Martinique /Guadeloupe : Quels sont les enjeux sociétaux du numérique pour demain ?

—Par Jean-Marie Nol, économiste financier

num_ecoLa numérisation ou digitalisation de l’économie est porteuse d’un risque de déstabilisation des grands équilibres économiques, sociaux et géographiques de la société Antillaise .La révolution numérique bousculera l’économie de la Guadeloupe et plus encore celle de la Martinique plus tertiarisée , car voilà qu’une nouvelle aventure économique se présente, celle de l’économie dématérialisée , et je pense sans risque d’ être contredit que des milliers d’emplois sont menacés à bref délai.

Le principal enjeu aujourd’hui pour rester dans la course est d’être capable d’anticiper un changement de modèle économique et social pour la Martinique et la Guadeloupe . C’est cette longueur d’avance qui permettra de mieux gérer les conséquences du numérique sur l’emploi et l’organisation de l’économie , en faisant notamment des diagnostics des transformations possibles de la société . Aux Antilles , la majorité des entreprises reste encore à l’écart de cette digitalisation de l’économie. Si on prend l’exemple du commerce en ligne, une très faible proportion des entreprises exerçant en Guadeloupe s’y est convertie. Cela contraste avec les particuliers, qui ont déjà intégré ce mode d’achat.Aujourd’hui, le numérique affecte l’activité d’une entreprise à toutes les étapes. Il permet d’en améliorer les processus, et la productivité ,mais constitue un danger pour l’emploi . L’extension des possibilités d’automatisation remettra notamment en question la place de l’homme Antillais dans les processus de création de valeur, y compris sur l’aspect décisionnel.

En s’appuyant sur une enquête menée en 2013 par l’université d’Oxford,le cabinet Roland Berger estime que 42 % des métiers en France présentent une probabilité d’automatisation forte du fait de la numérisation de l’économie. L’informatique décisionnelle (cloud, big data, apprentissage automatique), la robotique avancée et les objets connectés constituent autant de tendances susceptibles de modifier profondément, au-delà de la production de biens matériels, des activités intellectuelles que l’on croyait jusqu’ici protégées. »Le cabinet note qu’« une telle évolution déstabiliserait en profondeur les classes moyennes françaises, car de nombreux emplois de services seraient touchés. » Parmi eux, ceux des banques et des assurances, mais aussi de la santé et de l’enseignement (les diagnostics et prescriptions médicales, tout comme les cours, ayant vocation à être de plus en plus informatisés). A l’horizon 2025, trois millions d’emplois supplémentaires pourraient être détruits dans l’Hexagone, contribuant à l’augmentation d’un taux de chômage qui pourrait atteindre les 18 % à cette échéance. Et si la numérisation de l’économie ouvre des perspectives de création d’emplois dans l’environnement ( la transition énergétique )et la relation client comme dans les nouvelles technologies elles-mêmes, les postes créées ne se substitueront probablement pas à ceux détruits, que ce soit en termes de niveau de compétence requis, de proposition sur la chaîne de valeur ou de répartition géographique.

Dix années cruciales à venir pour la Martinique et la Guadeloupe avec sept impacts majeurs :

Il s’agit :

– de la diffusion massive de nouveaux outils de travail, tels les smartphones, les tablettes et les applicatifs professionnels, mais aussi les réseaux sociaux,

– des modifications des conditions d’exercice de tous les métiers, donc des compétences nécessaires et de leur apprentissage,

– des modifications de l’environnement du travail des employés et cadres, de sa porosité avec la vie privée,

-du bouleversement de l’organisation traditionnelle du travail : explosion du travail à distance mais aussi méthodes de travail plus collaboratives et espaces de travail plus ouverts,

– de la transformation du mode managérial, avec le management de projet ou à distance et de l’animation de communautés,

– de nouvelles formes de travail hors salariat, qui supposent de ne pas laisser se développer des zones de non-droit et de poser clairement les principes essentiels à la préservation de notre modèle social.

