« Sans titre » de Frederico Garcia Lorca

— Par Roland Sabra —

Jacques-Olivier Ensfelder travaille depuis sept ans avec un petit groupe de femmes passionnées de théâtre. Un seul homme durant ce « septennat » s’est aventuré sur les planches. Le metteur en scène récuse la distinction entre théâtre amateur et théâtre professionnel. Il explique que bien des amateurs ont un talent au moins équivalent à certains professionnels. La preuve nous en est donnée chaque année par une troupe subventionnée dont le metteur en scène s’escrime à vouloir jouer, pour un résultat sur lequel on ne s’appesantira pas.

 

La position de Jacques-Olivier Enselder si elle est parfois juste ne l’est pas en toutes circonstances. Son dernier travail en témoigne. Un texte magnifique de Frederico Garcia Lorca «  Comédie sans titre, écrite juste avant la mort du poète assassiné par les troupes franquistes. Pièce de théâtre sur le théâtre. Un metteur en scène répète « Le songe d’une nuit d’été » de Shakespeare dans le théâtre d’une ville sur le point de tomber aux mains des factieux. Quelle est l’urgence? Peut-on continuer à faire du théâtre qualifié de « bourgeois » dans une situation insurrectionnelle. N’y a-t-il pas une urgence politique? Quel liens entre théâtre et politique, théâtre et société? En quoi la mise en scène est-elle porteuse e sens? Telles sont quelques unes des questions que pose ce texte admirable de Garcia Lorca. L’ennui est que ce type de questionnement est celui de la maturité, de gens de la scène ayant longuement réfléchi au pourquoi du théâtre à partir d’un pratique. Quand Shakespeare, Pirandello incorporent du théâtre dans le théâtre avec un dimension critique ils le font forts de leur expérience

 

Le début de la pièce illustre bien la position d’un théâtre amateur ou bourgeois, où domine la vision d’un théâtre illustratif, dans lequel les décors par exemple, voudraient être au plus près de la réalité. Théâtre qui évite au spectateur d’avoir à penser, imaginer puisque tout lui est montré. Plus tard le metteur en scène proposera une vison autre. On ne fera pas injure à Ensfelder de vouloir faire un théâtre de vignette de bande dessinée. Sauf que la scénographie qu’il nous propose s’inscrit assez bien dans la ligne d’une forme théâtrale aujourd’hui dépassé. Le plateau est inutilement encombré de feuilles mortes, de branches d’arbres etc. La grande difficulté tient à ce qu’il est impossible à des comédiens amateurs de jouer à jouer le rôle de comédien amateur. Le manque de recul font que lorsqu’ils jouent faux, ils jouent réellement faux sans aucun recul, du coup l’effet comique qui suppose une distanciation n’est pas là. Par exemple les hurlements de certaines comédiennes sont de réels hurlements, assez insupportables par ailleurs, sans aucun souci de faire comprendre ce qu’elles sont sensées dire. Jouer faux et jouer à jouer faux ce n’est pas du tout la même chose. L’intervention du metteur en scène supposé représenter le point de vue de Lorca est jouée avec une conviction un peu pesante et tellement démonstrative qu’elle tourne par moment au pensum.

 

Cela dit, Ensfelder, nous rappelle qu’il y a un vivier important dans le théâtre amateur, même s’il n’apprécie pas cette dénomination. Sa démonstration était plus convaincante les années précédentes et c’est peut-être vers des pièces moins ambitieuses plus à la hauteur de ses comédiennes, par ailleurs attachantes et sympathiques dans leur désir de bien faire et leur amour de la chose théâtrale.

 

Fort-de-France le 07/05/10

Roland Sabra

 

 

 

Sans titre

de Frederico Garcia Lorca

Mise en scène de Jacques-Olivier Enfelder

avec :

Jeanne Héry

Alice Thérésin

Catherine Ruiz

Dominique Planchette

Aurélie Merlin

Marie-Chantale Etiennne

Liliane Platon

Béatrice

 

Les jeudi 06 et vendredi 07 mai 2010 au Théâtre Aimé Césaire de Fort-de-France