Nous ne céderons pas !

ligue_droits_homme« Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux. »
Benjamin Franklin

Appel unitaire

Ceux qui, au nom de Daech, ont fait subir à Paris et à Saint-Denis un moment d’inhumanité absolue ne nous feront pas céder. Rien ne peut justifier ces assassinats, ici ou ailleurs. Chacune des victimes vit en nous parce que nous appartenons à la même humanité. Notre solidarité à leur égard et à l’égard de leurs familles est totale. Ce crime est immense mais c’est en continuant à vivre librement et fraternellement que notre réponse sera à la hauteur.

Nous ne sommes pas naïfs : nous savons que ces actes de terrorisme appellent des réponses à la mesure du danger qu’ils représentent. Comme nous savons que le rôle des forces de l’ordre et de la justice est essentiel pour protéger nos libertés. Mais cela ne doit pas nous empêcher de réfléchir aux réponses que notre société doit apporter à ces actes et à celles déjà mises en œuvre⋅

C’est la démocratie qui est mise à mal quand le Parlement est appelé à délibérer d’un jour à l’autre, sous la pression de l’émotion et les assauts de démagogie de responsables politiques qui cultivent la peur⋅

Après la prorogation de l’état d’urgence et l’extension des pouvoirs de police, d’autres mesures sont encore annoncées par le président de la République.

Il nous paraît essentiel de rappeler que rien ne doit nous faire sortir de l’Etat de droit et nous priver de nos libertés. L’état d’urgence ne peut devenir un état permanent et les conditions de sa mise en œuvre ne sauraient entraver la démocratie sociale, l’exercice de la citoyenneté et le débat public.

Depuis 1986, les lois accordant plus de pouvoirs aux forces de l’ordre, organisant une justice d’exception et restreignant nos libertés, au prétexte de lutter contre le terrorisme, s’empilent. L’adoption d’autres dispositifs législatifs, y compris d’ordre constitutionnel, exige de poser la question de leur efficacité et de l’atteinte supplémentaire aux libertés qu’ils constituent. Avant de modifier la loi et de conférer à l’Etat des pouvoirs accrus, il faut que celui-ci s’interroge sur ce qui n’a pas permis d’éviter une telle abomination. La réponse des autorités se veut martiale, elle n’est pas une assurance de sécurité et ne garantit en rien le respect de nos libertés.

Vouloir priver de leur nationalité jusqu’aux personnes nées françaises, c’est délivrer une nouvelle fois le message d’une France divisée. Le silence du président de la République, lors de la réunion du Parlement, sur l’indispensable engagement de l’Etat en faveur de l’égalité des droits, de la justice sociale, sur le développement des services publics, contre toutes les discriminations et contre toutes les manifestations de racisme accroît dramatiquement le sentiment d’exclusion que vit toute une partie de notre peuple. Il donne ainsi un peu plus corps à la stigmatisation croissante qui s’exerce mettant en péril notre volonté de vivre ensemble.

Nous voulons que ces dramatiques événements soient, au contraire, l’occasion de construire un autre chemin que celui qui nous est proposé. Un chemin qui refuse de désigner des boucs émissaires et qui refuse que la France soit en guerre contre elle-même. Un chemin qui donne à la paix et à l’égalité des droits toute leur place et qui s’engage en faveur d’une France solidaire, ouverte à l’autre, accueillante, libre et fraternelle.

Pour nos libertés, pour une société où la fraternité a toute sa place, nous ne céderons pas à la peur dans laquelle veulent nous faire vivre ceux et celles qui font de la mort leur raison de vivre.

Nous appelons les femmes et les hommes de ce pays à rester solidaires et à lutter contre toute forme de racisme. Nous appelons aussi à la défense des libertés car nous ferons prévaloir en toutes circonstances notre liberté d’information, d’expression, de manifestation et de réunion. Nos organisations construiront, partout en France, ces lieux qui nous permettront de débattre et nous exercerons une vigilance permanente afin que nos droits et libertés soient préservés et que nul ne soit victime de discriminations.

