : « C’est le lieu de souligner qu’il est absurde d’opposer l’art à la réflexion sociologique ou philosophique : Bataille, Leiris, Caillois et tout le Collège international de sociologie l’ont parfaitement compris, eux qui ont renouvelé l’approche de la société tout en produisant des oeuvres poétiques et romanesques, abaissant les hautes barrières dressées artificiellement dans l’existence active de l’homme de réflexion et d’esprit. » Son intervention consiste à montrer que l’oeuvre de René Ménil est précisément une oeuvre ouverte sur l’esprit, là où la puissance de la parole et de l’écrit nous révèle l’identité antillaise aussi bien dans des réflexions issues de la théorie critique que dans des textes littéraires marqués par un humour tout en imagination. L’autorité forte avec laquelle René Ménil a analysé la question de l’identité antillaise, en prenant ses distances avec le superficiel, est présente dans l’ensemble de ses textes.

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Aliénation et dépossession, actualité de Frantz Fanon

— Par André Lucrèce —

Frantz Fanon est décédé le 6 décembre 1961 à Bethesda, près de Washington, mais chemine aujourd’hui encore son œuvre capitale. Aliénation et dépossession, le Grand Objet ici, pour reprendre une expression de Merleau-Ponty qui a été le professeur de Fanon, est l’aliénation. Pour analyser le phénomène d’aliénation, Fanon part du principe que l’aliénation est un objet qui relève de l’historique et du social. Il faut donc le considérer dans sa structure globale.

Fanon procède alors à une rupture paradigmatique. (Je rappelle, pour faire simple, que le paradigme est une conception théorique qui repose sur une vision du monde). Ici, je voudrais citer le philosophe Michel Foucault dont la démarche en son intentionnalité me paraît très proche de celle de Fanon. « La sociologie traditionnelle, dit Foucault, se posait plutôt le problème en ces termes : comment la société peut-elle faire cohabiter des individus (…) j’étais intéressé par le problème inverse, ou si vous voulez, par la réponse inverse à ce problème : à travers quel système d’exclusion, en éliminant qui, en créant quelle division, à travers quel jeu de négation et de rejet, la société peut-elle fonctionner ?

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A propos de la décivilisation

— Par André Lucrèce —

Absent du pays, pendant près d’un mois, je prends connaissance à mon retour en Martinique, grâce à des amis, du discours du Président du Conseil Exécutif de la Collectivité Territoriale de Martinique, allocution d’ouverture du congrès des élus de Martinique prononcée le Mardi 12 Juillet 2022, au cours de laquelle se révèlent d’ébouriffantes confusions que je voudrais ici réparer.

L’objet du débat est le concept de décivilisation, rappelé par le journaliste Jean-Marc Party qui me cite dans un texte intitulé Martinique, pays magique et société en situation d’urgence critique. L’une des confusions consiste, dans ce discours d’ouverture du congrès, à relier le concept de décivilisation à ce qui est qualifié de catastrophisme. Il s’agit là, de toute évidence, d’une dissonance vivante qui n’a pas lieu d’être.

Je voudrais d’abord rappeler que ce concept, comme son nom l’indique, n’est pas une opinion, mais une qualification qui définit une tendance de notre société, à un moment donné. Car les sociétés humaines ne sont pas immobiles, elles sont travaillées par des contradictions, par des tensions, par des mutations.

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Souffrir de mille morts

Covid : en Martinique plus de 1000 décès recensés en milieu hospitalier.

—Collectif —

 »La Martinique a désormais franchi le nombre de 1000 décès de la Covid-19 recensés en milieu hospitalier. Un chiffre énorme, qui rappelle que cette épidémie est la plus grande catastrophe sanitaire qu’ait connu notre région.

On utilise l’expression «souffrir de mille morts », pour dire les douleurs extrêmes qu’on imagine ressentir par le fait de mourir mille fois. La Martinique, elle, souffre de mille morts dans une terrible indifférence!

Les morts de la Covid-19 sont aujourd’hui totalement invisibles. Une forme d’accoutumance semble s’être installée dans la population vis-à-vis des personnes qui continuent de mourir de la forme grave, pourtant évitable, de cette maladie.

La sidération semble s’être dissipée en dépit d’une situation toujours préoccupante. Le nombre quotidien des victimes est aujourd’hui sous le seuil de l’ »insupportabilité » de la durée des avis d’obsèques. Les seules craintes qui nous préoccupent désormais sont les annonces de nouvelles restrictions en raison de la situation épidémique, avec près de 2 000 personnes contaminées et 5 qui en meurent chaque semaine.

