Lycée Schoelcher : sous quel régime vivons-nous ?

par Charles Savannah —

L’article 74 n’a pas encore voté que nous sommes déjà contraints de nous demander quel régime nous régit. Il semble pourtant que nous sommes toujours régit par les lois de la République, et que les élus ont été désignés pour répondre aux besoins et aux vœux d’une population….

Le Lycée Schœlcher doit disparaître

Il doit disparaître pour des raisons idéologiques et parce qu’il est l’enjeu d’une lutte politique dans laquelle ses utilisateurs – professeurs, personnels techniques et élèves – n’ont pas accepté de prendre parti !

Des Arguments contradictoires

La première réponse de la Région a consisté à demander au recteur de fermer le lycée et d’éparpiller élèves et professeurs sur les autres lycées de la Martinique.

L’argument utilisé est la dangerosité: il y a urgence, car le lycée est dangereux. Et, à l’appui de cet argument:

· le bâtiment G qu’on a détruit parce qu’il était dangereux.

· le bâtiment G, lorsqu’on l’a détruit se serait écroulé sur lui-même dès la première poussée….

· d’ailleurs, c’est pour mettre les petits Martiniquais à l’abri qu’on a décidé de reconstruire le lycée ! C’est donc qu’il était dangereux…

La seconde réponse de la Région a consisté à clamer qu’il n’y avait plus nécessité de reconstruire un lycée puisque la baisse des élèves permettait d’en faire l’économie.

Le troisième temps de réplique de la Région : demander au recteur d’éparpiller élèves et professeurs dans les établissements de la Martinique, et, devant son refus, réclamer qu’il diminue sensiblement les effectifs du lycée pour fermer les bâtiments potentiellement dangereux…en conservant les autres en fonctionnement dans l’attente d’une étude sur la dangerosité du lycée !…qui n’interviendrait au mieux qu’en juin compte tenu des marchés à passer…

En même temps, le président de la Région et le président de la commission éducation ont été très clairs : il n’y aura aucune reconstruction du lycée. Il est donc voué à la disparition.

Le comique de cette affaire, si on pouvait en rire, viendrait avant tout de la grande latitude de variation des arguments de la Région qui se contredisent, se marchent sur les pieds sans que cela ne gêne aucunement nos élus.

Mais aucun argument ne résiste à un minimum de connaissance du dossier.

– la dangerosité ne tient pas parce que, si l’établissement est dangereux n’étant pas construit de manière antisismique, il n’a jamais bougé du fait d’un tremblement de terre….contrairement à Frantz Fanon dont on continue d’utiliser un bâtiment fendu de partout et de tout un tas d’autres établissements. La Région ment : le lycée Schœlcher tire sa dangerosité de l’absence totale d’entretien depuis plus de 10 ans quant on en construit d’autres et que le budget est excédentaire. On l’a abandonné pour le faire disparaître ne serait-ce qu’en comparaison d’Acajou II ou de Bellevue.

– La baisse des élèves ne tient pas non plus dès lors que la Région se positionnerait comme nous vers une nette amélioration des taux de passage de 3ème en 2nde et donc vers une progression du niveau des élèves. Autrement dit, le lycée Schœlcher est nécessaire si l’on veut améliorer la réussite des élèves : de cela la Région n’en a cure !

– La fermeture du lycée est impossible car on ne saurait répartir plus du tiers des élèves sur les lycées voisins. Dès lors peut-on considérer qu’un bâtiment est plus dangereux qu’un autre sans étude sérieuse ?

– Mais surtout : aucune étude de résistance aux séismes n’a été conduite sur aucun établissement scolaire de la Martinique. On accuse son chien de la rage pour le noyer. Cette absence d’étude d’impact d’un séisme sur les établissements scolaires du ressort de la Région témoigne de son réel intérêt pour la sécurité des petits Martiniquais.

La leçon de cette histoire :

La Région accuse la Ville d’avoir rejeté son permis de construire. Soit. Peut-être est-ce en effet une manœuvre du premier magistrat de Fort-de-France. Pourtant, nous ne pouvons nous empêcher de nous interroger sur les méthodes de la Région qui a voulu, de son côté, faire de son projet son œuvre exclusive. En n’associant pas la Ville, elle savait qu’elle allait à l’affrontement ! Alors qu’en associant le maire de Fort-de-France au jury du concours chargé de choisir le projet, elle obligeait dès lors le maire à endosser le projet d’une manière ou d’une autre. S’il s’en démarquait, il fallait alors qu’il fasse des réserves qui pouvaient dés lors être intégrées à l’élaboration finale du permis de construire

.
Nous avons bien le sentiment que la Région a décidé d’en finir avec le lycée Schœlcher…

Quelle leçon de démocratie pour nos élèves qui ont découvert un Président de Région désignant toute son action comme le fait de son bon vouloir : « j’ai fait, j’ai décidé » !… Quelle leçon de démocratie pour ces mêmes élèves à voir quelques responsables de l’UPEM – Union des Parents d’Elèves de la Martinique – monter au créneau dès leur sortie de la Région pour leur laver le cerveau : forcément puisqu’ils étaient endoctrinés !

Car nous sommes bien obligés de nous interroger sur le sens de la démocratie : lancer au visage de lycéens dont toute la presse s’accorde à reconnaître l’exemplarité de la manifestation qu’ils sont manipulés traduit bien plutôt le fantasme paranoïaque dans lequel vit la Région.

Dans une vraie démocratie, on écoute, on entend, on comprend et on trouve des solutions. Là, qu’il s’agisse du dialogue avec Jean-Claude Soumbo[1] ou du monologue d’Alfred Marie-Jeanne, ce sont les autres qui devaient entendre….comme des élèves dociles, ce que ne sont plus nos élèves ! Les jeunes sont en effet cruels avec le culte de la vénération personnelle de leurs aînés. En même temps, c’est projeter aussi une image curieuse du syndicalisme, comme s’il pouvait être inféodé au pouvoir !

La disparition du lycée Schœlcher, sonnerait le glas du seul établissement universellement renommé en France et à l’Etranger, elle sonnerait aussi le glas de la formation d’une élite intellectuelle et d’un nombre importants d’élèves moyens qui y trouvent tranquillement leur place.

Mais surtout cette disparition témoigne d’une volonté de réécrire l’histoire, comme si on pouvait résister à la conscience humaine. Il est en effet des histoires qui ne s’écrive pas et se transmettent bien plus fortement.

Les fins de règne sont toujours délétères, hélas[2]…

C.SAVANNAH

Fort-de-France, le 27/11/09

————————————————————————

[1] Le président élu de la commission éducation

[2] Celle-ci est tellement que l’on aurait pu le croire. Nous avons en effet appris qu’

– On menace des syndicalistes, on menace des élèves : ces tentatives d’intimidations sont des pratiques de voyous et de mafieux!..et pourtant cela se passe à la Région et lors d’une réunion de l’UPEM au lycée Schœlcher le lendemain de la manifestation des élèves à la Région.

– On cherche aussi à justifier la scandaleuse et inquiétante colère du Président de région par une pseudo appartenance au PPM du professeur qui a interpellé le Président de la Région, on souligne aussi qu’il n’est pas martiniquais ….

– Enfin, on salit les élèves sur le net

Tout ceci ne signifie qu’une chose : nos élus ont peur de ne pas voir passer le 74 et ils cherchent tous les prétextes pour chauffer la population….S’ils savaient pourtant !…