– de nouvelles menaces sur nos libertés individuelles

Le rapport du Leading Edge Forum distingue également sept « disruptions » majeures. Toutes ne sont pas au même degré de maturité : certaines ont déjà commencé à changer nos repères ; d’autres restent encore dans l’ombre – mais d’ores et déjà le mouvement est lancé. Leur impact sur le monde du XXIe siècle sera comparable à ce que la Révolution industrielle fut au XIXe, note le rapport, s’appuyant sur les travaux de Clay Shirky, expert de l’université de New York, prévient : « entre la chute d’un modèle économique A et l’avènement d’un modèle économique B, il y a toujours une période de chaos. ».

La vague numérique emportera tout sur son passage : business models, barrière entre la vie privée et la vie professionnelle, le salariat… Google, Uber, Netflix, Amazon et les autres s’attaquent à tous les marchés et n’ont que faire des frontières. Le citoyen guadeloupéen ou martiniquais , n’aura d’autre choix que de subir ou s’adapter.

Avec la révolution numérique , la plupart des secteurs aux Antilles perdraient des emplois , excepté l’éducation, la santé, et l’environnement . La robotisation va toucher « les classes moyennes, y compris les classes moyennes supérieures ». La brutalité de la mutation à venir est sans commune mesure .

Les défis posés à notre modèle social actuel sont donc immenses. D’autant que la classe moyenne des services aux Antilles représente le « cœur de la départementalisation ». Si on ne fait rien, la défiance envers les élites va encore augmenter, avec des impacts politiques graves. Le numérique a déjà remis en cause le modèle de la presse et de la musique aux Antilles . On fait comme s’il s’agissait de cas isolés. Il n’y a aucun débat politique sur le sujet, alors qu’il faudrait anticiper, qualifier, dire la vérité… Il faut créer un électrochoc dans l’opinion martiniquaise et guadeloupéenne dès maintenant, expliquer qu’un grand nombre de métiers seront potentiellement touchés .

« la robotisation pourrait être aux cols blancs ce que la mondialisation fut aux cols bleus ». « Elle va toucher les classes moyennes, y compris les classes moyennes supérieures . C’est-à-dire certaines professions intellectuelles, dont on va pouvoir automatiser certaines tâches, comme les comptables, les juristes, les journalistes… La machine saura faire sans l’homme à très court terme. »

Quelques secteurs seraient épargnés . Pour la santé, et l’éducation, aucune perte d’emploi ne serait à déplorer à cause des robots , mais le danger viendra de la réduction de la dépense publique avec une vision et une approche comptable des problèmes financiers que rencontre déja les hôpitaux et les établissements d’enseignement supérieurs. L’environnement, la relation clients et les nouvelles technologies devraient encore mieux s’en sortir puisque des postes seraient créés dans ces domaines.

A contrario,le tourisme , le bâtiment, l’industrie, l’agriculture, l’administration publique, et le service aux entreprises devraient être particulièrement touchés.

C’est bien pour prévenir ce chaos que certains gouvernements veulent introduire dans la législation du travail plus de déréglementation et de flexibilité .Ainsi en est -t-il de la loi travail du gouvernement Français et de la proposition de création d’un revenu universel .

Le revenu universel, c’est quoi?

Revenu de base, revenu inconditionnel, revenu d’existence, allocation universelle… tous ces termes correspondent à la même chose, c’est-à-dire à un revenu distribué de manière inconditionnelle à l’ensemble des citoyens, chômeur volontaire ou involontaire, travailleur à temps plein ou à temps partiel, et cumulable avec d’autres revenus. Tout le monde le reçoit. «Les différences entre ces dispositifs relèvent plutôt des finalités ou des montants envisagés, qui vont de l’équivalent du RSA jusqu’à 750 ou 1000 euros par mois», explique le Conseil national du numérique dans son rapport remis ce mercredi au gouvernement. Et qui peuvent varier en fonction de l’âge, les enfants touchant moins jusqu’à un certain âge.

L’idée du revenu de base est qu’il couvre les besoins primaires, comme manger, s’habiller, se loger.

Pourquoi la réflexion sur un revenu universel doit -t-elle s’accélèrer aux Antilles ?

Parce que l’émergence rapide et intense de l’économie numérique -ou l’économie dite collaborative ou du partage- impliquera un chamboulement inédit dans les marchés du travail des pays développés : l’automatisation des tâches va polariser les emplois, avec la disparition progressive des qualifications intermédiaires et la montée en puissance d’emplois soit très qualifiés, soit peu qualifiés. Selon un récent rapport de l’OCDE, près de 30% des emplois seront substituables à hauteur d’au moins 50%, dont 9% à hauteur de 70%.

