Qu’est-ce qu’un drapeau nationaliste ?

— Par Yves-Léopold Monthieux —

Ainsi donc, après la simagrée institutionnelle, voilà donc venue l’heure du drapeau. Un drapeau national, en attendant la nation. Un drapeau national et l’idéologie dont il est le porteur. Pourtant, le temps n’est plus où une idée minoritaire pouvait s’imposer, même si une pratique appliquée pendant un certain temps peut finir nolens volens par se faire adopter.

On a beau couper les cheveux en quatre, si le drapeau Rouge-Vert-Noir a peut-être vocation à devenir un jour drapeau national, il n’est autre pour l’instant que le blason d’un nationalisme décadent où l’un des représentants, non des moindres, peut déclarer tout de go : « je fus indépendantiste », ce qui voudrait dire en toute logique qu’il ne l’est plus.

Aussi, le drapeau paraît venir au secours du mouvement indépendantiste qui paraît avoir épuisé ses charmes. Après la démonstration de l’inanité idéologique de ceux qui le portent, le drapeau nationaliste est donc ce qui reste du nationalisme martiniquais. En termes de « confusionnisme », ces derniers sont les acteurs empressés de l’assimilation. Des acteurs qui, après 35 ans de présence aux commandes de cette assimilation, s’accrochent comme des kol roch à la métropole. Il ne suffit pas d’éviter de prononcer ce mot pour effacer la réalité qu’il recouvre : l’accrochage de la Martinique à la France, bref, la continuité territoriale. Ces inconséquences sont présentées comme des symboles de bon sens et d’équilibre. D’ailleurs, éloignés du pouvoir, les partisans naturels de cette démarche assimilationniste sont priés de se réjouir que celle-ci soit réalisée par des anti-assimilationnistes.

Aucune des nombreuses comparaisons faites ne peut changer la réalité que chaque pays, nation, état ou région possède son histoire propre, et que les drapeaux, emblèmes, blasons, pavillons représentant ces entités physiques ou morales ont souvent des significations variables. Tous font l’objet de consensus, souvent au bout d’une maturation parfois séculaire ; ils sont rarement arrachés au forceps par une minorité sauf au soir d’une révolution.

Tiens, le mot « région » ne figure nulle part dans l’article de Raphaël Confiant Le rouge-vert-noir, drapeau « national » ou drapeau « nationaliste » ? » C’est pourtant le vocable qui traduit le mieux la réalité martiniquaise : un département français qui s’appelle collectivité. Il aura fallu que la Martinique perde 20 années de son développement pour accéder à cette coquetterie qui ne reste pas moins une circonscription administrative. A l’heure de l’exode sans précédent de l’élite martiniquaise, voilà que notre collectivité affronte une nouvelle priorité : se doter d’un drapeau national qui ne soit pas nationaliste.


Fort-de-France, le 4 mars 2019

Yves-Léopold MONTHIEUX