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Le vote aux Antilles, altérité et paradoxe

— Par André Lucrèce—

La grande leçon de la sociologie, dont certains sont bien éloignés, c’est de prendre ses distances avec soi, ce qui permet de s’écarter des spéculations idéologiques. Ceci rappelé, notre objet ici est l’analyse du vote des populations des Antilles à propos des présidentielles qui ont mis face à face, au second tour, Emmanuel Macron et Marine Le Pen et qui nous révèlent comme altérité singulière par rapport aux options prises dans l’hexagone.

Or précisément la question de l’autre est au cœur de cette élection : quelle place pour l’autre en France au XXIème siècle ? En votant préférentiellement pour la représentante d’une extrême droite dont le programme est marqué par la xénophobie, – le refus de l’autre – avec des scores de près de 60% des suffrages en Martinique et 70% en Guadeloupe, Martiniquais et Guadeloupéens ont surpris tout le monde et stupéfié une partie de la classe politique.

Il faut se rappeler qu’en décembre 1987, le 6 décembre précisément, un employé de l’aéroport d’Orly signale la présence de Jean-Marie Le Pen (qui parait-il voyageait sous un faux-nom), lequel s’apprêtait à rejoindre la Martinique pour tenir congrès avec un groupe de députés des droites du parlement européen.

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Arostéguy, que la beauté de l’île nous mène vers le Dieu

— Par André Lucrèce —

Que la beauté de l’île nous mène vers le Dieu, là où le vert devient dense, alors le chant des feuilles se présente à lui dans la fidélité des arbres, semble nous dire le peintre.

Le soleil invité ne nous déçoit pas, il accompagne cette couleur secrète, ce vert qui obsède jusqu’à nos crépuscules. Tout ici nous parle dans la langue du cœur, les canots des pêcheurs lèchent le vent chaud du rivage de l’Anse Latouche d’où on aperçoit la Pelée qui, jadis, a pleuré des laves qui ont dénudé Saint-Pierre. Dans ce tableau, les fleurs de flamboyant, doucement agitées, semblent s’incliner devant la ville, devant le décalogue du Dieu et celui des sirènes.

Arostéguy, par sa peinture, témoigne de ce que la mémoire, devant ce nid de pierres, n’arrive pas à contenir. La poésie du peintre ne se murmure pas, elle martèle compacte la pensée des arbres afin que ses tableaux puissent porter cette puissance qui fulgure dans ce vert brûlant. De même recueille-t-il dans sa peinture l’existence désentravée du végétal qui vient du milieu profond de la terre et qui attend son midi.

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Frantz Fanon et la Civilisation

Par André Lucrèce

Il y a aujourd’hui 60 ans, par un matin glacial, notre compatriote Frantz Fanon mourait à Bethesda, près de Washington. C’était le 6 décembre 1961. Au moment où une partie de la France, aujourd’hui séduite par la théorie du « grand remplacement », s’apprête à célébrer l’extrême droite ou droite identitaire, laquelle s’oppose à l’émigration des nègres et des arabes sur le territoire français, nous voudrions rappeler l’apport de Fanon à l’épineuse et ardente question de la Civilisation.

Le soi-disant danger, qui est signifié par l’extrême droite, est qu’on assiste aujourd’hui à une remise en question de la civilisation française à cause de la substitution de la population française par une autre, ce qui pourrait aboutir à un processus de décivilisation, thèse inspirée de l’écrivain antisémite Maurice Barrès. Dans ce cercle aux élucubrations douteuses, il faut évoquer également l’écrivain Jean Raspail qui a notamment sévi en Martinique par des déclarations exprimant un profond mépris vis-à-vis des Martiniquais.

Les théories racialistes s’expriment donc aujourd’hui sous la forme d’affirmation telle que « la France est un pays de race blanche », laquelle résulte d’une théorie des races bien éloignée des conceptions modernes de la « race ».

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La jeunesse martiniquaise dans le conflit social.

Par André Lucrèce

Dans ma communication précédente intitulée Souffrance et jouissance aux Antilles, une contribution à l’analyse du désastre, je soulignais ceci : Ma thèse est qu’une société qui accorde trop à l’entropie, qui fait excès de concession au désordre, crée sa propre fragilité. Elle devient vulnérable et sa jeunesse avec elle.