Premiers signataires :

AFD International, Agir pour le changement démocratique en Algérie (Acda), Assemblée citoyenne des originaires de Turquie (Acort), Association des Marocains en France (AMF), Association des travailleurs maghrébins de France (ATMF), Association des Tunisiens en France (ATF), Association des universitaires pour le respect du droit international en Palestine (Aurdip), Association française des juristes démocrates (AFJD), Association France Palestine solidarité (AFPS), Association Grèce France Résistance, Association interculturelle de production, de documentation et de diffusion audiovisuelles (AIDDA), Association pour la reconnaissance des droits et libertés aux femmes musulmanes (ARDLFM), Associations démocratiques des Tunisiens en France (ADTF), Attac, Cadac, Cedetim, Confédération générale du travail (CGT), Conseil national des associations familiales laïques (Cnafal), Collectif national pour les droits des femmes (CNDF), Collectif 3C, Collectif des 39, Collectif des féministes pour l’égalité (CFPE), Comité pour le développement et le patrimoine (CDP), Centre de recherche et d’information pour le développement (Crid), CM98, Comité pour le respect des libertés et des droits de l’Homme en Tunisie (CRLDHT), Commission islam et laïcité, Confédération syndicale des familles (CSF), Collectif des musulmans de France (CMF), Coordination des collectifs AC !, Droit au logement (Dal), Droit solidarité, Droits devant !!, Emmaüs France, Emmaüs International, Fédération des Tunisiens citoyens des deux rives (FTCR), Fédération nationale de la Libre pensée, Fédération internationale des Ligues des droits de l’Homme (FIDH), Filles et fils de la République (FFR), Fondation Copernic, Fédération syndicale unitaire (FSU), Genepi, Ipam, La Cimade, La Quadrature du Net, Le Mouvement de la paix, Ligue des droits de l’Homme (LDH), Le Gisti, Les Amoureux au ban public, Les Céméa, Maison des potes, Mamans toutes égales (MTE), Médecins du monde, Mrap, OIP – section française, Organisation de femmes égalité, Planning familial, Réseau d’alerte et d’intervention pour les droits de l’Homme (RaidH), Réseau éducation sans frontières (RESF), Réseau euromaghrébin culture et citoyenneté (REMCC), Réseau Euromed France (REF), SNPES-PJJ/FSU, Snuclias-FSU, Solidarité laïque, Syndicat des avocats de France (Saf), Syndicat français des artistes interprètes (SFA), Syndicat national des journalistes (SNJ), SNJ-CGT, Unef, Union des travailleurs immigrés tunisiens (Utit), Union juive française pour la paix (UJFP), Union nationale lycéenne (UNL), Union syndicale de la psychiatrie (USP), Union syndicale Solidaires


La France prévient qu’elle risque de déroger à la convention européenne des droits de l’Homme

Publié le 27/11/15 à 12:27

La France a informé le Conseil de l’Europe « de sa décision de déroger à la Convention européenne des droits de l’homme », du fait de l’adoption de l’état d’urgence après les attentats de Paris, annonce l’organisation paneuropéenne dans un communiqué.

Les autorités françaises ont informé le secrétaire général du Conseil de l’Europe, Thorbjorn Jagland, « d’un certain nombre de mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence instauré à la suite des attentats terroristes de grande ampleur perpétrés à Paris ». Ces mesures « sont susceptibles de nécessiter une dérogation à certains droits garantis par la convention européenne des droits de l’homme ».


Le Syndicat de la magistrature :

Vendredi soir, des attentats meurtriers ont touché la France en plein cœur, faisant plus de cent vingt morts et plusieurs centaines de blessés dans une salle de concert, des bars ou dans la rue.

Le Syndicat de la magistrature apporte son entier soutien et exprime toute sa solidarité aux victimes et à leurs proches, ainsi qu’aux nombreux professionnels mobilisés, chacun dans leur domaine, après ces attentats.

Ces actes criminels d’une brutalité absolue appellent évidemment la réunion de moyens d’envergure pour en rechercher et punir les auteurs et, autant qu’il est possible, anticiper et prévenir leur commission.