Pourquoi la Martinique et la Guadeloupe doivent désormais s’intéresser au sujet ?

Dans un contexte où le chômage de masse persiste déjà depuis plus de quarante ans dans nos régions, où la pauvreté augmente, où le système de protection sociale et des minima sociaux atteint un niveau d’éclatement et de complexité navrants (Allocations familiales, RSA, ARS, PAJE, allocation parents isolé et femmes seules , allocations vieillesse des parents au foyer, etc.) sans permettre de sortir de la pauvreté, et où le système fiscal, est très éclaté, très lourd, mal accepté et peu efficace, l’idée est présentée par ses défenseurs comme une bonne solution.Des signaux très clairs nous parviennent pourtant de la France hexagonale et de l’étranger.Le revenu universel suscite autant de fantasmes que d’interrogations. Dimanche 5 juin, les Suisses ont massivement rejeté la proposition de création d’un « revenu de base universel et inconditionnel » qui envisageait de donner à chaque citoyen helvète, actif ou inactif, jeune ou âgé, un revenu versé par l’Etat. Dans d’autres pays (Finlande, Pays-Bas…), des projets sont en passe d’être testés. En France, une mission d’information a été lancée au Sénat le 31 mai pour étudier la question.En France, presque toutes les personnalités politiques estiment que le revenu universel devrait sinon être appliqué, au moins réfléchi.En Martinique et Guadeloupe , personne n’en parle et même Victorin Lurel dans son rapport sur l’égalité réelle qui relève pourtant de la prospective , n’aborde pas le sujet ou sinon à la marge. La cécité du monde politique Antillais fait peine à voir. Et pourtant dans un proche avenir ,une énorme déflagration économique nous menace , c’est celle du numérique conjuguée à la réduction de la dépense publique et la baisse des dotations de l’ Etat aux collectivités locales . Nous aurons encore beaucoup plus de temps libre pour nos loisirs, mais nettement moins de travail , d’ou cette idée de création d’un revenu universel inconditionnel …. Aussi , il est plus que jamais nécessaire d’établir un lien avec l’économie .

L’INSEE indiquent que l’investissement public et privé en 2016 est toujours en berne tant en Martinique qu’en Guadeloupe . Mais la grille de lecture de l’INSEE est-elle encore pertinente quand on méconnaît ainsi l’effet et la conséquence du numérique sur la panne de croissance que connait nos pays depuis 2009. Nous consommons de plus en plus de services numériques qui sont eux-mêmes le résultat d’agrégats de services numériques. Aujourd’hui, il est tout à fait envisageable de créer ex nihilo une société (quelle que soit son activité) qui ne serait qu’un agrégat de services numériques , avec pour seul investissement un PC à 500 € acheté dans le magasin d’informatique du coin. Dans l’ancien modèle économique, une telle société aurait sans doute dû investir énormément dans son informatique pour arriver au même résultat. Dans 10 ans la société Antillaise sera affectée dans sa globalité par la transformation de son économie par le numérique déja en marche accéléré en France d’ou à notre sens la colère qui se manifeste sur le front social avec la loi travail . La révolution numérique pousse évidemment dans le sens de la déréglementation des marchés domestiques et surtout celui du travail. Cet aspect de la question ajouté aux effets ravageurs du néo-libéralisme ont un impact sur l’économie de la Martinique et de la Guadeloupe qui est d’ores et déja condamnée à une spirale de décroissance dans laquelle moins d’investissement et moins de productivité provoquera encore moins de croissance donc moins d’emploi et de revenus .Pourquoi en effet investir dans un secteur amené à péricliter comme nous le montre l’exemple de l’hôtellerie ? Les nouvelles technologies de l’information et du numérique facilitent nos vies, en fluidifiant nos transactions et notre consommation, mais quid d’un revenu supplémentaire à partager ? Retirer des liquidités dans un distributeur automatique au lieu de le faire au guichet ne génère aucune richesse supplémentaire , mais a détruit l’emploi de guichetier et bientôt détruira celui de conseiller clientèle . Schéma identique lorsque l’on envoie un mail au lieu d’une lettre depuis le bureau de poste. Nous gagnons du temps mais, au final où se trouve la véritable création de valeur qui crée l’emploi ? La révolution numérique est lourde de menaces pour la Martinique et la Guadeloupe car elle se caractérisera à horizon 2025 par le fait qu’elle bouleversera l’économie, par les fortes mutations qu’elles entraînent dans la manière dont les richesses sont produites. Cela constitue une grave menace à la création d’emploi pour deux raisons. D’une part, les travailleurs qui ne satisferont pas aux nouvelles conditions de qualification ne peuvent pas postuler à ces emplois de type nouveau . D’autres part, les travailleurs en milieu de carrière qui désireraient se recycler dans une autre activité ne peuvent pas non plus le faire et risquent de se retrouver chômeur à la place.

