Rencontres cinémas : Le court c’est long (parfois) !

—Par Selim Lander —

M Marronnage

M Marronnage

Quatre films étaient au programme de la soirée court-métrage de ces Rencontres 2013. Le court est un genre à part qui éveille d’autres envies que les films au format habituel. On sait que l’argument restera très simple mais l’on s’attend à une surprise dans le scénario, et surtout on s’apprête à découvrir l’univers particulier d’un auteur qui n’a pas encore, en général, eu l’occasion de l’exprimer.

De ces quatre films, Entre Deux (de Nadia Charlery) est le seul qui remplisse entièrement le contrat et ce n’est donc pas pour rien qu’il a emporté le Prix de court, cette année. Les cinéphiles martiniquais qui ont déjà eu l’occasion de le visionner l’ont revu avec plaisir : l’applaudimètre en faisait foi. L’histoire, fondée sur un qui pro quo téléphonique, fonctionne bien, elle a une fin heureuse et les deux comédiens (y compris celle qui n’est qu’une voix au téléphone) se tirent avec honneur de leur prestation. Enfin – ce qui n’est peut-être pas un détail – Entre Deux, qui dure sept minutes d’horloge, est le seul film vraiment court de cette sélection.

Soup à Pyé (de Karine Gama) n’est pas loin, lui aussi, de remplir son contrat. Magnifiquement filmé dans une Guadeloupe d’antan qui parle immédiatement au cœur de tous les Antillais, avec une comédienne de quatre-vingt et quelques printemps qui est une révélation (c’est en effet son premier rôle), il serait parfait si l’effet de surprise, censé survenir à la fin, n’était trop tôt éventé, une faute qui devrait être facilement corrigée au montage.

M Marronnage (de Patrice Le Namouric) ne cherche pas vraiment à être un « court ». De l’aveu même de son metteur en scène, il se veut plutôt comme l’introduction d’un « long » en gestation. De fait, c’est un film d’ambiances, d’images, dans lequel il serait vain de chercher une intrigue. Le film se déroule dans une Martinique futuriste, en proie à une dictature qui a fait de Césaire l’intercesseur entre Dieu et les hommes (!), mais qui n’est vue qu’à travers quelques rebelles vivant en marge de la société. La première séquence, tournée dans une décharge, dans une lumière d’apocalypse, tout en sortant des sentiers battus est visuellement très belle. Celle qui suit, dans la forêt, est plus convenue et les bagarres entre les « Marrons » et un monstre mythologique ont encore besoin de réglage. De même d’ailleurs que les cascades de la première partie. On est habitué aujourd’hui à une perfection telle, grâce en particulier aux effets numériques, que le moindre défaut se voit immédiatement. Ces défauts sont-ils voulus ? Les valeureux Marrons se révèleront-ils de piètres Pieds Nickelés ? C’est ce que ce prologue – au demeurant sympathique – ne permet pas de trancher.

Avec Cœur Chamallow de Keen de Kermadec, qui dure une demi-heure, nous sommes encore plus loin du « court ». Le film résume la trajectoire, de l’enfance à la mort, d’un homme en surpoids. La réalisatrice déclare avoir voulu faire un film militant, destiné à changer le comportement des « normaux » envers ces handicapés du corps qui sont aussi des handicapés du cœur. L’entreprise est éminemment honorable et Cœur Chamallow a reçu plusieurs prix en Guadeloupe. Le thème est suffisamment fort pour retenir l’attention du spectateur. Du point de vue cinématographique, néanmoins, les dialogues, le jeu des acteurs, les mouvements de la caméra, le montage, pris les uns à côté des autres, sont loin d’atteindre le standard des autres films de cette sélection.

Un vrai long métrage, Los Salvajes, film argentin signé Alejandro Fadel, complétait cette soirée. Il s’agissait encore d’un de ces films qui mettent en scène de jeunes paumés, un genre qui semble attirer de préférence les réalisateurs sud-américains. On en a vu des bons et des moins bons. Celui-ci fait partie, selon nous, de la deuxième catégorie. Les personnages ne dégagent pas grand-chose : ni empathie ni antipathie, l’histoire traîne en longueur et tout cela a paru d’une parfaite vanité. Cependant, la critique est un art très inexact, et c’est pourquoi, par souci d’équilibre, et au risque de passer nous-même pour un très mauvais critique, nous invitons les personnes qui ont vu le film à relire l’encart du programme qui leur a été remis à l’entrée, le jugement d’un critique revêtu de l’autorité que lui confère le grand (et désormais unique) quotidien du soir qui abrite sa plume :

« Un film de pure mise en scène, qui substitue au discours signifiant et à la raison commune une puissance expressive et poétique rare. Un film qui réconcilie la sérénité et l’horreur, la violence et la tendresse, l’humanité et la bestialité, à l’image des personnages dont on pressent d’autant plus fortement que leur destinée manifeste est l’anéantissement » (Jacques Mandelbaum).

Fermez le ban !

Au CMAC de Fort-de-France, le 13 juin 2013.