L’hypersexualisation sociale

— Par Culture Égalité —

hypersexualisationFemme : objet de séduction

Durant des décennies, la femme a été considérée comme une mineure ou un objet, une chose que l’on possède et qui peut être « punie », «  dirigée », « utilisée ».

L’éducation des filles, à qui on concédait un minimum de culture, était essentiellement basée sur la valorisation de la bonne épouse et de la bonne mère. D’où l’instauration en France, sous le régime de Vichy, de la « fête des mères » qui institue, encore aujourd’hui, la fécondité comme valeur nationale.

Les luttes féministes, particulièrement durant les années 70, ont permis aux femmes d’obtenir des droits fondamentaux : vote, travail, égalité des salaires, contraception, avortement… Par ces luttes, elles ont entrepris de rejeter la domination masculine et de se réapproprier leur corps.

Aujourd’hui, ces avancées considérables et, particulièrement, la libération sexuelle ainsi que les acquis de la lutte pour l’égalité entre les sexes, sont utilisés contre les femmes par les marchands qui font d’elles uniquement des objets de séduction.

C’est pourquoi le thème de cet article est «  l’hyper sexualisation sociale ».

Définitions de l’hyper sexualisation

L’hyper-sexualisation consiste à donner un caractère sexuel à un produit qui n’en a pas en soi. C’est aussi mettre en avant l’attrait sexuel d’une personne à l’exclusion de toute autre caractéristique ou qualité.

Les messages à caractère sexuels se trouvent partout. La sexualité envahit tout l’espace public.

Les causes

Le seul objectif des capitalistes est de vendre afin d’engranger le maximum de profits. Et, dans ce but, les femmes sont doublement exploitées.

D’abord leur image est utilisée : on peut vendre n’importe quoi, des voitures, du matériel insignifiant… en montrant des femmes nues. Et les marchands ne reculent devant rien. Femmes photographiées dans des attitudes ambigües. Femmes étêtées, découpées en morceau, « mises à prix » comme sur un «étal de boucherie » ainsi que le chante Anne Sylvestre. Femmes de plus en plus jeunes – petites filles – jetées en pâture, comme offertes aux appétits d’adultes pervers. (Campagne Vogue, par exemple).

Mais, de plus, les femmes sont exploitées pour leur pouvoir d ‘achat. Dans une société individualiste en perte de repères et de valeurs collectives, les capitalistes ont réussi à ériger la consommation en valeur primordiale. Et les jeunes, les enfants représentent une nouvelle clientèle de consommateurs et consommatrices très prisée par les différentes industries. Les petites filles tout particulièrement, sont des cibles « privilégiées » : on n’hésite pas à les traiter en petites femmes et à leur proposer des strings (à 6 ans), des soutiens-gorge ampli formes (8 ans) ; des séances de maquillage, de bronzage et même d’épilation complète… Les jouets les plus traditionnels ne sont pas épargnés et l’on n’hésite pas à mettre sur le marché des poupées – voire des poupons – sexy !

Cette érotisation précoce fait vendre, fait consommer et ceux qui recherchent le profit le savent.

En outre, un lien direct est à établir entre ce phénomène et la pornographie qui a également envahi l’espace public (magazines, télé, vidéo, publicité…), imposant ses codes, ses stars, ses « modèles ». C’est l’explosion de l’industrie du sexe qui rapporterait, tous supports confondus, 130 milliards d’euros par an. En Europe et en Amérique du Nord, 20% des sites Internet sont des sites pornographiques !

Et les jeunes, notamment les garçons, sont très exposés à ces images. C’est principalement par le biais de la pornographie qu’ils découvrent ce qu’est la sexualité.

Or, les enfants, les jeunes des deux sexes sont fragilisés dans leur construction identitaire. Et ils se conforment, par souci d’appartenance, aux modèles que leur groupe de pairs approuve.

Les conséquences

Les conséquences sont graves dans tous les domaines :

Santé :

Sous les apparences de la modernité, de l’audace, ces images à caractère sexuel imposent des stéréotypes éculés. Dans les films pornographiques, les femmes sont très souvent montrées comme soumises, asservies, les filles apprennent, de plus en plus tôt, la nécessité de plaire, donc l’importance de l’apparence, avec toutes les dérives qui en découlent : troubles de l’alimentation – anorexie, boulimie – obésité infantile, image corporelle négative, piètre estime de soi…

Développement psychologique :

D’abord celui des petites filles à qui on impose des préoccupations qui ne sont pas de leur âge (on a parlé de « vol d’enfance ») et qu’on met en danger par des tenues qui risquent d’envoyer des signaux trompeurs à leur entourage masculin.