Cette révolution introduira une rupture qui impactera, chaque jour, nos vies et nos habitudes avant de transformer l’économie dans son ensemble.Vous l’avez sûrement lu : près d’un emploi sur deux (47%) serait menacé par la numérisation de l’économie. C’est ce qui ressortait d’une étude réalisée par Frey et Osborne, deux chercheurs de l’Université d’Oxford. « Dans tous les pays, ce sont les travailleurs les moins instruits qui courent le plus de risque de voir leur emploi supprimé. Si 40% des travailleurs avec un niveau inférieur au deuxième cycle du secondaire occupent des emplois ayant un fort risque d’automatisation, moins de 5% des travailleurs diplômés de l’enseignement universitaire sont dans le même cas », note l’OCDE .C’est pourquoi nous avons insisté à maints reprises dans nos précédents articles sur l’importance de l’excellence de l’éducation de nos jeunes et notamment insisté sur le rôle joué par la formation, rappelant que partout dans le monde , l’ employabilité profite plutôt aux plus diplômés des grandes écoles. Nous sommes en train de vivre aujourd’hui la quatrième révolution industrielle, celle du numérique, sans croissance économique et donc sans emploi. En effet, l’innovation numérique malgré ses nouveaux produits d’information et de communication, n’est pas autant créatrice de croissance et d’emplois que les innovations industrielles d’autrefois. Nous vivons une période dans laquelle la vague de la destruction provoquée par les progrès de l’informatique ne parvient pas à tirer suffisamment vite celle qui est créatrice de nouvelles activités et de nouveaux emplois.Cette perte des emplois dans la classe moyenne n’est pas compensée par de nouveaux emplois issus de nouvelles activités.

Dans la décennie à venir on risque d’assister à un phénomène économique pervers de paupérisation de la population guadeloupéenne et martiniquaise avec le numérique ,et ce du fait de la décrépitude des anciennes entreprises et de l’absence de recettes en provenance du secteur numérique. Il faudrait donc compenser par une fiscalité directe accrue. C’est un cercle vicieux sur lequel nous reviendrons plus bas. Ce choix de gains microéconomiques à très court terme pourrait provoquer une perte macroéconomique à long terme, en cascade et en progression géométrique.Le modèle économique actuel actuel de la Guadeloupe et de la Martinique est à bout de souffle, relativement lourd et rigide, il sera bousculé entre autres par le numérique. Aussi bien sur le plan du salariat classique ( dégraissage massif des emplois de service ou administratifs ) que sur celui de la fiscalité ( disparition de l’octroi de mer avec la problématique du financement des collectivités ). Ce ”nomadisme technologique”, qui révolutionne le travail et peut fasciner, est néanmoins porteur d’une menace imprévue : diminuer les emplois et le tissu des entreprises fiscalement contributrices. Ce qui effraie dans l’économie numérique, c’est l’ampleur de la menace de destruction d’actifs. Tous les emplois de service créés au XXe siècle, ceux-là même qui font le cœur de la classe moyenne comme le secteur bancaire, les assurances ou les agences de voyages, sont voués à disparaître ou du moins, à subir des transformations majeures.Les professions libérales comme les pharmaciens , notaires et autres avocats sont menacées de disparition dans leur forme actuelle à brève échéance . Les nouvelles technologies portées par le numérique réduisent à l’essentiel les emplois intermédiaires en les remplaçant par des « logiciels ».Un employé qui réalise deux fois de suite le même geste, pourrait, toute proportion gardée, être remplacé par un logiciel, un programme qui le fera une troisième fois, en lieu et place de ce même employé et souvent avec plus de précision et des coûts moindres. Un professeur qui ferait son cours de façon répétitive d’un semestre à l’autre, même au prix de sensibles variations, n’est pas à l’abri de se voir remplacer par un MOOC (L’acronyme MOOC signifie « Massive Open Online Course » que l’on peut traduire par « cours en ligne ouvert et massif ». Cela veut dire que des cours proposés par des écoles et des universités sont désormais accessibles à tous et gratuitement sur Internet. – Les MOOC sont ainsi de plus en plus utilisés dans les entreprises pour former les salariés.

