L’irrésistible attrait de l’amour et de la mort

— Par Marie-José Sirach —

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Dans « Splendid’s », la pièce d’Arthur Nauzyciel, qui marche sur les traces de Genet, le spectateur assiste, médusé, à une chorégraphie des amours interdites où souffle un désir incandescent jusqu’ici inavoué. Photo : Frédéric Nauczyciel

Arthur Nauzyciel met en scène Splendid’s, une pièce de Jean Genet publiée après sa mort en 1993. Une œuvre toujours aussi sulfureuse, une pièce d’actualité qui traite de l’homosexualité sans fard.

C’est par la projection d’Un chant d’amour que le spectacle commence. Une œuvre en noir et blanc filmée au plus près des corps et des visages, où le grain de la peau des hommes se confond avec celui de la pellicule. Deux prisonniers dans leur cellule tournent en rond. À travers la paroi qui les sépare, on assiste à un étrange ballet des corps où le désir, la pulsion sexuelle suintent par tous les pores de la peau. Ils se hèlent, se séduisent, s’ignorent, se caressent, s’enlacent. Une danse de l’amour funèbre et virtuelle nimbée de flash-back, à moins que tout soit rêvé, où les deux hommes courent et s’aiment éperdument dans une forêt trouée d’éclaircies solaires. Derrière la porte de leur cellule, le maton, que la vision des corps des deux hommes excite, observe derrière le judas. C’est sous la menace d’une arme qu’il obligera l’un d’eux à lui faire une fellation. Ce film, tourné en 1950 sous le manteau mais avec le soutien d’Henri Langlois, le patron de la Cinémathèque, fut évidemment censuré et dut patienter vingt-cinq ans avant d’être autorisé à sortir sur les écrans. L’homosexualité, l’affirmation d’une sexualité autre dans une France qui, jusque il y a peu, considérait qu’elle était le fruit d’une déviance, une maladie que quelques camisoles chimiques suffiraient à « guérir », Jean Genet en fait la colonne vertébrale de son œuvre. Il filme sans détour une histoire d’amour, défiant par avance les cris d’orfraie poussés par les chœurs des faux-culs dont les prétendants sont légion.

Une atmosphère sombre où les hommes se confessent, sentant leur dernière heure venir

Et tandis que le film s’achève, le rideau se lève sur un décor magnifique, deux couloirs luxueux où les portes des chambres vont s’ouvrir et se fermer sur les protagonistes. Ils sont sept gangsters. Sept hommes barricadés dans un palace après avoir kidnappé et tué par accident la fille d’un millionnaire dont ils voulaient obtenir une rançon. Calfeutrés dans l’un des étages de l’hôtel, s’entame alors ce terrible compte à rebours qui les sépare d’une mort certaine ; temps durant lequel ils vont essayer de gagner quelques minutes en tentant de faire croire que la jeune femme est toujours en vie…

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