Mais aussi celui des garçons : ils doivent s’imposer comme « mâle dominant » et se conformer à une image de durs, de séducteurs en réprimant leur propre sensibilité.

Relations filles-garçons, sexualité :

Tout cela tend à banaliser les rapports dominé-dominant dans la relation amoureuse. La dimension socio affective est mise au second plan car les garçons recherchent davantage la performance sexuelle et la consommation, et non la relation. Aussi peuvent-ils s’orienter vers l’usage de la coercition, de l’exploitation sexuelle et de la violence sous différentes formes…

Les filles, elles, acceptent – à un âge où elles n’ont pas suffisamment de maturité et de sens critique – des pratiques sexuelles extrêmes qui ne leur plaisent pas forcément, d’où une sexualisation précoce s’accompagnant de conduites à risques qui peuvent les mettre en danger.

Société :

L’hyper sexualisation renforce les rôles sexués, fondement de toutes les inégalités (hiérarchisation des rôles, précarité au travail, inégalités professionnelles et d’avancement dans la carrière…). On assiste donc au recul de l’égalité homme-femme.

Les violences faites aux femmes augmentent.

Les préoccupations scolaires passent au second plan pour l’un et l’autre sexe !

Et, en particulier, les jeunes filles et les femmes ne peuvent que baisser leur niveau d’aspiration et leur ambition.

Enfin, elles se désinvestissent de l’action collective d’intérêt général – politique, associative, féministe – ce qui nuit à la démocratie et au progrès social.

Les leviers

La prise de conscience est le début de la capacité à changer de regard et à lutter contre l’hyper sexualisation. Il faut ensuite agir dans un esprit de prévention aussi bien :

En tant que parent-e :

Développer la « confiance en soi » et l’« estime de soi » de nos enfants pour les rendre capables de résister aux pressions des pairs ou de la société.

Protéger l’identité des fillettes pour qu’elle ne soit pas basée uniquement sur le paraître, la soumission aux regards. Leur expliquer que chaque âge a ses (pré)occupations, ses plaisirs, ses devoirs… Leur dire aussi qu’on les aime comme elles sont…

aider les garçons à sortir de leur image de prédateur

Éviter de « victimiser » les filles, comme si elles étaient toujours plus fragiles, moins résistantes que les garçons.

favoriser chez elles plutôt la solidarité en les élevant sans esprit de compétitivité, de rivalité entre elles.

Etre attentif-ive aux changements de comportements : troubles alimentaires, focalisation sur l’image corporelle, obsession de la minceur… plus généralement, tous déplacements des intérêts intellectuels vers les projets reliés au corps.

Occuper « le temps de cerveau disponible des jeunes » de manière à « muscler » ce cerveau grâce à des pratiques sportives et culturelles saines. Et exiger que les pouvoirs publics assument leurs responsabilités pour rendre ces pratiques accessibles à tou-te-s (équipements, formation, transport…)

En tant que citoyen-ne :

S’organiser en groupes de pression (parents d’élèves, associations de quartiers, associations citoyennes)

Dénoncer publiquement les images dégradantes des femmes ou des hommes dans les émissions télévisées, les publicités, les chansons/clips, etc.).

interpeller les élu-e-s sur les politiques publiques en direction de la jeunesse, lesquelles doivent au minimum :

Développer la capacité d’analyse et d’esprit critique chez les jeunes en faisant entrer dans les apprentissages scolaires l’éducation aux médias et au décodage publicitaire.

Poursuivre dans les écoles des programmes d’éducation à la santé, à la sexualité et à l’égalité filles/garçons (permettre aux jeunes de parler sexualité avec des professionnels ou en famille plutôt que d’aller chercher des réponse dans les films ou revues.)

Aménager des temps de parole pour les jeunes (recueil des craintes, des préoccupations, des besoins). Les amener à discuter de sujets dits « tabous ».

En conclusion, il faut aider notre jeunesse à être des hommes et des femmes libres des diktats marchands, libéré-é-s des stéréotypes sexistes, acteurs et actrices d’une société démocratique avancée, d’égalité entre hommes et femmes….

Ainsi, nous cesserons « d’être le jouet sombre au carnaval des autres »

(Aimé Césaire)

Muriel AMELLER et Huguette BELLEMARRE membres de l’association féministe Culture Egalité

Culture Egalité Juillet 2015