Mais les mesures tant judiciaires qu’administratives qui seront prises ne feront qu’ajouter le mal au mal si elles s’écartent de nos principes démocratiques. C’est pourquoi le discours martial repris par l’exécutif et sa déclinaison juridique dans l’état d’urgence, décrété sur la base de la loi du 3 avril 1955, ne peuvent qu’inquiéter.

L’état d’urgence modifie dangereusement la nature et l’étendue des pouvoirs de police des autorités administratives. Des interdictions et des restrictions aux libertés individuelles et collectives habituellement encadrées, examinées et justifiées une à une deviennent possibles par principe, sans autre motivation que celle, générale, de l’état d’urgence. Des perquisitions peuvent être ordonnées par l’autorité préfectorale, sans établir de lien avec une infraction pénale et sans contrôle de l’autorité judiciaire, qui en sera seulement informée. Il en va de même des assignations à résidence décidées dans ce cadre flou du risque de trouble à l’ordre public. Quant au contrôle du juge administratif, il est réduit à peau de chagrin.

La France a tout à perdre à cette suspension – même temporaire – de l’Etat de droit.

Lutter contre le terrorisme, c’est d’abord protéger nos libertés et nos institutions démocratiques en refusant de céder à la peur et à la spirale guerrière. Et rappeler que l’Etat de droit n’est pas l’Etat impuissant.


France : Les pouvoirs liés à l’état d’urgence risquent de porter atteinte aux droits humains

Le Parlement devrait s’assurer que l’exercice de ces pouvoirs n’entraîne pas d’abus

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Des membres d’une unité de police antiterroriste procèdent à une fouille à Saint-Denis, dans la banlieue de Paris, le 18 novembre 2015, quelques heures après l’opération ayant visé un appartement hébergeant des personnes suspectées d’avoir participé aux attentats du 13 novembre. © 2015 Reuters / Christian Hartmann

(Paris, le 24 novembre 2015) – La France, qui s’est dotée de nouveaux pouvoirs considérables en vertu de l’état d’urgence, devrait s’employer à les exercer de façon aussi parcimonieuse et limitée que possible afin d’éviter d’empiéter sur les droits humains, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch. La loi élargit les pouvoirs exceptionnels du gouvernement en vertu d’un texte de 1955. Elle étend également l’état d’urgence pour une période de trois mois, à compter du 26 novembre 2015, lorsque prendra fin la période maximale de 12 jours pendant laquelle le gouvernement est en droit d’instaurer l’état d’urgence en l’absence d’une autorisation parlementaire.

Les pouvoirs exceptionnels élargis permettent au gouvernement d’imposer l’assignation à résidence sans l’autorisation d’un juge, de procéder à des fouilles sans mandat judiciaire, de saisir tous les fichiers informatiques qu’il juge pertinents, et de bloquer les sites web considérés comme glorifiant le terrorisme sans autorisation judiciaire préalable. Ces pouvoirs constituent une atteinte aux droits à la liberté, à la sécurité, à la liberté de mouvement, à la vie privée et aux libertés d’association et d’expression, a déclaré Human Rights Watch.

« Le gouvernement français doit certes protéger la population et faire traduire en justice les personnes responsables de ces horribles attentats, mais il a aussi le devoir de protéger les libertés et les droits de toutes les personnes, sans discrimination à l’égard de certaines d’entre elles », a déclaré Izza Leghtas, chercheuse sur l’Europe de l’Ouest auprès de la division Europe et Asie centrale à Human Rights Watch. « Le Parlement doit veiller à ce que les pouvoirs considérables qu’il a accordés au gouvernement soient utilisés de la manière la plus limitée possible et pour une durée aussi brève que possible. »

Des membres d’une unité de police antiterroriste procèdent à une fouille à Saint-Denis, dans la banlieue de Paris, le 18 novembre 2015, quelques heures après l’opération ayant visé un appartement hébergeant des personnes suspectées d’avoir participé aux attentats du 13 novembre. © 2015 Reuters / Christian Hartmann

Le Parlement a adopté à une écrasante majorité la nouvelle loi modifiant et étendant la loi sur l’état d’urgence de 1955, lors d’une procédure accélérée le 20 novembre dernier. Le président François Hollande a déclaré l’état d’urgence après les attentats perpétrés le 13 novembre à Paris et dans la ville de banlieue de Saint-Denis, et qui ont fait 130 victimes et ont blessé des centaines de personnes. Le président Hollande doit rencontrer aujourd’hui, le 24 novembre, son homologue américain, Barack Obama, la chancelière allemande Angela Merkel le 25 novembre, et le président russe Vladimir Poutine le 26.

