RCM 2019 – Cinq courts métrages du GREC

— Par Selim Lander —

Le Groupe de recherches et d’essais cinématographiques sélectionne des projets auxquels il accorde une modeste bourse pour leur réalisation, une aide pour un premier film. Les cinq films présentés lors des RMC témoignent de l’éclectisme des comités de sélection, même si l’on peut regretter que trois d’entre eux – Cilaos, Pays rêvé/pays réel et Francilia/Braids of Space and Time – entretiennent un rapport plus ou moins lointain avec l’outre-mer. Si cela partait certainement d’un bon sentiment, sans doute aurait-il mieux valu proposer aux réalisateurs martiniquais présents lors de la projection à l’Atrium des expériences les éloignant de l’univers qu’ils ont naturellement tendance à explorer.

D’autant que, bien malencontreusement, les trois films fléchés outre-mer sont justement ceux qui nous ont le moins intéressé.

Cilaos de Camilo Restrepo (Colombie) est tourné dans un entrepôt de la banlieue parisienne. Qui l’ignorerait pourrait croire que l’équipe s’est déplacée à la Réunion, ce qui n’est pas le cas. Cette mystification est un point positif du film. Par ailleurs, les comédiens imposent leur présence et la photo instaure un univers glauque en accord avec le propos : une jeune femme part à la recherche de son père, dit « Bouche » qu’elle n’avait jamais rencontré ; quand elle arrive « sur place », à Cilaos, elle apprend qu’il vient de mourir et qu’il était de surcroît un individu peu recommandable. Le film commence par une chanson en créole réunionnais (heureusement sous-titré) qui s’étire indûment et la suite ne suscite guère plus d’intérêt.

Pays rêvé/pays réel de Hugo Rousselin devrait a priori toucher les Martiniquais puisqu’il s’organise autour d’Edouard Glissant dont deux poèmes sont lus par Karine Pédurand (que nous connaissons bien ici). Si le début crée une atmosphère de mystère, la suite est, hélas, plus bavarde. Une mention quand même pour le rêve dans le film qui nous amène (fictivement – il semble que ces scènes soient tournées tout simplement en Métropole) au XIXe siècle à la Martinique, un rêve qui confronte un voyageur du futur (notre présent) avec des marins du passé dont un beau Noir que nous croirons morts jusqu’à ce que…

Basses

Francilia/Braids of Space and Time de Jonathan Martin est, hélas, le prototype de ce que nous détestons dans la création contemporaine. Nous n’en dirons donc pas davantage sinon que, malgré les « Béotiens » qui s’emploient, de plus en plus nombreux, à déboulonner l’idole de cet art contemporain fait « de n’importe quoi ou de presque rien » selon l’expression de Jean Clair, ces manifestations plus ou moins hermétiques continuent à être plébiscitées par les commissaires d’exposition et autres instances de sélection. Francilia/Braids of Space and Time commence par un chant haïtien sur un fond d’images grisâtres fabriquées en grattant la pellicule et se continue par les images tremblantes aux couleurs déformées par des filtres représentant une personne qui tresse une lanière avec des fibres végétales, les deux parties tout aussi éprouvantes pour la patience du spectateur.

Un archipel

Rien de tel avec Basses de Félix Humbert, un film d’une facture très classique (le classicisme des réalisateurs qui glanent les récompenses dans les grands festivals) : thème social, personnages hors norme (ici deux grands adolescents dont l’un est un cas psychiatrique), construction elliptique néanmoins aisément lisible. Cela commence – ou presque – devant un entrepôt visiblement désaffecté censé représenter un hôpital psychiatrique. Logan attend son copain Théo qui a commis une grosse bêtise. Nous finirons par savoir laquelle. Félix Imbert sait filmer des grands adolescents : les deux garçons, l’un avec sa casquette rouge qui tente de protéger l’autre, sa tendresse ; et les filles aux lèvres outrageusement peintes démenties par les mines boudeuses. Le film dégage un érotisme puissant sans jamais rien montrer de « compromettant » sinon peut-être le décolleté un tantinet trop voyant de la mère de Théo.

Comme les trois premiers réalisateurs, Clément Cogitore a voulu s’affranchir des formes cinématographiques « classiques » (voir supra). Un archipel invente l’histoire d’un commandant de sous-marin devenu fou. Le film est fabriqué avec des images volées sur Youtube, sans doute retravaillées pour les rendre plus floues, floues comme l’improbable histoire qu’elles racontent à la manière du cinéma muet, avec des « cartons » rédigés. Un humour discret plane de bout en bout, … ce qui manque cruellement aux trois premiers films !

Programme du 29 mars 2019.