L’usage commun du patrimoine martiniquais

—Par Roland Tell —

Les élections législatives terminées laissent convalescents les partis politiques, c’est le signe de santé le meilleur pour la Martinique de demain. Du fait de l’abstention massive des jeunes générations, les élus ont enfin compris que le progrès économique reste l’unique ressort de l’avenir martiniquais. Certes, les conditions économiques importent foncièrement au travail de nos milliers de jeunes au chômage, afin de les maintenir à la Martinique, en offrant à chacun d’eux la possibilité réelle et concrète d’accéder à un emploi stable, continu, bien à lui, donc aux avantages du travail rémunéré – valeur principale de la plus haute accession possible à leur vie de personne, et à leur liberté d’épanouissement social.

Il y a là un point d’importance centrale, sur lequel le jeune martiniquais est partie intégrante de la société martiniquaise, ordonné au bien commun de celle-ci. De ce fait, il doit être aussi partie prenante de la communauté économique, donc en droit de réclamer sa part du progrès commun et de l’oeuvre commune, son bien-être moral et matériel au sein même de la sphère économique, commerciale, industrielle, qui, par ses moyens de production, de grande consommation, de communication, de voyage, de tourisme, ont progressivement pris possession du patrimoine commun de la Martinique.

Ainsi, la loi de l’usage commun doit s’imposer à toutes ces entreprises, de telle sorte à rapporter, à la jeunesse désoeuvrée, non la pauvreté et les dénuements du chômage, mais une part de leur abondance et de leur profit, par des actions de formation pratique sur le tas, pour y acquérir les compétences et l’expérience d’une fonction spécifique, selon le choix et les aptitudes générales du jeune, sans perdre de vue les possibilités de mobilité, de flexibilité, au sein de l’entreprise. La jeunesse martiniquaise doit être servie prioritairement dans ses nécessités vitales. N’est-ce pas là une forme d’héritage que de lui assurer, dans son pays natal, les biens élémentaires de la vie humaine, dont elle a besoin, pour ne pas s’expatrier ? Le problème n’est pas de s’en prendre aux intérêts privés des grands groupes installés à la Martinique, mais de les inciter démocratiquement à une organisation plus communautaire, celle de l’usage commun du patrimoine martiniquais, afin de servir au bien commun de tous les Martiniquais. Les deux pouvoirs, politique et économique, doivent collaborer plus étroitement, pour donner vie à l’idéal historique, tel que caractérisé. Faut-il une loi pour une telle régulation ?

La loi de l’usage commun doit donner à chaque jeune martiniquais au chômage le droit d’accomplir sa destinée d’homme et de travailleur chez lui, à la Martinique. Cette même loi doit également assigner aux grandes entreprises industrielles, commerciales, de communication, de culture, de voyage, de tourisme, leurs devoirs fondamentaux, s’agissant de la formation et de l’emploi des jeunes martiniquais. La conscience de la dignité de ceux-ci, et de leurs droits à vivre et travailler au pays ne manquera pas d’être profitable à tous, selon une organisation économique communautaire, portée à un niveau social plus élevé, donc plus civilisé, car mieux intégré au bien commun martiniquais.

Oui, la Martinique doit se faire propriétaire de tous les métiers ouverts sur son sol. Cette propriété fonctionnelle, sociétaire, reconnue au travailleur martiniquais, est devenue de plus en plus nécessaire, afin de maintenir sur place ses forces vives, selon une organisation communautaire, leur garantissant formation et qualification progressives. Oui, la Martinique est notre patrimoine commun, dont toutes les filles et tous les fils du pays doivent avoir en partie possession, notamment par la jouissance du travail, selon un développement personnel, prenant essor à l’intérieur même de l’île. Certes, c’est là un changement radical, mais tout à fait en accord avec les besoins du temps, conforme aussi avec les formes nouvelles d’évolution.

ROLAND TELL