Selon le quotidien Le Monde, depuis que l’état d’urgence a été décrété, les autorités françaises ont effectué 1072 perquisitions sans mandat judiciaire et procédé à 139 arrestations, suivies de 117 gardes à vue. Elles ont en outre placé 253 personnes en résidence surveillée et mis la main sur 201 armes. Human Rights Watch n’est pas à l’heure actuelle en mesure d’évaluer la nécessité ou la proportionnalité du grand nombre de perquisitions effectuées et d’assignations à résidence. Mais l’exercice de tels pouvoirs dans un contexte de pression politique et publique considérable augmente les risques d’abus, a déclaré Human Rights Watch.

Au cours des trois prochains mois, le Parlement français doit examiner de près la manière dont ces pouvoirs sont appliqués, en particulier à la lumière de l’obligation faite au gouvernement de respecter le principe de proportionnalité et de ne pas pratiquer la discrimination, et en l’absence de contrôle judiciaire sur l’exercice des pouvoirs. Il devrait également veiller au caractère temporaire de ces mesures.

La nouvelle loi donne au gouvernement français des moyens considérables pour restreindre la liberté de mouvement, pouvant aboutir à des restrictions susceptibles de relever de la privation de liberté. La liberté de circulation et le droit à la liberté sont garantis par la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), traités que la France a ratifiés. En vertu de la nouvelle loi, le ministre de l’Intérieur peut placer en résidence surveillée toute personne « à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre public ». Le large pouvoir discrétionnaire accordé au ministre, sans exiger d’autorisation judiciaire ou de contrôle, pourrait rapidement conduire à des abus.

Selon cette disposition, un individu pourrait être contraint de rester à son domicile jusqu’à 12 heures par jour et être tenu de se présenter régulièrement au commissariat, ainsi que de remettre son passeport ou tout autre document d’identité à la police pour une certaine période. Les personnes concernées peuvent également se voir interdire de prendre contact avec certains individus s’« il y a des raisons sérieuses de penser » que leur comportement « constitue une menace pour la sécurité et l’ordre public ». Cette disposition menace également le droit à la vie privée et familiale ainsi que le droit d’association, droits consacrés par le PIDCP et la CEDH.

La loi prévoit en outre que si la personne placée en résidence surveillée a été reconnue coupable d’une infraction grave liée au terrorisme par le passé et a fini de purger une peine moins de huit ans auparavant, le ministre de l’Intérieur peut exiger que cette personne soit équipée d’un dispositif afin de surveiller ses mouvements. Le consentement de la personne visée par cette mesure est toutefois nécessaire.

La loi permet aussi au ministre de l’Intérieur et aux préfets d’ordonner des perquisitions en l’absence de mandat judiciaire, à tout moment et en tout lieu, y compris dans un domicile privé, « quand il y a des motifs sérieux de penser que le lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre public ». Toutefois, la loi interdit de telles perquisitions sans mandat « dans un lieu affecté à l’exercice d’un mandat parlementaire ou à l’activité professionnelle des avocats, des magistrats ou des journalistes ». La loi est en revanche muette sur la question de l’admissibilité d’éléments de preuve retrouvés dans le cadre de telles perquisitions à un procès au pénal.

La nouvelle loi menace également les droits à la liberté d’expression et à la vie privée protégés par la CEDH et le PIDCP en permettant aux autorités de procéder à une perquisition pour avoir accès à des données numériques enregistrées sur des appareils électroniques trouvés sur place ou accessibles à partir de ces appareils, et de les copier. La loi ne prévoit pas de garanties pour limiter l’utilisation, la conservation ou la diffusion des données recueillies en vertu de ces pouvoirs élargis, y compris dans des situations où l’enquête n’a pas établi de lien avec des actes répréhensibles.