Et pourtant une partie de notre jeunesse connaît la réussite scolaire, allant même jusqu’à l’accès aux grandes écoles et une autre prend l’initiative de fonder des entreprises, y compris afin que notre pays sorte de ce système d’économie de comptoir : acheter pour revendre en ignorant la possibilité d’avoir une production diversifiée. Mais il y a aussi ceux qui souffrent de l’échec scolaire et du chômage. Certains d’entre eux ont le sentiment d’être déclassés ou de subir la relégation sociale.

Leur énergie sociale compulsive participe d’une frustration, en particulier chez certains groupes de jeunes qui manifestent sur les ronds-points. Elle s’exprime aussi bien en souffrance qu’en jouissance. On sent bien chez eux l’objet du manque qui produit la souffrance : toute l’inhibition qui résulte des incapacités à acquérir des objets par lesquels le système consumériste exerce une constante séduction.

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Souffrance et jouissance aux Antilles, une contribution à l’analyse du désastre

Par André Lucrèce—

Nul ne peut se satisfaire de notre situation sanitaire calamiteuse, de la fracture sociale en cours et de la catastrophe annoncée d’une partie de notre économie. Ces éléments nous convoquent, non pas à la rhétorique, mais à nous doter d’une lucidité dans l’analyse de la situation, élément indispensable afin de nous orienter vers un accomplissement.

Une réflexion de Tukaram, poète indien, a attiré mon attention : « Je suis venu de loin, dit-il. J’ai souffert de maux effrayants et j’ignore ce que réserve mon passé. » Tout ici est vrai en ce qui nous concerne. Et nous semblons attendre dans une instabilité fébrile, dans le foyer d’une identité fragile, les effets de ce passé.

Il ne s’agit pas pour nous d’entretenir avec le réel une relation faite de flous, de fantasmes et de fantômes au moment même où des effondrements et des tentatives de reconstruction sont en cours. Or, le discours qui a en charge l’analyse en est à implorer le passé de nous livrer le rhésus de notre identité. Ces réminiscences réactionnelles cherchent le futur dans un passé enjolivé à leur guise qui les aide à produire un discours dans lequel des idéalités se sont endormies pour toujours.

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Critiquer la politique sanitaire ne fait pas de moi un complotiste

— Par Kery Etifier-Rabathaly, consultant en politiques publiques, militant RVN —

Fort de son expertise en sociologie, André Lucrèce dénonce dans sa tribune « Épidémie et rhétorique contestataire en Martinique » les comportements de certains Martiniquais visant à disqualifier le discours public officiel et à diffuser des vidéos et autres histoires non sourcées qui nous entraîneraient dans un « embrouillamini de complotismes plus délirants les uns que les autres ». Je reconnais à M. Lucrèce l’excellente initiative de nous rappeler la nécessité de vérifier la qualité de nos sources afin d’éviter la diffusion de fausses informations. En effet, les théories du complot qui se sont rapidement diffusées sur nos écrans de téléphone et nos murs Facebook sont des hypothèses selon lesquelles des événements socio-économiques graves ont été causés par l’action concertée et secrète d’un groupe de personnes influentes et qui auraient tout intérêt à ce que ces catastrophes se produisent plutôt que par le déterminisme historique ou le hasard.

Bien que l’initiative de M. Lucrèce soit salutaire, je suis surpris par ses conclusions qui visent à présenter la vaccination comme solution ultime pour éradiquer l’épidémie quand il affirme ainsi « Alors que le taux de personnes vaccinées contre le covid-19 est en passe d’atteindre 25% en France, le taux en Martinique est d’environ 8%, or on connait l’importance de la vaccination pour l’éradication du virus.

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Épidémie et rhétorique contestataire en Martinique

Par André Lucrèce, Écrivain, Sociologue

Alors que le taux de personnes vaccinées contre le covid-19 est en passe d’atteindre 25% en France, le taux en Martinique est d’environ 8%, or on connait l’importance de la vaccination pour l’éradication du virus. Bien entendu, et cela est normal, chacun exerce sa liberté de se faire vacciner ou pas. Mais on ne peut pas en même temps se plaindre des conséquences contraignantes et désastreuses de la circulation du virus et tenir un discours contestataire contre les mesures qui visent à se débarrasser de ce virus extrêmement contaminant.

