« Nature en crise », de Vincent Devictor

nature_en_criseEn présentation de sa thèse de doctorat  » La Nature Ordinaire face aux perturbations anthropiques » Vincent Devictorv interrogeait : Quelles sont les réponses que l’on peut attendre a priori des espèces communes aux changements globaux, et comment étudier ces réponses en pratique ?
Ces deux interrogations constituent le cœur de ma thèse. La plupart des études en conservation se sont davantage intéressées aux populations de faibles effectifs. Les études concernant les communautés d’espèces communes sont plus récentes, et leurs résultats sont souvent fragilisés par des problèmes conceptuels et méthodologiques pas encore surmontés. Avant d’étudier la réponse des communautés aux changements globaux, je réponds à trois questions qui se sont imposées lors de ce travail: 1) L’ étude des espèces communes est-elle justifiée en conservation ? 2) Que puis-je connaître d’un système complexe étudié sans cadre expérimental ? 3) Que puis-je espérer en terme d’application concrète issue de ce type de travaux ? J’examine ensuite la réponse des communautés à des perturbations anthropiques en me basant sur des cas concrets.
Je m’intéresse dans une première partie au cas particulier des milieux agricoles dans lesquels les enjeux de conservation sont majeurs. Je montre que les pratiques agricoles et le contexte paysager sont des facteurs essentiels de structuration des communautés de plantes et d’oiseaux dans le temps et dans l’espace. Dans cette première partie, les communautés sont essentiellement étudiées à travers leurs richesses spécifiques.
Dans une deuxième partie, je m’intéresse à la réponse fonctionnelle des communautés aux perturbations anthropiques. En particulier, je m’intéresse au remplacement des espèces spécialistes par des espèces généralistes dans les milieux dégradés. Je montre que la réponse différentielle des espèces aboutit à une homogénéisation fonctionnelle des communautés. Je propose dans cette partie d’utiliser cette réponse des communauté pour construire un indicateur de biodiversité. Une originalité de cette partie réside dans la prise en compte explicite de la dynamique du paysage, en particulier de l’urbanisation. Je montre en outre que certains résultats peuvent être généralisés en étudiant un modè le de méta-communauté. Je conclue cette partie en montrant que la réponse dynamique des communautés aux changements d’habitats dans l’espa ce et dans le temps est profonde et facilement quantifiable.
Dans une troisième partie je m’interroge explicitement sur le devenir possible des espèces communes. Je teste en particulier le rôle des aires protégées sur ces espèces dans un contexte de changement global. Je montre que les communautés d’espèces communes fournissent des outils intéressants pour l’évaluation de l’état de conservation des aires protégées et que ces milieux jouent un rôle de refuge pour les espèces communes les plus vulnérables. En conclusion, les résultats de ce travail suggèrent que l’étude de la Nature Ordinaire fournit des résultats essentiels pour la conservation. Conceptuellement, l’écologie des communautés bénéficie d’une base théorique impor tante qui permet de tester des prédictions fortes sur la réponse des espèces. Les problèmes méthodologiques majeurs tels que le problème de la détectabilité et de l’autocorrélation spatiale sont également généralement surmontables. Finalement, ce type d’étude ne doit pas faire oublier que s’intéresser aux espèces communes ne peut être du seul ressort des scientifiques et nécessite le suivi de la biodiversité par des amateurs bénévoles. Dans un monde en mutation de plus en plus artificialisé, cette branche de la conservation semble particulièrement favorable au rapprochement entre les hommes et les espèces de tous les jours dans les milieux proches de nous.  Consulter la thèse.

*****

***

*

Il poursuit ce questionnement aujourd’hui en publiant « Nature en crise » aux Éditions du Seuil, 370 pages, 19,50 euros.

Notre planète traverse une crise écologique majeure.
Le développement effréné des activités humaines se solde par la dégradation des espaces naturels et l’érosion de la diversité du vivant à un rythme stupéfiant. Cette crise de la biodiversité est devenue une épreuve clé de nos sociétés. Elle interroge ouvertement les valeurs susceptibles de guider notre rapport à la nature.
En l’espace de trente ans, les savoirs écologiques et les enjeux liés à la biodiversité ont beaucoup progressé. Il était temps d’en faire une synthèse à la pointe des savoirs et accessible à tous. Vincent Devictor offre un éclairage passionnant et interdisciplinaire sur l’état de notre planète vivante, à la croisée de la dynamique du vivant et de celle des sociétés.