Marionnettes : entre des monstres visibles et des pouvoirs imaginaires

— Par Gérald Rossi —

Les figurines d’enfants et la main avec plume. Miniatures, de la compagnie Kiosk Théâtre, de et par Meëlle Legall, Photo : Pierre Acobas

La 8e édition du festival Orbis Pictus a rassemblé plusieurs milliers de spectateurs qui ont découvert le travail de quinze compagnies revendiquant une diversité d’expression artistique présentée dans des formes brèves.

Elles ont envahi le palais du Tau du 28 au 30 avril. Dans des salles vibrant encore (ou peu s’en faut) des cérémonies du sacre de plus de trente rois de France, une quinzaine de compagnies de marionnettes et de théâtre d’objet ont fait escale à Reims du 28 au 30 avril pour la 8e édition du festival Orbis Pictus. Lequel dans son nom rend hommage à la première encyclopédie illustrée due au philosophe tchèque Comenius, au XVIIe siècle. L’association du mot et de l’image était la finalité recherchée alors. Une méthode de pensée et de représentation qui trouve une continuité avec des spectacles de 5 à 30 minutes, « dans des conditions que l’on ne retrouve nulle part ailleurs » reconnaissent les co-directeurs Angelique Friant et David Girondin Moab. En raison de l’exceptionnalité du lieu et de la démarche qui favorise l’émergence de nouvelles expression précisent-ils.

En outre, le festival propose désormais, en collaboration avec la chaire Innovation cirque et marionnette, du Centre national des arts du cirque et de l’institut international de la marionnette, des rencontres professionnelles. Elles ont porté cette année sur le thème de « la vie des matériaux du spectacle vivant » et « l’éco responsabilité des artistes au moment de la conception et de la création des marionnettes ». Quant aux spectacles présentés (joués plusieurs fois durant les trois jours) ils seront pour nombre d’entre eux présentées à nouveau lors de diverses manifestions estivales (1).
Calvino, Artaud, Supervielle…

Ainsi en est-il des trois séquences de « Palomar », un spectacle sur des textes d’Italo Calvino, avec Raquel Silva et Alessandra Solimene, qui conte les tribulations d’un homme qui veut « atteindre pas à pas la sagesse ». Beaucoup plus mouvementées sont « Les funestes épousailles de Don Cristobal », avec les manipulatrices Marie de Nazelle et Paz Tatay, qui en compagnie du musicien Christophe Sabatié organisent dans un castelet luttes pour le pouvoir et la fortune jusqu’à la rencontre avec la grande faucheuse. Cruauté et humour au programme.

Dans un autre registre, beaucoup plus noir encore, Marianne Durand et Marjan Kunaver de la compagnie Yokai, proposent avec « Possession », inspiré de l’oeuvre d’Antonin Artaud, une confrontation entre les croyances, l’imaginaire et les peurs. Avec dans une obscurité presque parfaite, l’évolution d’une forme géante prés d’un corps enfermé et momifié. Loin de guignol.

Autre vision, celle d’Ezequiel Garcia-Romeu qui dans « La Lune » propose de passer quelques minutes en compagnie de divers monstres surgissant d’une mare de boue encastrée au fond d’une sorte de pyramide inversée, sous le regard étonné de notre satellite naturel doté pour la circonstance de longs bras et même d’un vague sourire.

Enfin, mentionnons les travaux de deux jeunes marionnettistes en 3e année à l’école nationale de Charleville. Thomas Cordeiro, avec un conte fantastique de Jules Supervielle «L’enfant de la haute mer » qui ne peut pas ne pas rappeler les drame des réfugiés en Méditerranée. Laura Fédida qui avec ses deux mains et un tas de cendres rappelle avec fureur que le feu peut tout réduire en cendres…
Cette nouvelle édition d’Orbis a ainsi proposé un condensé de l’artisanat de ce théâtre qui sous des formes souvent surprenantes ne cesse de se réinventer.

Sans pouvoir donner un calendrier exhaustif des manifestations du printemps et de l’été où il sera possible d’assister aux spectacles présentés à Reims, citons dans le désordre « La lune » de Ezequiel Garcia-Romeu le 12 mai à Nice; « Palomar » du Manège de Maubeuge au Festival Off d’Avignon en juillet; Les Funestes épousailles de Don Cristobal de la Compagnie Pelele de Toulouse, le 12 Mai en Espagne et en juin en république Tcheque. Sans oublier pour beaucoup, du 18 au 24 septembre, le Festival mondial des théâtres de marionnette de Charleville-Mézières (08)….

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