Marie Stuart, fable sur le pouvoir de Friedrich Schiller

 

— Par Laurence Aurry —

 

 

Théâtre de Fort-de-France les 7,8,9,10,11 octobre à 19h30

 

 

Choisir un drame romantique historique comme Marie Stuart aujourd’hui où le théâtre se fait de moins en moins politique et où la politique se donne de plus en plus en spectacle, relève de la gageure. Comment intéresser les spectateurs contemporains à un conflit qui peut leur paraître si lointain ? Comment rendre la force et le souffle du grand dramaturge allemand, Schiller ? Comment traduire à travers la rivalité de ces figures féminines héroïques, Marie Stuart et Élisabeth 1ère, les enjeux idéologiques, moraux et religieux qui traversèrent le XVIè siècle, en proie aux guerres de religion, et le XVIIIè siècle, avide de libertés ?

 

La tentative est louable. Le choix des costumes et la scénographie témoignent d’une recherche intéressante. La couleur des vêtements, le rouge, le mauve, le gris, symbolise assez bien la passion ou l’austérité selon qu’il s’agit de la séduisante Marie Stuart, de la digne Élisabeth ou des sombres lords, juges de Marie Stuart. Les lignes droites des costumes masculins renforcent le caractère martial de leur personnage. La scène, recouverte de sable, suggère grâce à un effet visuel et sonore, une plage ou une arène où s’affrontent les personnages.

 

Le rôle d’Élisabeth 1ère, interprété par Marie-Céline Tuvache, est remarquable : le ton, l’expression du visage, le maintien, tout suggère la rigueur et la méfiance. Il est regrettable que les autres acteurs n’aient pas su s’élever à son niveau. Le jugement peut paraître sévère cependant Marie Stuart a du mal à nous émouvoir et à honorer son statut d’héroïne romantique. Le rôle est difficile, certes, mais l’actrice Isabelle Siou, peine pour lui donner sa mesure, celle qui nous permettrait de vibrer devant son péril et d’admirer son sacrifice. Il faut dire aussi que les autres acteurs ne lui permettent pas de gagner en intensité. La suivante ressemble plus à une nourrice, l’amant Leicester est insipide et on se demande comment il peut susciter la jalousie des deux reines. Quant à Mortimer, le jeune chevalier converti au catholicisme et amoureux de Marie Stuart, il n’est pas du tout crédible. La scène de viol surprend, sa mort paraît absurde. Bref, pour donner plus d’intensité à ce drame il aurait fallu que tous les personnages se chargent davantage d’une profondeur humaine. Peut-être aussi eût-il fallu une mise en scène plus dynamique et innovante, mettant mieux en relief l’action, ressort essentiel du théâtre romantique. Ainsi, la présence des acteurs, assis dans le fond de la scène n’est pas assez exploitée. S’agit-il d’en faire d’autres spectateurs, des juges ?

 

Malgré ces réserves, on peut saluer le courage de cette troupe qui a osé se frotter à la difficulté. Et on ne peut que déplorer le refus du Théâtre de Fort-de-France d’organiser des matinées scolaires pour permettre aux élèves de découvrir un théâtre qui répond à leur programme littéraire mais qu’ils iront très rarement voir par eux-mêmes, malgré les fortes sollicitations de leurs enseignants. Pour développer une école du spectateur, il faut avoir des spectateurs.

 

 

LAURENCE AURRY