La loi menace le droit à la liberté d’association, garanti par le PIDCP et la CEDH, en permettant au gouvernement de dissoudre les organisations et les groupes décrits de façon vague comme « participant à l’exécution d’actes qui enfreignent gravement l’ordre public ou dont les activités facilitent la mise en œuvre ou incitent à conduire de telles activités ». La loi précise que de telles mesures ne seront pas levées à la fin de l’état d’urgence.

Le texte donne aussi aux agences de renseignement françaises le pouvoir de procéder à une surveillance dans l’objectif, également formulé dans des termes généraux, de « prévenir des actions visant à maintenir ou à reconstituer » les organisations ou groupes dissous en vertu de la loi. Si les groupes ne respectent pas l’obligation qui leur est faite, leurs membres pourront être poursuivis.

Le ministre de l’Intérieur peut par ailleurs prendre « toutes les mesures afin d’interrompre tout service public de communication en ligne incitant à la commission d’actes terroristes ou qui les glorifie ». Il manque des limites significatives à cette disposition qui pourrait être interprétée comme permettant le blocage de services Web dans leur totalité en vue de restreindre l’accès à certains discours qui « glorifient » les actes terroristes, un terme défini de manière vague par la loi française.

L’article 15 de la CEDH et l’article 4 du PIDCP confèrent au gouvernement le droit d’imposer des restrictions à l’exercice de certains droits lors de l’état d’urgence, et notamment à la liberté de mouvement, d’expression et d’association, mais seulement « dans la stricte mesure où la situation l’exige ». Le gouvernement doit s’assurer que toute mesure prise en vertu de la loi soit strictement proportionnelle à l’objectif poursuivi, et non discriminatoire. Le gouvernement doit également veiller à ne pas appliquer ces pouvoirs de manière discriminatoire et à ne pas stigmatiser en fonction d’une appartenance ethnique, religieuse ou sociale particulière.

Toute proposition visant à étendre les pouvoirs accordés au gouvernement par la loi d’urgence au-delà de trois mois devrait être examinée par le Parlement dans le cadre d’une procédure permettant un débat de fond et la participation de la société civile, a déclaré Human Rights Watch.

Comme l’y obligent le PIDCP et la CEDH, le gouvernement français doit informer immédiatement et publiquement les autres États parties de toute dérogation à ses obligations en vertu des droits garantis par les deux traités. Il est difficile de savoir si le gouvernement français considère que les pouvoirs d’urgence nécessitent une telle dérogation.

Le Comité des droits de l’homme des Nations Unies, qui surveille le respect par les Etats parties de leurs obligations en vertu du PIDCP, a souligné le fait qu’une telle notification devrait inclure « des informations complètes sur les mesures prises et une explication claire des raisons invoquées pour leur justification, avec une documentation complète jointe au sujet de la loi ».

« Maintenant, plus que jamais, la France devrait être irréprochable dans son respect pour les droits humains », a conclu Izza Leghtas. « Des restrictions excessives seraient un cadeau à ceux qui cherchent à installer la peur, saper les valeurs démocratiques et affaiblir la primauté du droit en France et en Europe. »
Région / Pays

Europe/Asie centrale Union européenne France

Human Rights Watch


État d’urgence : l’État policier pour éluder tout bilan critique

securite_libertesL’Assemblée nationale a voté aujourd’hui le projet de loi sur la refonte de l’état d’urgence , adopté en extrême urgence dans un climat de surenchère autoritaire sans précédent. La Quadrature du Net s’inquiète de plusieurs mesures contenues dans la loi, notamment concernant les perquisitions informatiques, la censure d’Internet et la liberté d’association. À rebours de toute réflexion de fond sur les causes profondes des attentats et la manière de régler une situation complexe, la classe politique dans son ensemble se désavoue elle-même en répondant par la restriction générale des libertés publiques à une attaque sans précédent contre nos libertés.

