Hommages à Francisco : André Lucrèce, Jean-José Alpha, Patrick Chamoiseau

Salut à Francisco

— Par André LUCRECE —

Je ne peux que saluer Frantz Charles-Denis, celui qui constamment mettait en mouvement le monde dans l’affinité de la matière qui était la sienne, la musique. Je ne peux que saluer celui qui a su répondre à la question : comment rendre le génie d’une forme musicale – la biguine – par l’exploration des possibles sous la bannière de la liberté de l’esprit.

Francisco a su puiser aux sources des profonds essentiels, chose indispensable pour qui veut animer le feu de l’art, de la poésie et de l’esprit. En d’autres circonstances, j’ai eu l’occasion de saluer son génie musical : d’abord dans la préface intitulée Francisco, Quasi une fantasia, préface au livre de Dominique Cyrille consacré à Francisco, puis en écrivant la préface qu’il m’avait demandée pour le livre de sa vie Inmin lavi, écrit par Francisco lui-même qui voulait, dans l’épreuve de la maladie, affirmer sa volonté de vivre.

Ce bel hidalgo à la chevelure noire et aux yeux rieurs s’en est finalement allé de ne pouvoir respirer qu’une très faible brise issue de la vie. Mais demeure le souffle de son attentive gentillesse et celui de sa musique marquée du sceau de l’inventivité et de l’amour du pays.

A.L.

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Par Jean-José Alpha

Hey Babalou,

Moi, je ne te vois qu’à travers ta fureur de vivre, ton élégante allure d’hidalgo, ta moustache conquérante, tes mains bavardes et tes yeux de fauve, et puis tes jambes ; tes jambes et tes pieds en mouvement permanent qui swinguaient la biguine, la charanga, le béliya, le judo et la comédie créole que tu as portée jusqu’au bout de souffle du pays qui était le tien, avant de t’élever dans l’ailleurs en nous précédant. Et puis la sagesse acquise au fil des katas et des Ippons qui traverse les races, les cohérences, les occurrences, les tolérances; et puis ta voix de boléro qui me tue chaque fois encore, quand j’essaie de m’habiller de ton charme… inoxydable. Yep. José ALPHA

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POUR FRANCISCO LE MAGNIFIQUE

(Bouladjel)

 


La voix-devant :

Il avait dû, c’est assuré, rencontrer les dieux de la musique

qui rythment aux obscurs les tibwa de la lave

qui balancent les trois clés de lumière dans la lumière elle-même.

 

La voix-derrière  :

Le souvenir des chants perdus lui avait accordé, au-delà du joli et du beau, ce qui était sa voix, une voix sans origine et sans adresse connue ; et ses traversées l’avaient relié aux forces du tambour, non comme pauvre militant ou servant d’une mystique, mais commerçant et célébrant dans toutes les harmoniques, vieux nègre à piano, fileur libre des biguines, maître d’un jazz très intime dans les jeux du clavier, soliste du plaisir, marqueur des hasards du ti-bonheur la chance, manieur des philharmoniques simples qui n’ont pas de limites, et qui connaissent le rire, qui ne craignent pas la joie, toute frime éreintée par la classe, et tout paraître éteint dessous l’autorité de la seule élégance, et ce plaisir de vivre dont la très claire intensité se trouvait au total, tout entière, et sans fin, unique et solitaire, dans l’esquisse savoureuse d’un demi pas de salsa…

 

La voix-devant :

Maestro,

pas d’aujourd’hui mais dès l’antan,

vous ai vu danser comme un soleil de nuit,

et j’ai su vous nommer dans une grage de siak.

 

 

 

Patrick CHAMOISEAU