Mayotte. Loin des yeux, loin des indignations de Manuel Valls

—Par Adrien Rouchaleou —

mosqueeC’est un scandale! La profanation 
d’une mosquée dans le département de Mayotte suscite peu de réactions en métropole.

Certaines personnes ont du mal à admettre que nous vivons au XXIe siècle. Ainsi en est-il de ce militaire de la marine française en mutation à Mayotte, de son épouse et de l’épouse d’un de ses collègues. Le 31 décembre dernier, ils passent ensemble le réveillon, dans le département français de l’océan Indien. La soirée rassemble principalement des militaires et des fonctionnaires de la police aux frontières. La nouvelle année semble avoir été particulièrement arrosée. Les convives s’amusent à se lancer des paris d’ivrognes. L’un d’entre eux ne sera pas simplement stupide, mais aussi particulièrement écœurant. La maîtresse de maison, épouse d’un sous-officier de la légion étrangère, leur confie la tête coupée d’un des deux porcelets qui composaient le repas. Leur mission, qui selon une source judiciaire « a fait beaucoup rire les convives » : aller déposer la tête de l’animal devant la mosquée du quartier de Dzaoudzi-Labattoir, en Petite-Terre.

Grande émotion dans l’île. Le samedi suivant, plus de 3 000 Mahorais défilent dans les rues de Dzaoudzi. Mayotte n’est pas habituée à l’islamophobie. Il faut dire que la population est à 90 % musulmane. Mais elle est aussi profondément laïque.

« Il y a tout un climat au niveau national qui finit par trouver sa traduction dans les outre-mers par des personnes qui ne font pas leur vie à Mayotte », explique le député européen de l’Alliance des outre-mers (membre de la Gauche unie européenne-Gauche verte nordique), Younous Omarjee. Ils sont nombreux ici, les « fonctionnaires de passage » qui ne cherchent pas vraiment l’intégration au sein de la société mahoraise mais voient surtout les avantages de l’éloignement pour leur carrière.

L’indignation grandit à Mayotte. « Mais il faut bien admettre qu’elle n’est pas allée au-delà », regrette l’eurodéputé élu pour la section océan Indien. Car, s’il y eut bien un communiqué du ministre des Outre-mers, Victorin Lurel, Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, qui compte les cultes dans ses attributions, est resté totalement muet. « En général, lorsqu’un lieu de culte est profané, que ce soit une mosquée, une synagogue ou une église, le ministre des Cultes réagit », estime Younous Omarjee. L’actualité lui donne raison : quand, à Paris, une membre des Femen a récemment mimé un avortement dans l’église de la Madeleine, le ministre de l’Intérieur avait tenu à apporter « son soutien aux catholiques de France qui ont pu être offensés par ce geste extrêmement irrespectueux ». Et ses affirmations de vouloir poursuivre les « petits entrepreneurs de la haine » à la faveur de l’affaire Dieudonné auraient pu laisser penser 
qu’il ne laisserait rien passer dans son « combat » contre la haine. « Ça peut se passer loin, ça n’en concerne pas moins toute la France », juge Younous Omarjee. Oui, mais ici, ces affaires ne représentent pas un grand intérêt en termes de récupération politique…

Adrien Rouchaleou

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