Picasso. Bleu et rose. Musée d’Orsay

Jusqu’au 6 janvier 2019

En 1900, à dix-huit ans passés, Pablo Ruiz, qui signe bientôt Picasso, a tout du jeune prodige.
Sa production se partage entre tableaux académiques, pour se justifier vis-à-vis de son père, professeur rêvant d’une carrière officielle pour son fils, et œuvres plus personnelles, au contact de l’avant-garde barcelonaise.

C’est sa peinture de salon qui le conduit à Paris : désigné pour représenter son pays à la section espagnole des peintures de l’Exposition Universelle, il y présente une grande toile, Derniers moments, recouverte en 1903 par son chef-d’oeuvre La Vie.
S’ouvre alors une période de création intense ponctuée par les allers et retours de l’artiste entre l’Espagne et la capitale française. Entre 1900 et 1906, l’oeuvre de Picasso passe progressivement d’une riche palette colorée aux accents pré-fauves, qui doit tout autant au post-impressionnisme de Van Gogh qu’à Toulouse-Lautrec, aux quasi-monochromes de la « période bleue », puis aux tonalités roses de la « période des Saltimbanques », et aux variations ocres de Gósol.

Pour la première fois en France, cette exposition embrasse les périodes « bleue » et « rose » dans leur continuité plutôt que comme une succession d’épisodes cloisonnés. Elle se propose de mettre en évidence la première identité artistique de Picasso et certaines de ses obsessions, constantes de sa création.

Pablo PicassoAutoportrait en haut de forme© www.bridgemanimages.com © Succession Picasso 2018
« Les murailles les plus fortes s’ouvrent sur mon passage »
A son arrivée à la gare d’Orsay en octobre 1900, Picasso s’immerge dans une actualité artistique bouillonnante : il découvre les tableaux de David et Delacroix, mais aussi ceux d’Ingres, Daumier, Courbet, Manet et des impressionnistes.
Le jeune peintre partage avec les artistes de sa génération une profonde admiration pour Van Gogh, comme le prouve la transformation de sa peinture en taches de couleurs pures quelques mois après ce premier séjour parisien.

Les autoportraits présentés côte à côte dans cette salle sont révélateurs de la façon dont l’artiste assimile et digère les influences successives des « maîtres modernes » : à l’été 1901, son Autoportrait en haut-de-forme rend un ultime hommage à Toulouse-Lautrec, à la vie nocturne et aux cabarets ; dans Yo Picasso, il se présente en nouveau messie de l’art : élégant, arrogant, provoquant, il paie son tribut à Van Gogh.

Sept mois plus tard, son Autoportrait bleu renvoie encore au peintre hollandais ; non plus par sa facture, mais par sa posture, celle d’un génie incompris affublé d’une barbe rousse. Sa confrontation avec l’autoportrait peint à son retour de Gósol en 1906 nous permet de mesurer le chemin parcouru par l’artiste en quelques années. Picasso y expérimente un nouveau langage, limitant sa palette à des accords de gris et de rose, et réduisant les traits de son visage à l’ovale d’un masque.

Source : Musée d’Orsay