Renc’Art : des rencontres cinématographiques fondées sur des avant-premières

— Par Dominique Daeschler —

Au nouveau Méliès flambant neuf, se succèdent programmation classique, travail avec les publics (sensibilisation, formation) et, en fleuron, divers festivals dont Renc’ Art qui cumule 12 films en avant –première et des invités prestigieux tels Tonie Marshall, Raoul Peck, Laurent Cantet….Une bonne idée : présenter parfois en « vedette américaine » un court métrage, un documentaire.
On retiendra Le Bleu, blanc, rouge de mes cheveux de la jeune Josza Anjembe. Son héroïne, jeune camerounaise née en France s’oppose à son père pour avoir la nationalité française et l’obtient, au sacrifice de ses cheveux qui ne rentrent pas dans le cadre de la photo officielle. Avec pudeur, dans une économie voulue de langage, la cinéaste privilégie les situations, donnant au sacrifice de la chevelure un poids symbolique exprimant toute la douleur qu’il y a à être d’ici et d’ailleurs exprimant la complexité de l’identité. Un travail fort, une jeune réalisatrice à suivre.
Des réalisatrices à l’honneur
Demain et tous les autres jours de Noémie Lvosky
Mathilde a une enfance particulière. Elle protège sa mère, aux bornes de la folie (sublime scène où cette dernière va s’acheter une robe de mariée qu’elle met pour traverser tout Paris sous la pluie).Fugueuse, inventant un déménagement, la mère transmet un univers poétique fort qui permet à l’enfant de continuer à vivre dans un mélange de rêve et de réalité. Jolie invention que cette chouette, ange gardien qui tempère, amène la voix de la raison permettant à l’enfant de distancier. L’enfoui, le non dit, l’héritage pathologique et pathogène pointent leur nez de temps à autre dans des jeux de rôle qui rappellent la fragilité de la situation. Une rédemption finale dans l’hôpital où vit la mère : au milieu des roses se reconnaître aimantes, complices. Des acteurs pudiques et efficaces : Luce Rodriguez l’enfant, Noémie Lvosky la mère, Mathieu Amalric le père.
La belle et la bête de Kaouther Ben Hania
La réalisatrice est partie d’un histoire vraie : le viol en Tunisie d’une jeune étudiante Mariam par des policiers A travers un témoignage coup de poing maitrisé dans le moindre détail de l’image la réalisatrice joue d’un équilibre entre fiction et documentaire, nous dressant à travers l’initiation à la maturité citoyenne et politique de Mariam, un portrait de la police et de l’état d’un pays. Beaucoup de plans séquence pour conduire ce voyage au bout de la nuit avec, dans le rôle principal, Mariam al Ferjani, non professionnelle qui par l’excellence de son jeu est une vraie révélation.
Jeune Femme de Léonor Serraille
Léonor Serraille dont c’est le premier film, confie à Laetitia Dosch le soin de nous entrainer dans la vie de Paula un peu fofolle et caractérielle, à vif et sans complexe, passant d’un univers friqué et superficiel au travail dans un grand magasin, d’un photographe arrivé à un magasinier, avec un naturel désarmant. Comme l’héroïne, c’est culotté et assez hilarant. A suivre.
Les très attendus….
L’atelier de Laurent Cantet
Le réalisateur « d’entre les murs » retrouve à la Ciotat des jeunes en recherche de travail et d’eux-mêmes, aux prises avec un atelier d’écriture : imposé à certains, investi par d’autres. Antoine le rebelle conteste à la fois Olivia l’écrivain et le groupe à travers ses propositions qui prennent en compte le passé ouvrier du chantier naval désormais fermé. Antoine dans son envie d’ailleurs est tenté par la violence extrême du meurtre et du suicide. Se joue, entre Antoine et Olivia, une partie de séduction et de rejet. Antoine viendra lire son texte au groupe qui le rejette et partir au large. Une fois de plus, Cantet fait preuve d’aisance, de complicité voire de connivence avec le monde de jeunes d’horizons différents. Cantet s’attache à montrer en parallèle, la fragilité des adultes (parents qui ne voient rien, animatrice de stage déstabilisée dans son rôle°. Chacun fait un chemin. Du casting on retiendra, à côté de l’excellente Marina Fois, Matthieu Lucci (Antoine) au talent prometteur. Le reste de la bande, composée de non professionnels, contribue sans doute à donner un côté direct, vécu, point fort du film.
Happy End de Michael Haneke
Michael Haneke nous entraîne dans une famille d’industriels du Nord juste assez caricaturale : hôtel particulier, personnel stylé, repas de famille avec plusieurs générations… En avant : la mère veuve est chef d’entreprise, le fils qui devrait reprendre l’affaire est incompétent, le grand père un peu sénile, l’accident du travail et les arrangements, l’alliance avec un groupe étranger … Ca vous rappelle rien ? Chabrol bien sûr avec « sa » spécialiste d’une bourgeoisie décadente, Isabelle Huppert et comble de la perversité, une petite fille qui a tué sa mère avec des médicaments. Heureusement jean Luis Trintignant, dans son acharnement à mettre fin à sa vie face aux ravages de la vieillesse, apporte une note décalée. Les autres personnages manquent de consistance. Ce Chabrol au lexomil paraît interminable.

Dominique Daeschler