Un rapport du WEF, l’organisateur du forum économique de Davos, a fait grand bruit en 2016. Il prévoit la disparition de 5 millions d’emploi, rendus obsolètes par la révolution numérique.

Comme l’a si bien démontré l’économiste autrichien Joseph Schumpeter (1883-1950), l’innovation possède une double face : l’une créatrice et l’autre destructrice. La croissance est un processus permanent de création et de destruction des activités économiques. Ce processus de destruction créatrice est à l’origine des fluctuations de la croissance sous forme de cycles.Ces vagues successives de création et de destruction de richesses économiques s’accompagnent ainsi d’une transformation du tissu industriel, des structures de l’économie et de celle des emplois. La vague de destruction de richesses précède celle de la création. Chaque vague d’innovations affecte des activités entières, obligeant les entreprises soit à se reconvertir, soit à fermer ou à délocaliser, ce qui entraîne des destructions d’emplois et du chômage.

L’économiste Joseph Schumpeter dans sa théorie de la « destruction créatrice » relevait que les innovations technologiques créaient plus d’emplois qu’elles n’en détruisaient. Ce fut le cas des révolutions industrielles du milieu du XIXe siècle à aujourd’hui.Car au XIXe et au XXe siècle, les révolutions industrielles généraient non seulement de la valeur, mais aussi des biens. Leur production et leur consommation de masse étaient de vrais « dopants » pour la croissance. Les foyers étaient submergés de voitures, d’électroménager, de postes de radios et de télévisions lorsque les seuls biens de la révolution numérique sont davantage limités en termes de volume : smartphones, tablettes et ordinateurs sont insuffisants pour soutenir l’activité. En définitive, la révolution numérique crée moins d’emplois qu’elle n’en détruit ou en transforme. Une faiblesse des gains de productivité qui nourrit une spirale de décroissance dans laquelle moins de productivité engendre moins de croissance, moins d’emplois et in fine, moins de revenus. Cela contribue également à réduire la demande, à décourager à terme l’innovation. Mais avec l’économie numérique (appelée aussi ”ubérisation de l’économie” ou ”économie digitale”), c’est peut-être fini : nous risquons de voir détruire beaucoup plus d’emplois qu’il n’en sera créé. Les plateformes numériques sur terminaux smartphones, tablettes ou PC, en dématérialisant les services vendus par les entreprises mettent ces dernières en danger. En abolissant beaucoup plus d’emplois qu’ils n’en génèrent. Du côté des emplois, la nouvelle génération est « condamnée à la créativité ». Les enfants d’aujourd’hui n’occuperont pas les mêmes postes que leurs parents et devront, dans certains cas, inventer leurs propres emplois. Plus créatifs et plus précaires, ils doivent s’adapter en permanence au nouveau rythme des mutations du marché du travail, qui fait de la créativité plus qu’une qualité, une obligation, voire une souffrance. Le « burn-out » ( un état d’épuisement général, à la fois psychique, émotionnel et mental ) ) remplace les douleurs mécaniques, et les maux psychiques succèdent aux maux physiques des employés du XXe siècle.

Les secteurs de services menacés aux Antilles , outre l’hôtellerie, sont innombrables : restauration, livraisons, voyagistes et agences immobilières, locations de voitures, petits et grands commerces de distribution de toute nature, artisans et services à domicile, secteur bancaire, assurances, etc Sans parler du courrier, des secteurs de l’édition (presse écrite et livres…) et de la diffusion vidéo-acoustique (radios, TV, éditeurs musicaux et vidéo) menacés à terme, non pas de disparition mais d’amaigrissement forcé que ne compenseront pas des créations d’emplois et de richesses dans le digital.