Si le projet de loi précise et actualise un certain nombre de points, notamment en rouvrant une possibilité de recours administratif, La Quadrature du Net regrette profondément qu’il soit refondu dans des délais rendant impossible un examen serein et un débat éloigné des émotions actuelles. Les modifications qui sont faites sur le texte ne sont pas anodines et touchent profondément aux libertés fondamentales. La Quadrature du Net appelle les sénateurs qui voteront le texte demain à adopter des amendements visant à restreindre la portée temporelle de l’état d’urgence, à renforcer le contrôle judiciaire et à borner strictement toutes les mesures exceptionnelles afin d’éviter toute utilisation de l’état d’urgence à des fins autres que celles ayant justifié sa déclaration.

En effet, les mesures votées sous pression du gouvernement par les députés en ce jour touchent aux fondements des libertés publiques et individuelles :

Tout d’abord sur la prorogation de 3 mois de l’état d’urgence, qui n’est pas justifiée par d’autres motifs que celle de s’affranchir du principe de séparation des pouvoirs. Depuisle début de l’état d’urgence samedi dernier, nombre de perquisitions administratives conduites le sont pour des affaires relevant du droit commun, sans aucun lien avec la lutte antiterroriste [7], et préfigurent un État policier que la prorogation de trois mois risque de banaliser.
Au sujet de la perquisition administrative, l’extension aux appareils électroniques et informatiques ne se limite pas à la copie des éléments trouvés sur les appareils, mais permet également la saisie de l’ensemble des éléments et documents « accessibles à partir du système initial ou disponibles pour le système initial ». En dehors de tout contrôle strict par l’autorité judiciaire, c’est donc open bar pour aller chercher de façon extrêmement large n’importe quelle information sur n’importe quel appareil électronique ou informatique de résidents français, et notamment toute information accessible viades identifiants, mots de passe collectés lors d’une perquisition, tout contenu stocké sur Internet, etc.

Les députés ont également voté un amendement permettant au Ministre de l’Intérieur de faire bloquer sans délai tout site Internet « faisant l’apologie du terrorisme ou provoquant à des actes de terrorisme ». Ce blocage administratif et secret, instauré avec la loi antiterrorisme de 2014 qui confiait déjà cette possibilité aux services de police, ne bénéficiera d’aucun contrôle judiciaire (pas même celui de la CNIL prévu en temps normal).

En ce qui concerne l’assignation à résidence, il est à noter que la nouvelle rédaction allège sensiblement les conditions nécessaires à cette mesure gravement attentatoire aux libertés individuelles : là où le texte de 1955 demandait que l’ « activité s’avère dangereuse pour la sécurité et l’ordre publics », le projet de loi prévoit quant à lui de s’appliquer au personnes pour lesquelles il existe des « raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics », formulation beaucoup plus large et floue. Aucune définition des « raisons sérieuses » n’est donnée. L’étude d’impact explique que les personnes visées sont celles « qui ont appelé l’attention des services de police ou de renseignement par leur comportement ou leurs fréquentations, propos ou projets ». Cette mesure laisse donc la porte ouverte à des interprétations très larges, d’autant plus graves que les mesures prises en état d’urgence ne sont pas garanties par l’intervention du juge judiciaire.

De même, le texte précise que cette assignation se fera sur des lieux déterminés par leMinistre de l’Intérieur, ce qui ouvre la voie aux pires demandes de rétention évoquées dans la classe politique (certains ayant évoqué des « camps d’internement »), avec possibilité de placement sous bracelet électronique.

Concernant la dissolution de groupes et d’associations, la procédure permet une interprétation très large et donc une atteinte grave à la liberté d’association, en décrivant des associations qui « participent à la commission d’actes portant une atteinte grave à l’ordre public, ou dont les activités facilitent cette commission ou y incitent », ce qui permettrait d’y inclure nombre d’associations promouvant, par exemple, l’utilisation de technologies de chiffrement qui sont utilisées certes par des criminels, mais surtout principalement par de nombreux citoyens innocents. Cette crainte est renforcée par lef ait que les pouvoirs extraordinaires conférés au pouvoir administratif par l’état d’urgence sont actuellement utilisés pour des affaires sans lien avec l’anti-terrorisme.

