« Moman Mizik Bèlé » : affaire à suivre

— Par Roland Sabra —

C’est le bon moment. Cent cinquante ans et à peine plus et n’étant jamais parti le voilà de retour sous une forme qui creuse son sillon fécond celui d’une autonomie en gestation dans son expression purement musicale. Fils de l’abolition de l’esclavage, mot fourre-tout dans sa formulation générique il recouvre et la danse, et la musique, et l’instrument, et le moment ou il s’exprime, et l’ensemble des valeurs de résistance, de partage, d’entre-aide, de solidarité qu’il charroie sur les terres qui l’on vu naître et sur d’autres.

Edmond Mondésir fait le choix de mettre en valeur sa dimension instrumentale, sans la chorégraphie et sans le chant qui habituellement mène la musique. Au dialogue entre danseurs et tambouyé il substitue un « trilogue » entre le tambour, la basse et la guitare, sur fond indispensable de tibwa auquel le bèlé, puisque c’est de lui dont on parle, doit l’essentiel de sa rythmique. Quant à la ligne mélodique elle est souvent soulignée par le talon pied du tambouyé qui par un frappé-frotté modifie la sonorité du tambour.

L’originalité du travail d’Edmond Mondésir à la basse, de Léon Bertide à la guitare, des trois tambouyés et des deux bwatés dont ils s’entourent permet de faire entendre clairement la musique tambourinaire alors que très souvent l’attention est attirée si ce n’est accaparée par la danse avec toute la richesse de la symbolique culturelle, sociale et politique dont elle est chargée. Les trois tambouyés, Patick Doré, Yoan Lebon et Jean-Baptiste Gina, chacun sur un registre qui allait du classicisme hiératique à l’aventurisme innovateur en passant par la recherche d’une fusion au plus près des mots des autres instrumentistes, chacun donc dans son registre d’expression a su faire valoir et surtout faire entendre des subtilités cachées ou alors tout bonnement ignorées d’habitude.

Si la basse et la guitare ont souvent conversé, elles l’on fait sur un mode un peu trop policé, l’une ne se prononçant qu’une fois le dire de l’autre terminé. Les échanges pouvaient être un peu plus animés quant bien même cela supposait une prise de risque un peu plus grande, à la hauteur de la belle complicité qui les unit. Il était plus difficile pour les bwatés, Camille Doré et Gilbert Abaul et pour des raisons qui tiennent à leur instrument de se lancer dans des « solos » ! Et cependant ils ont été , des supports, des soutiens essentiels et indispensables à la réussite de la soirée.

La salle Frantz Fanon, pleine aux trois-quarts et dans laquelle on notait des présences et des absences significatives d’élu(e)s de la CTM chargées des affaires culturelles, on y reviendra, n’a pas boudé son plaisir et l’a fait savoir chaleureusement aux sept musiciens dont on espère qu’ils auront la bonne idée de persévérer dans la voie qu’ils sont entrain d’ouvrir.

Fort-de-France, le 16/12/2016

R.S.

Moman Mizik Bèle

15 décembre 2016 à Tropiques-Atrium Scène nationale

Basse : Edmond Mondésir
Guitare : Léon Bertide
Tambour bèlè : Patrick Doré,
Yoan Lebon &
Jean-Baptiste Gina
Tibwa : Camille Doré & Gilbert AbaulMizik Bèlé