La sociologie qui traite des comportements collectifs et du discours qui les soutient ne peut manquer d’être présente. Se pose en effet la question de la cohésion sociale qui pourrait aider à se débarrasser du virus et l’existence de discours qui remettent en cause cette cohésion, discours où préjugés, rumeurs, commérages, supputations, prédictions et prophéties nous servent un embrouillamini de complotismes plus délirants les uns que les autres. Au moment où l’AFP déclare qu’un milliard de personnes ont été vaccinées dans le monde, une théorie complotiste annonce que les personnes ayant reçu le vaccin Pfizer vont décéder au bout d’un an, au plus tard deux ans.

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Martinique, décroissance démographique, les vraies raisons

— Par André Lucrèce, Écrivain, Sociologue —

Notre pays connaît une indiscutable décroissance démographique. C’est un sujet suffisamment grave pour ne point se satisfaire d’explications relevant de lieux communs, lesquels résultent d’un spontanéisme simpliste. Vieillissement de la population et déficit migratoire nous amènent donc à un premier constat : il convient d’analyser une situation qui relève d’une transition démographique d’une grande brutalité avec des conséquences économiques et sociales peu enviables.

Au début des années 1960, les moins de vingt ans constituent 50% de la population martiniquaise. Nous sommes alors dans une situation économique défavorable. La crise qui frappe en particulier toute l’économie de plantation touche les travailleurs agricoles et provoque la fermeture les unes après les autres des usines productrices de sucre. Deux immigrations en résultent : l’une vers Fort-de-France avec le développement d’une ceinture populaire autour de cette ville et l’autre vers la France qui exprime à cette époque un important besoin de main-d’œuvre.

La conjoncture est aussi politique. Décembre 59, où la jeunesse fut active et engagée, est passé par là, l’OJAM (Organisation de la Jeunesse Anticolonialiste Martiniquaise) se manifeste quelques temps plus tard, la question de l’autonomie se fait entendre, la révolution cubaine est constituée en modèle par certains martiniquais, la guerre d’Algérie est en cours, des grèves d’ouvriers agricoles se terminent le plus souvent dans le sang.

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Diffraction du temps et tensions au sein de la société martiniquaise

— Par André Lucrèce, Sociologue, Écrivain —
La plupart des réactions aux tensions existantes dans la société martiniquaise ne produisent pas de sens et encore moins d’analyses ou de solutions à une situation qui risque de perdurer. Diffraction du temps car tandis qu’une jeunesse en colère – et je ne parle pas seulement de ceux qui se revendiquent du drapeau « rouge, vert, noir » – dénonce une situation intolérable dans notre pays, la réponse de certains « analystes » et de certains médias est de tomber dans l’emphase historique.
Je l’ai rappelé récemment lors une interview donnée à France Culture à l’occasion d’une émission sur Fanon : Fanon a fertilisé à un niveau jamais atteint la connaissance du monde colonial. Son introspection de ce monde, intelligente et sensible, est éminemment précieuse. Une des idées fondamentales de Fanon est de ne jamais être en état de créance ou de débit vis-à-vis de l’histoire.
« Je ne suis pas prisonnier de l’histoire. Je ne dois pas y chercher le sens de ma destinée » affirme-t-il et il ajoute : « Je ne suis pas esclave de l’Esclavage qui déshumanisa mes pères », « Je n’ai ni le droit ni le devoir d’exiger réparation pour mes ancêtres domestiqués ».

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Non, le choix d’un langage n’est pas innocent !

Épidémie, langage et réalité, par André Lucrèce

Qui est André Lucrèce ? (Quelques extraits de l’article de Wikipédia, à lui consacré).

Né le 8 juin 1946 à Fort-de-France en Martinique, il est écrivain, poète, critique littéraire et sociologue français.

Remarqué en 1971 par un article sur « Le mouvement martiniquais de la Négritude », publié dans la revue Acoma créée par Édouard Glissant, l’écrivain s’est distingué par un livre sur Saint-John Perse, puis par des articles et des livres sur la littérature antillaise.

(Du théâtre aussi…) Les textes d’André Lucrèce et d’Aimé Césaire ont contribué à la mise en scène d’une pièce intitulée « Aimé Césaire, paroles et silences », pièce jouée et filmée à la Gare Saint-Lazare à Paris, écrite et publiée par José Alpha en 2013, livre également préfacé par André Lucrèce.

Proche d’Aimé Césaire et du philosophe René Ménil, André Lucrèce a préfacé le livre de ce dernier « Pour l’émancipation et l’identité du peuple martiniquais ». Le roman d’André Lucrèce, partiellement autobiographique, « La Sainteté du monde », a donné lieu à une pièce de théâtre sous l’appellation « Lieux publics » mise en scène par José Alpha.

