On meurt en mon île !

— Par Yves Untel Pastel —

On meurt énormément en mon île
On meurt en hécatombes ordinaires, absurdement
On meurt en rafale fatale en folie de mitraille délirant
On meurt pour rien, on meurt pour tout
On meurt de rien, on meurt de tout,
On meurt banalement de chose grave
De causes criminelles impunément
On meurt sous silence
À la petite roulette des fléaux venus d’ailleurs
Tacitement à l’agrément des notables complotant
On meurt à la grande roulette des exterminations
Des génocides sanitaires,
Des empoisonnements alimentaires
On meurt détrempés en des cocktails létaux
Décimés à petits feux discrets inavouables
On meurt bouches cousues d’attentats larvés
Contre un peuple idiot qu’on éradique méthodique
On meurt de ses mauvais coups permis
.Et les enterrements s’enchaînent en chapelets
Tant et tant qu’on se blase, que les bras en tombent
Qu’on laisse son costume pendu au premier clou
À la garde-robe funèbre apprêtée sept jours sur sept
On meurt tant qu’on ne s’en désole plus
Qu’on s’en fout pour se préserver
De ne pouvoir rien y faire
Puisqu’on ne vit plus qu’en mourant sans trêve
En ce foutu pays ou les cimetières grignotent
Impitoyablement sur les jardins et champs
On meurt avec lassitude, avec relâchement
Défaits d’espoir, petitement, lâchement
Complice de sa défaite, spectateur de son trépas
On meurt et c’est ainsi,
Comme chien en bord de route
Salué d’un émoi vite dissipé
Évacué par la voirie
Dédouané d’un signe de croix
Dont le sens sacré s’édulcore
Sans encombrement ni embarras
C’est comme ça, c’est la vie,
Pierre, Paul, jacques
Ils étaient, ils ne sont plus
Le vide de la douleur
S’entasse au fond des entrailles
Et chacun vaque à ses banalités inutiles
Bois consumé d’une forge toujours affamée
On meurt en mon île
Comme on fait fausse route
Comme on va au cul-de-sac

Yves UNTEL PASTEL