Les vacances cérébrales de Nicolas Bedos

Poster-Tabou

Par Dominique DOMIQUIN

Il m’arrive de sourire en lisant ou en écoutant une chronique de cet enculé de Blanc franchouillon qu’est Nicolas Bedos. L’animal a des lettres et du talent et, chose assez rare dans le chobize, il n’est apparemment pas que le fils de son père. Ce n’est donc pas par racisme éculé que dans ses chroniques « Indolence insulaire » et « Voyage en Chirac » parues sur le site www.marianne.net le 9 décembre dernier, Bedos-Le-Jeune, qui vient de passer ses vacances en Guadeloupe dans la peau d’un gros con, peint les Noirs autochtones comme oisifs et qu’il les traite savamment d’enculés. Je suppute qu’il cherche sincèrement à éclairer les consciences (de gros cons) en faisant de la provoc facile enguirlandée de bons mots, non point à l’encontre desdits gros cons Blancs, mais envers les Nègres qui l’ont accueilli. C’est humain comme la maladresse, la paresse intellectuelle ou la panne d’inspiration.

Si je voulais la jouer « bobo branché super cool détendu des zygomatiques », je dirais que les chroniques de Nicolas Bedos sont dans la lignée du sketch « les juifs » de Pierre Desproges (monument de déconstruction de clichés xénophobes), qui compte parmi mes humoristes préférés. Un orfèvre qui, dans son Dictionnaire Superflu à l’Usage de l’Elite et des Biens Nantis (Seuil, 1985), écrivait « Les noirs ont le rythme dans la peau, la peau sur les os et les os dans le nez. » ou encore « Quand un Blanc dit qu’un Noir est un con, on dit que le Blanc est raciste. Quand un Noir dit qu’un Blanc est un con, on dit que le Blanc est un con. ».

Gustave Flaubert, un autre de mes auteurs français favoris (et qui n’était pas la moitié d’une andouille), avait inauguré le genre avec son fameux Dictionnaire des Idées Reçues. Ainsi, à l’entrée « NÈGRE » on lit « Il faut toujours parler nègre pour se faire comprendre d’un étranger, quelle que soit sa nationalité. S’emploie aussi dans le style télégraphique. » ou encore « S’étonner que leur salive soit blanche et de ce qu’ils parlent français. ». A l’entrée « NÉGRESSES » on lit « Plus chaudes que les Blanches ».

Louis de Funès aussi m’a fait rire. Surtout certain personnage veule et récurrent qu’il aimait à camper : écrasant les faibles ; servile face aux puissants et colportant au gré des films une sacrée panoplie de clichés coloniaux sur les noirs, les juifs, les arabes et les asiatiques… N’importe quel Noir guadeloupéen vous dira que de Funès fut à la fois utile et drôle. Tout ça pour dire que nous avons compris dans quelle lignée illustre souhaite s’inscrire Bedos-Le-Jeune, au-delà de son talent génétique, bien entendu ! Nicolas Bedos, en tant qu’enculé parisien Blanc, à misé, à raison, sur l’intelligence, le sens de l’humour au 2e, 3e, 6e degrés des Noirs guadeloupéens. Il est donc en droit d’être surpris de ce qui lui tombe sur le râble : La levée de boucliers de l’association TOUS CREOLES (qui ne porte pas plainte) puis du collectif DOM qui lui, par contre, compte ester.

Pour aider Bedos-Le-Jeune à comprendre mon dilemme, il me semble utile de lui remémorer le travail d’humoristes trash et d’auteurs de sketches hardcore, certes moins talentueux mais qui, bien avant lui, nous ont lancé des saillies hilarantes, profondément entrées dans nos annales de Nègres enculés, et dont voici un florilège non exhaustif :

Diderot et Raynal, lumineux encyclopédistes et pétomanes à leurs heures perdues, suggèrent de faire bêcher les noirs en cadence pour lutter contre leur mélancolie et accroître en même temps leur rendement. (Le pied !)

Montesquieu (De l’esprit des lois) : « Ceux dont il s’agit sont noirs depuis les pieds jusqu’à la tête et ils ont le nez si écrasé qu’il est presque impossible des les plaindre… Des petits esprits exagèrent trop l’injustice que l’on fait aux africains » (Hilarant, n’est-il pas ?)

Voltaire (Essai sur les moeurs et l’esprit des nations) : « Leurs yeux ronds, leur nez épaté, leurs lèvres toujours grosses, leurs oreilles différemment figurées, la laine de leur tête, la mesure même de leur intelligence, mettent entre eux et les autres espèces d’hommes, des différences prodigieuses. Et ce qui démontre qu’ils doivent […] cette différence à leur climat, c’est que des nègres et des négresses, transportés dans les pays les plus froids y produisent toujours des animaux de leur espèce et que les mulâtres ne sont qu’une race bâtarde d’un noir et d’une blanche ou d’un blanc et d’une noire. » (Savoureux !)

Victor Hugo : « L’Afrique n’a pas d’histoire ; une sorte de légende vaste et obscure l’enveloppe. C’est ce qui est absolu dans l’horreur. Cette Afrique farouche n’a que deux aspects : peuplée, c’est la barbarie ; déserte, c’est la sauvagerie. » (Je pouffe !)

Je ferai grâce à Monsieur Bedos des sketches de Joseph Arthur Gobineau (1816-1882), théoricien du racisme français et germanique qui connut un grand succès en 39-45 sur la scène internationale ou, plus près de nous, du chansonnier Nicolas Sarkozy en tournée à Dakar : « L’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire ». (Grandiose !)

Jacques Chirac, deux fois président de la République : « blablablaLe bruit et l’odeur… ». (Quel talent ! Quel culot !)

Paul Girot de Langlade, préfet en charge des états généraux de l’Outre Mer en juillet 2009 à l’aéroport d’Orly : « Il y a que des noirs ici ! On se croirait en Afrique ! » (J’adoooore !)

Et puis, plus près de nous, il y eut la bonne blague, certes trop avant-gardiste du parfumeur Jean-Paul Guerlain, que les Noirs du monde entier, dans toutes leurs diversités et nationalités, ont prise bien trop au sérieux : « On dit travailler comme un nègre : Je ne sais pas si les nègres ont tellement travaillé, mais enfin… » (Quel nez ! Quelle classe !)

Vous comprendrez donc, cher Nicolas Bedos, que les Noirs guadeloupéens, (même ceux qui comme moi goûtent Hugot, Diderot et Voltaire), demeurent un brin méfiants et chatouilleux quand on les injurie pour de rire. Evidemment, le buzz c’est bon pour vous. Inévitablement, vos propos feront ça et là l’objet de récupérations politiques. C’est la loi du genre et comme vous vivez du genre, vous n’êtes pas sans savoir que ça fait partie du jeu. En Guadeloupe on est vigilants quand un Noir guadeloupéen (y’a des cons partout) s’égaye dans la connerie « racialisante », même pour déconner. Alors, d’égal à égal, souffrez, s’il vous plaît Monsieur Bedos, que votre liberté de ton et d’expression s’arrête exactement là ou commence la mienne. En outre, si c’est d’inexpérience qu’il s’agit, comme l’a dit Frantz Succab, dramaturge de nos parages, choqué que le judoka Teddy Riner (Noir guadeloupéen) baise en désinvolture la chaussure d’un Blanc aux derniers jeux olympiques : « Il ne savait pas ? Eh bien qu’il apprenne ! »

En Guadeloupe, qu’on se le dise, on ne plaisante pas avec l’humour.

 

Dominique DOMIQUIN

le 4 décembre 2013