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Coronavirus, faire face à l’urgence et passer à une autre phase

— Par André Lucrèce & Louis-Félix Ozier-Lafontaine, sociologues —
Nos observations et réflexions nous conduisent à penser que nous sommes passés aujourd’hui à une autre phase de l’épidémie qui affecte notre peuple. Les contaminations au coronavirus ne sont plus exogènes, c’est-à-dire contactés par des personnes venues de l’extérieur (touristes, croisiéristes, visiteurs occasionnels). Aujourd’hui, avec le développement du virus dans notre pays, elles sont endogènes : ce sont des Martiniquais qui contaminent d’autres martiniquais. Le virus Covid-19 est extrêmement contagieux et la contamination gagne chaque jour du terrain dans notre pays.
Ce qui se vit dans la phase dans laquelle nous sommes dorénavant, c’est le danger d’un nombre massif de contaminations et en conséquence un nombre important de décès concernant notre peuple. On doit donc comprendre que le confinement n’est pas une punition, mais un moyen de protection. C’est une question de vie ou de mort dans un contexte sanitaire déjà éprouvé par les empoisonnements massifs, notamment par le chlordécone.
Que chacun en prenne conscience : l’illusion de pérennité ne garantit en rien la survie. Partout, le caractère inédit et cruel de cette crise sanitaire, ainsi que leurs conséquences sur la vie quotidienne posent individuellement et collectivement de multiples problèmes idéologiques et philosophiques.

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À propos d’un projet de musée dédié aux arts plastiques

— Par André Lucrèce, écrivain —
Depuis fort longtemps, nous avons en Martinique accumulé des recherches historiques, des œuvres artistiques et des œuvres littéraires qui ont enrichi notre patrimoine en ces domaines. Il m’apparaît nécessaire de continuer à procéder à une construction active de conservation de ces œuvres.
Le musée est un équipement de loisirs et de connaissance, où dit le législateur, “toute collection permanente est composée de biens dont la conservation et la présentation revêtent un intérêt public et est organisée en vue de la connaissance, de l’éducation et du plaisir du public”. Le musée est en effet un haut-lieu où se décline une intention de faire vivre une poétique du patrimoine qui accueille l’inventivité générée par la tradition ou par la modernité.
Si le tourisme est indispensable au musée, l’inverse est également vrai. Dans une destination “culturelle” à forte connotation identitaire comme la nôtre, il est difficile, voire impossible, de développer une activité touristique sans musée. Ici, vous me permettrez une remarque à caractère sociologique : l’intensification et la diversification des mobilités touristiques, associées aux nouvelles échelles de mobilité et au double mouvement d’internationalisation et d’interconnexion, stimulent indiscutablement la fréquentation des musées.

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Le Président, le Vieux monde et Les Antilles

— Par André Lucrèce, écrivain, sociologue —

C’est Montaigne qui disait, nous rapporte un de ses biographes, que « C’est dans les histoires réelles qu’on rencontre la nature humaine dans toutes sa complexité ». Il s’avère en effet que rompre avec le « Vieux monde » n’est pas si facile. Car lui tourner le dos, c’est mobiliser un flux puissant de conscience qui mène à la rupture avec ce monde désuet. Les plus aptes à le faire sont en général les artistes, les poètes et les penseurs. En France, rares ont été en politique, ceux qui n’ont pas manifesté un soin rituel à pratiquer la dimension cosmétique de la parole, celle qui promet, cherche à enchanter et à séduire, dans la plus pure tradition du « Vieux monde ».
Exemple de parole cosmétique : le discours de campagne électorale. Ainsi, le 25 avril 2017, le leader de la « République en Marche », en pleine campagne, a adressé une lettre aux Martiniquais où l’on peut lire : « Les Outre-mer sont au cœur de mon projet », avec un paragraphe intitulé « Augmenter le pouvoir d’achat » et un autre, encore sous forme de promesse : « S’occuper de notre jeunesse et de nos anciens ».

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« La Martinique pas bien gérée » : la réponse d’André Lucrèce à Bernard Hayot

Bernard Hayot a fustigé la gestion de la Martinique le 18 avril 2018, dans les locaux de l’ex Conseil Général à Fort-de-France. Des élus, des cadres territoriaux, des représentants de l’État, des cadres des institutions financières et des chefs d’entreprises étaient invités par Yan Monplaisir, le 1er vice-président de l’Assemblée de Martinique, à échanger autour du thème : quelle dynamique économique pour la valorisation du patrimoine ?

