L’illusioniste

— Par Roland Tell —

Les problèmes de gestion des Collectivités Publiques prennent de plus en plus d’importance à la Martinique. D’ailleurs, ils sont à l’origine de bien des formes de colère, qui se manifestent actuellement, tant de la part d’entrepreneurs, de transporteurs, d’ouvriers, d’agriculteurs, que de citoyens ordinaires, à l’endroit d’élus divers, préférant soit se boucher les oreilles, soit se faire le plus hautement stellaires par la grandeur présidentielle. En effet, que de présidents à la Martinique !
Leurs coeurs de plomb leur font considérer notre île comme une terre pesante, où l’on trouve, selon eux, des polichinelles de l’assistance, des quémandeurs de services et de subventions, qui ne font aucun cas de leurs discours d’obéissance et de soumission. Et pourtant, il convient d’être attentif aux manifestations contre le mal politique, aussi bien devant les grilles de Plateau Roy, que dans les communes de l’Espace Sud. Mais les dirigeants concernés préfèrent renouveler leur théorie du mal politique, qui est absence de reconnaissance, privation de bien commun, néant idéologique, donc carence de gestion, nihilisation ! Tel président, depuis toujours adepte du plongeon dans l’absurde, se croit désormais la cause première et transcendante de la Collectivité de Martinique. Vieil illusionniste, à l’âme étroite de boutiquier, idole politique, à l’esprit de duperie, et à l’humeur noire, pour qui la crainte explique tout, il révèle de plus en plus son méchant jeu de gueulard mélancolique, face à sa cour de dévotes et de dévots, d’initiative seconde. Ceux-ci se sont inventé l’ennui privilégié d’être des seconds rôles avec, comme boussole, la parole présidentielle d’être de « bons portefeuilles », quitte à baver partout une pieuse litanie à la gloire du Président. A-t-on remarqué la situation de ces femmes et de ces hommes, devenus soudain des représentants humbles et serviles du vénérable illusionniste ? Enfin, est-ce qu’ils voient venir l’orage populaire, qui va éclater contre lui ? Entendent-ils les invectives ? Quel nom convient-il de donner à ce jeu de pouvoir, où des cerveaux sont payés à être inutiles et nuisibles ?
Ce qu’il faut retenir, c’est qu’ils deviennent reconnus dans leurs embarras, à répondre constamment aux entrepreneurs, aux maires, et autres élus, que leurs doléances sont bien à l’abri dans leurs longues oreilles, aussi longtemps qu’il faudra, en vue de la transmission la meilleure au vénérable président. Au fil du temps, certes, ils ont pris assurance, ils retrouvent de bonnes heures à rapporter au Président, comme à un monument de longue et vieille louange. Tous ces moments successifs écoulés, pour se retrouver avec lui en cet Instant suprême, n’est-ce pas là le mystère propre de la transcendance de l’Illusionniste ? Les options, les décisions, prennent alors une fraîcheur existentielle de la bouche même de celui-ci, qui a toutes manières de tirer les ficelles de chacun d’eux, à grandes gesticulations. Que de transpirations pour une décision vraie ! A proprement parler, le Président ne prévoit rien, il a tout sous les yeux, lors de la dite réunion. C’est alors qu’il choisit les exécutants, souvent lui-même, quand l’affaire est d’importance pour le Préfet, et pour les médias. En réalité, tout paraît aventure et improvisation avant la sanction suprême, selon la contingence d’un spectacle politicien, ordonné et dirigé de main de maître. Quand les conseillers disciples, dont le rôle est d’être des occasionnalistes du suffrage universel, avec leur conformisme de militants, bouffis d’orgueil, presque savants, théoriciens devant les micros, contents d’eux par le bruit des mots, ne manquant jamais d’ajouter des éloges à leur président, afin de spéculer des votes favorables, en bons courtisans du citoyen ! Maintenant, raisonnons de plus haut : dans ce renouvellement complet de la politique et des affaires, la Collectivité est constamment en chaleur, avec désirs forcenés d’appâts citoyens, à partir de promesses, de subsides, d’aides, de dons, surtout depuis que le Président est passé du versant de l’indépendance à celui de la compromission.
De tels cheminements politiques ne peuvent certes pas rendre d’immenses services au peuple martiniquais, du fait des préjugés idéalistes des uns et des autres, car les esprits partisans de droite et d’extrème gauche ont encore du mal, aujourd’hui, à retrouver le sens de ce qu’il convient de faire. On l’a vu : quand on parle d’alliance pour la Martinique, quand on prétexte cela, on s’exténue plutôt à mimer les volontés et autres extravagances de l’Illusionniste, par circuit indirect, ou par petites délimitations d’intervention. Certes, de telles trahisons politiciennes sont aujourd’hui paiement : les unes paient les autres, et inversement ! Les solutions propres, les solutions d’intérêt général, venues du terrain économique ou du vécu social, ne sont que des résonances, jusqu’au moment où l’Illusionniste se décide à trancher. En dehors de lui, pas question, pour quiconque, de passer le seuil de la décision, ni de franchir le pas de la démarche personnelle ! Les Conseillers, responsables de secteur, pourtant dits « exécutifs », doivent rester à la racine première de la gestion politique, sociale, éducative, économique !
Et pendant ce temps-là, la Martinique entière reste dans la contemplation douloureuse de l’inertie et du désordre. C’est mortelle lassitude d’espérer un plan d’envergure, pour restaurer notre « Bible de Pierre », au moyen de grands travaux de maçonnerie, où s’imprimeraient à la fois la mémoire du passé et les traditions du peuple martiniquais. Quel édifice pour glorifier l’immortalité et l’éternité des ancêtres esclaves ? Quelles architectures ici ou là, rivalisant de grâce et d’imagination, pour embellir la silhouette de nos communes les plus importantes ? Bien trop longtemps ont disparu de telles pratiques et de tels témoignages, sur la pierre pérénnisés, écrits, pour apprendre à aimer son histoire, ses traditions, ses grands hommes ! Au surplus et de grâce, employez mieux les millions d’euros reçus en dotation, par exemple pour construire un lycée maritime, pour doter la Capitale et sa périphérie d’une seconde rocade de contournement. Employez-les à faire enfin le Conservatoire des Arts, dont la première pierre remonte déjà à un lointain passé. Aidez à faire réparer les derniers beaux édifices de la Martinique, car vous devez compte du passé à l’avenir ! Et surtout regardez enfin vers la mer, pour le renouvellement complet du bien commun, de la production économique, du transport par navettes, des infrastructures s’y rapportant, et surtout du travail pour la jeunesse ! Ce sera toujours cela de gagné. Courage !
Roland Tell