Pour en finir avec les fantasmes en tous genres »

    genderNous, universitaires, enseignons le genre en philosophie, histoire, littérature, sociologie, anthropologie, économie, droit, psychanalyse, arts, sciences politiques… dans des cours et séminaires de recherche qui existent déjà depuis plusieurs années et attirent un public de plus en plus nombreux. Le genre est un outil d’analyse employé dans diverses disciplines pour saisir la construction sociale, culturelle, langagière et scientifique des différences entre les sexes. Il permet, notamment, de mettre en évidence et d’étudier les assignations dissymétriques et hiérarchiques des rôles et des fonctions sociales entre hommes et femmes.

Avec l’outil analytique du genre, nous tentons de mettre en lumière comment et pourquoi, en dépit de l’égalité de droit, persistent des inégalités de fait. Dans un temps de crise et d’inquiétudes majeures, nous pensons que la plupart des dysfonctionnements de nos sociétés sont liés aux inégalités et à la domination de quelques-uns sur l’immense majorité des autres. Au cœur de cette réalité s’est déployée, au cours des siècles, la domination sociale, politique, culturelle, sexuelle et symbolique des hommes sur les femmes. Il nous faut donc expliquer pourquoi, malgré la loi, l’inégalité subsiste et parfois même se renforce. Ainsi voit-on, par exemple, la pauvreté frapper aujourd’hui plus durement les femmes. Cette inégalité entre les femmes et les hommes est le verrou qu’il faut lever pour combattre efficacement et durablement les autres.

Les études de genre permettent de comprendre, pourquoi la liberté des uns est restée longtemps incompatible avec la liberté des autres : il a fallu attendre 1965 pour que les femmes puissent, en France, travailler sans l’autorisation de leur mari. Cette inégalité, véhiculée y compris par la langue, informe durablement les représentations, les pratiques et les valeurs de nos sociétés. A titre d’exemple, longtemps un « homme public » désignait un homme politique tandis qu’une « femme publique » désignait une prostituée. Aujourd’hui, on déplore le trop faible nombre de femmes à des postes de responsabilités politiques et professionnelles et la trop faible implication des hommes dans la sphère domestique. Les études de genre analysent l’origine et la complexité des résistances en rendant possible une évolution de la société.

C’est dire qu’il n’y a pas une théorie du genre, fantasme entretenu par ceux et celles que la perspective d’une égalité effective dérange ou effraie, mais des études de genre. Tous les champs du savoir sont concernés et notre rôle est de revisiter les disciplines sous cet angle. C’est pourquoi nous avons, pour plusieurs d’entre nous, contribué à la rédaction du rapport Egalité entre les femmes et les hommes. Orientations stratégiques pour les recherches sur le genre[1]. La mission de formation critique de l’Université et la demande croissante des étudiant-e-s soucieux de comprendre notre monde et de chercher des réponses nous donnent pour tâche de développer ce domaine de recherche. Il en va de la construction d’un avenir plus démocratique pour nos sociétés.

[1]http://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/Charte_egalite_femmes_hommes/01/0/Rapport_groupe-genre_vdef_couv_240010.pdf

Signataires:

 Michèle Riot-Sarcey, Christine Planté, Mercedes Yusta, Azadeh Kian, Valérie Pouzol, Anne-Sophie Godfroy, Laurence Mullaly, Karine Lambert, Magali Della Sudda, Jules Falquet….