« Le débat et le vote de la loi sur l’état d’urgence à l’Assemblée nationale montrent que les députés et le gouvernement sont dans le déni complet de la situation actuelle. Ce vote marqué par une ambiance d’acharnement contre l’État de droit et la séparation des pouvoirs montre que la France est bien loin d’avoir entrepris le travail nécessaire à un vrai règlement du risque terroriste dans toute sa profondeur. Nous appelons les citoyens à marquer leur désapprobation auprès de leurs représentants de manière très claire, puisque c’est au nom de leurs craintes que les députés, paniqués, sacrifient aujourd’hui les libertés. Ils croient ainsi créer un illusoire sentiment de sécurité en mettant en p3lace, pour plusieurs mois, un État réellement policier . Devant ce vote en sur-urgence , il ne nous reste plus guère que la possibilité de documenter le désastre, en espérant un sursaut proche. » déclare Adrienne Charmet, coordinatrice des campagnes de La Quadrature du Net vous invite à appeler vos députés ou à signer la pétition [8] pour leur demander d’ouvrir une enquête parlementaire d’investigation sur les lois de surveillance et antiterroristes : la réponse aux attentats ne peut pas être qu’une baisse des libertés ! Agissez maintenant pour demander un vrai bilan ! [9]

La Quadrature du net

1.Le texte a été adopté à 551 voix contre 6.

La principale caractéristique de l’état d’urgence étant de placer entre les mains de la police les prérogatives normalement attribuées au pouvoir judiciaire

Texte présenté en conseil des ministres mercredi matin, en commission des lois de l’Assemblée nationale lemême jour, votée à l’Assemblée nationale jeudi matin, en Commission des lois du Sénat jeudi après-midi, au Sénat vendredi matin

Links:

[1] https://www.laquadrature.net/fr/general

[2] https://www.laquadrature.net/fr/liberte-dexpression

[3] https://www.laquadrature.net/fr/loi-surveillance

[4] https://www.laquadrature.net/fr/pjl-terrorisme

[5] https://www.laquadrature.net/fr/bernard-cazeneuve

[6] https://www.laquadrature.net/fr/manuel-valls

[7] http://www.politis.fr/Les-perquisitions-administratives,33035.html

[8] https://community.sumofus.org/petitions/pour-une-commission-d-enquete-parlementaire-sur-les-attentats-du-13­novembre

[9] https://piphone.lqdn.fr/campaign/call2/etat-durgence

[10] http://twitter.com/timeline/home?status=%C3%89tat+d%27urgence+%3A+l%27%C3%89tat+policier+pour+ %C3%A9luder+tout+bilan+critique+%3A+http%3A%2F%2Flqdn.fr%2Fnode%2F9689

[11] http://www.facebook.com/share.php?src=bm&u=https%3A%2F%2Fwww.laquadrature.net%2Ffr%2Fetat­urgence-etat-policier&v=3

[12] http://del.icio.us/post?url=https%3A%2F%2Fwww.laquadrature.net%2Ffr%2Fetat-urgence-etat-policier& amp;title=%C3%89tat+d%27urgence+%3A+l%27%C3%89tat+policier+pour+%C3%A9luder+tout+bilan+critique

[13] http://digg.com/submit?phrase=2&url=https%3A%2F%2Fwww.laquadrature.net%2Ffr%2Fetat-urgence­etat-policier&title=%C3%89tat+d%27urgence+%3A+l%27%C3%89tat+policier+pour+ %C3%A9luder+tout+bilan+critique

[14] http://www.myspace.com/Modules/PostTo/Pages/?u=https%3A%2F%2Fwww.laquadrature.net%2Ffr%2Fetat­urgence-etat-policier&t=%C3%89tat+d%27urgence+%3A+l%27%C3%89tat+policier+pour+ %C3%A9luder+tout+bilan+critique

[15] https://soutien.laquadrature.net/

26/11/2015 20:02