S’atteler – oui, mais comment ? – à éradiquer les violences faites aux femmes.

— George Arnauld, militante de l’association féministe martiniquaise Culture Égalité —

La population martiniquaise entière est en colère après ce crime affreux perpétré quatre mois seulement après le meurtre de Leïla et de ses deux enfants. Chaque fois, nous nous mobilisons, nous défilons, nous disons : PLUS JAMAIS ÇA – C’est utile et absolument nécessaire, mais ce n’est pas suffisant !

Que faire pour arrêter ces drames qui ne sont que l’expression d’une société machiste, de domination masculine, rarement remise en question par le plus grand nombre et dans laquelle nous vivons entre plusieurs drames successifs sans nous poser de plus amples questions ?

Quelle est cette société dans laquelle nous vivons ? Sur quoi s’appuie-t-elle pour se maintenir ?

D’abord, sur une répartition attribuant des rôles différents aux femmes et aux hommes. Ces rôles différents impliquent des responsabilités différentes, valorisées de manière inégale. Ce partage arbitraire et pérennisé depuis des siècles est le fondement de l’inégalité.

La hiérarchie des rôles maintient les femmes dans une perpétuelle dévalorisation. Ce n’est pas le fruit du hasard si les métiers où les femmes sont les plus nombreuses sont les plus mal payés.

S’il y a des rapports inégalitaires, c’est parce qu’ils sont imposés par la domination. Cela entraîne inévitablement contestation ou possibilité de contestation. La force intervient pour préserver cette domination et prévenir toute velléité de remise en cause.

Pourquoi les hommes utilisent la violence envers les femmes ?

1 – Le pouvoir appartient au masculin: La société étant patriarcale, le masculin est valorisé et donne accès au pouvoir.

La violence ou la menace de violence est un mécanisme utilisé dès l’enfance pour établir une hiérarchie. Quand un homme maltraite une femme, ce n’est pas parce qu’il perd le contrôle de lui-même, mais parce qu’il veut imposer son contrôle sur cette femme.

2- Le pouvoir masculin donne droit des privilèges : Cette croyance des hommes dans leur droit aux privilèges est tenace. Par exemple : les rapports sexuels, les chemises repassées, le repas prêt quand ils rentrent à la maison….

3- La permission d’exercer la violence  : Nos sociétés et ses pratiques comportent une permission implicite d’exercer la violence. On cherchera les causes de cette violence du côté de la victime : la femme l’a sûrement cherché !

4 – Le paradoxe du pouvoir des hommes  : Ils utilisent la violence comme arme servant à rétablir un pouvoir masculin, à affirmer leur identité. Par exemple, enfermé dans l’idéologie patriarcale qui veut que ce soit l’homme qui réponde aux besoins économiques de sa famille, lorsqu’il ne le peut pas, cet homme vise une cible physiquement plus faible, plus vulnérable : sa femme, sa compagne.

5- L’armure psychologique de la masculinité  : la personnalité d’un homme doit être celle d’un dur : Un homme ne pleure pas car il n’est pas une « fillette ». Son caractère est fondé sur une distance émotionnelle par rapport à autrui imposée par l’éducation. La masculinité implique le rejet des qualités qui sont associées aux soins et aux émotions.

6 – La masculinité comme cocotte à pression psychologique : La plupart des émotions qu’un garçon ou un jeune homme pourraient exprimer sont dévalorisées ou ridiculisées ; la seule émotion valorisée est la colère. Face à des sentiments comme la peur, la souffrance, l’insécurité et la douleur, les réponses se font sous des formes violentes.

7 L es expériences du passé  : les hommes qui ont grandi dans des foyers où la mère était battue par le père ont intériorisé ces attitudes comme la norme. Ils ont appris à utiliser la violence depuis l’enfance.

8 – La pornographie  : la première éducation sexuelle se fait par le biais des vidéos, d’Internet…. Ces images ne montrent que violences, femmes soumises et consentantes. Or ces images sont marquantes et donnent une fausse idée de la sexualité et des relations femme-homme. La pornographie est un support important de socialisation des garçons, renforçant l’image d’une masculinité liée à la virilité et au machisme. Elle renforce des croyances sociales présentant les femmes comme soumises, disponibles sexuellement à tout moment et à n’importe quelle condition – y compris le viol.

Où faut-il travailler ? : Écoles, collèges, lycées, université, centre de formation des apprentis, centres privés de formation d’adultes, clubs sportifs, centres culturels et notre carnaval…

Une prise de conscience de tous ces phénomènes par le plus grand nombre est important pour déconstruire la société machiste et patriarcale et ainsi mieux lutter contre les violences faites aux femmes. Il faut donc des politiques volontaristes à l’école. Les textes existent qui permettraient de construire un projet pédagogique, un plan clair afin que chaque école, chaque collège, chaque lycée intègre dans son programme de l’année ce thème avec les moyens votés au conseil d’administration. Et ceci aussi dans les centres de formation d’apprenti.e.s.

L’obligation devrait être faite par les services compétents d’introduire un module sur l’égalité femmes/hommes dans les programmes des centres privés de formation également.

Ajoutons aussi des interventions en direction des jeunes qui sont dans les clubs sportifs ou autre lieux de regroupement.

Pour répondre aux besoins, il faut enrichir les équipes d’intervention, donner les moyens aux associations qui existent et qui travaillent déjà dans ce sens pour qu’une véritable croisade soit mise en place.

Mais aussi les citoyennes et les citoyens doivent être vigilants.es et être en cohérence avec la colère exprimée quand une femme est assassinée. Par exemple, au carnaval, il nous arrive trop souvent, sous prétexte d’une légitime décompression, d’oublier nos valeurs de respect humain et de tolérance. Ainsi, nous répétons avec frénésie des chants machistes. Bien plus, l’année dernière, un homosexuel était bafoué, soumis à la risée. Cette année-ci, c’est une jeune femme qui se voit vilipendée et menacée d’un lynchage symbolique ! Ces pratiques ne peuvent être sans conséquences, elles laissent des traces et risquent de faire reculer la lutte contre les inégalités et contre le machisme.

Alors nous faisons quoi, nous disons quoi ? On s’arrête, on se pose, on se questionne et on prend, chacune, chacun, à bras le corps, dans notre quotidien, cette démarche.

DÉCONSTRUISONS CETTE SOCIÉTÉ PATRIARCALE ET MACHISTE !

C’est la condition de la lutte contre les violences sexistes.

Le vieux monde veut nous briser. Il n’aura pas raison de nous.

George Arnauld,

Militante de l’association féministe martiniquaise