Le nombre d’emplois générés par une plateforme numérique est plus de 100 fois ( !) inférieur à celui d’une entreprise réelle avec des coûts dix fois moindres du fait de l’externalisation des services vers des particuliers ou des indépendants : finis les locaux, les frais d’entretien, les salaires de nombreux employés et les taxes sociales ou fiscales, etc.

C’est l’organisation du travail, telle qu’elle s’est mise en place au cours de la seconde révolution industrielle et après 1945, qui est aujourd’hui ébranlée.D’après le World Economic Forum (WEF), cette quatrième révolution industrielle « entraînera de larges perturbations non seulement sur le modèle des affaires, mais aussi sur le marché du travail pendant les cinq prochaines années. » Les conséquences sur le marché du travail en seraient particulièrement néfastes, puisque le WEF évalue à 5 millions le nombre d’emplois qui pourraient disparaître dans d’ici 2020 dans une quinzaine de pays développés et émergents, du moins si rien n’est fait pour endiguer ce sinistre présage.Des secteurs comme la santé, les services financiers ou l’énergie feront face aux plus grands défis.

Plus aucun job n’est à l’abri. » Une évolution inquiétante ? « Si on veut créer d’autres métiers, ce qui est l’espoir derrière toute révolution industrielle, il faudra les inventer »,

Pour une grande partie des experts interrogés dans ce rapport, la clé pour une transition réussie se trouve essentiellement dans la formation.. Sans une action urgente et ciblée dès aujourd’hui pour gérer cette transition à moyen terme et créer un nouveau modèle économique et social avec une main d’œuvre ayant des compétences poussées pour l’avenir, la Guadeloupe et la Martinique devront faire face à un chômage en hausse constante et à des inégalités accompagnées d’une violence des jeunes incontrôlable .Or, c’est à l’avenir de décider quelle tendance pour la Guadeloupe et la Martinique prévaudra de la tendance générale du monde . Et quelle époque pourrait offrir plus de raisons de rechercher le but et la mission de la philosophie que le temps actuel ? Quelle science contemporaine pourrait jeter la première pierre à la philosophie , d’ou notre appel et nos encouragements à ceux qui poursuivre vaille que vaille le travail entamé pour mobiliser la société civile sur les enjeux d’avenir pour les Antilles . L’analyse de nos idées influe sur la connaissance des choses, et se tromper sur ce que nous pensons, c’est se tromper sur ce qui est….C’est quand on n’a plus d’espoir qu’il ne faut désespérer de rien.( citation de Sénèque issue de Médéa) –

Il faut arrêter de tergiverser et prendre acte que nous ne pouvons plus faire reposer la croissance, le progrès, notre avenir sur les contingences du passé . La révolution robotique et singulièrement numérique qui nous attend va remplacer en Guadeloupe et Martinique près de la moitié de la population active par des machines en vingt ans. Un bouleversement potentiellement catastrophique.Non pas que je doute du mécanisme de la destruction créatrice de l’économiste Shumpeter et de la capacité intellectuelle d’adaptation et d’innovation de nos concitoyens Antillais , mais je doute de la capacité de notre société à encaisser un bouleversement aussi brutal sans basculer dans l’hystérie syndicale, et transformer le rêve de  » l’égalité réelle  » en cauchemar avant qu’il n’ait le temps de se réaliser. Il faut clore la parenthèse de la départementalisation ( changer de statut comme la Martinique n’est pas clore la parenthèse , loin de là … ) qui s’est révélée utile sur le plan social mais prédatrice sur le plan de la capacité productive aux Antilles et nous engager dans une autre voie, celle du changement de modèle économique et social compatible avec l’avènement d’un nouveau monde plus collectif et plus productif . Notre avenir doit changer de perspective et pour l’idéaliste constructif que je suis , cette nouvelle perspective doit nous montrer un futur accessible à tous. Il devient de plus en plus clair qu’il nous faut une nouvelle logique économique de développement capable de nous faire entrer dans un futur plus équitable et plus durable.

Jean-Marie Nol

Economiste financier