« Je trouve que la Martinique n’est pas suffisamment bien gérée. Je trouve que la Martinique n’a pas pris conscience que dans la compétition dans laquelle nous sommes, ce sont les meilleurs qui gagnent. Je ne vais pas vous dire à quelle place je mets la Martinique mais ce n’est pas dans les premiers. L’Outre-mer est beaucoup mieux géré, ailleurs », selon Bernard Hayot.

André Lucrèce lui répond par un

Éloge de la prudence liminaire

— par André Lucrèce —
Cet éloge de la prudence se veut liminaire, c’est-à-dire énoncé sur le seuil de la parole, seuil rendu plus ferme et plus solide par des propos rationnels, plus crédibles que ceux proférés sous l’effet de l’émotion.

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L’université comme chambre close

— Par André Lucrèce —

Je viens de lire le roman plein d’ardeur de Corine Mencé-Caster Le Talisman de la présidente, paru aux éditions Ecriture, où tout le travail littéraire est conçu à partir à la fois de son expérience de présidente d’université, telle que vécue par « son moi social », et de son regard vif sur la société martiniquaise.

Il y a quelques années, j’avais donné une conférence à la bibliothèque de l’université sur trois romans écrits par de jeunes martiniquais dont la génération murmure sa propre réplique aux oreilles d’un monde, aux confins de la turpitude et de l’incertitude. Les vieilles questions de notre tradition littéraire antillaise sont ainsi posées là où le regard, la perception, la vision demeurent toujours à naître devant nos hallucinations. J’affirmais alors que le roman pouvait nous révéler les pôles antagonistes face aux consciences déshumanisantes que génèrent les sociétés.

Le roman de Corine Mencé-Caster, par sa faculté qui consiste à prendre de la hauteur par rapport à une affaire qui a affecté l’université et qui a défrayé la chronique, pose clairement le problème de l’irrationalité qui règne de plus en plus dans nos sociétés antillaises, Martinique et Guadeloupe.

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Conscience contre violence

 — Par André Lucrèce —
Ne demeure en France aujourd’hui que les ombres de la mémoire et les flatulences de l’inconscience. Sinon, qu’y a-t-il d’autre ? Quelques voix qui s’élèvent lucides en conscience, mais dont les férules commencent à s’user à force de rappels.

D’abord l’insoutenable

La campagne présidentielle française a montré, dès le début, son degré de tolérance vis-à-vis de l’indignité. La droite l’a payé au prix fort de son élimination, quand toutes les promesses se tournaient vers elle. Saura-t-elle en tirer quelque leçon ?

Car, tout de même, s’obstiner à soutenir un candidat portant à ce point la charge de ses propres turpitudes et de ses multiples errements, penser qu’il pourrait s’en tirer à bon compte, c’est avoir peu d’estime pour les citoyens, c’est ne pas entendre ce qu’ils disent avec obstination depuis quelques décennies : à savoir que les élus bénéficient d’avantages en tous genres, quand ces mêmes avantages se refusent à eux.

Or, voilà un élu, qui non seulement fait travailler femme et enfants, mais qui en plus se fait rétrocéder l’argent public sur son propre compte bancaire.

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Antan lontan

Pineau GuadeloupeLa Guadeloupe et la Martinique à travers les cartes postales anciennes

Par Michel Herland

La réédition de deux ouvrages de Gisèle Pineau et André Lucrèce respectivement consacrés à la Guadeloupe et à la Martinique est l’occasion d’un voyage dans le passé riche d’enseignements. Les premières cartes postales ne ressemblent en rien à celles que l’on trouve aujourd’hui sur les présentoirs des boutiques pour touristes. Pas de paysage de rêve – mer bleue, sable blond et cocotiers –, pas de fleurs exotiques, pas de pin-up plus ou moins dénudée assortie d’une légende égrillarde. Il y a un siècle en arrière, on ne connaissait pas la photographie en couleurs, ce qui rendait sans intérêt les photos de paysages ou de fleurs. Quant aux jeune femmes et dames, elles se baignaient tout habillées – comme nous le montrent, justement, les cartes postales anciennes. Celles-ci nous apportent en effet un témoignage proprement irremplaçable sur la vie de nos ancêtres. Il y avait bien, à cette époque, le journal L’Illustration, mais ce dernier couvrait surtout les grands événements ; ses reporters ne visitaient pas les coins reculés et s’intéressaient peu à la vie sans grandeur des classes laborieuses.

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