« Les Hommes » de Charlotte Delbo, m.e.s. Jeanne Signé & Frlorence Cabaret

18, 19 & 20 janvier 2018, 19h 30 au T.A.C.

La pièce
Les Hommes se déroule dans le fort de Romainville, à l’intérieur de la prison dans laquelle un groupe de femmes, arrêtées pour faits de résistance en 1942, vit depuis quelques mois. Les hommes sont incarcérés de l’autre côté du bâtiment et ne croisent leurs compagnes, leurs femmes ou leurs soeurs qu’une fois par jour, lors de la promenade.
La menace des exécutions et de la déportation pèse chaque jour un peu plus. Pour ne pas sombrer dans l’angoisse et le désespoir, les détenues décident de monter une pièce : Un caprice de Musset, comédie brillante, fenêtre sur un monde à l’opposé de leur quotidien. A l’intérieur de la prison, elles trouvent, en créant, une autre forme de résistance pour lutter contre la résignation et le découragement. Toutes mobilisent leurs savoir-faire, inventant à partir de rien costumes et accessoires. Au-delà des murs ont lieu des actions armées menées par des « camarades » résistants. Les femmes payeront très cher ces victoires contre l’occupant, car en représailles, au moment même où sur une scène de fortune elles jouent Un caprice, leurs hommes sont fusillés.
Notes du metteur en scène
La pièce se passe à l’intérieur d’un dortoir-cellule dans lequel des femmes cohabitent. Enfermées depuis des mois. C’est le silence de la nuit. L’angoisse de la nuit. Le matin, la prison s’éveille, des bruits de portes et de pas nous parviennent. La vie reflue, les corps se redressent, la parole reprend ses droits. Comment s’évader quand on est détenues… ? Et si on montait une pièce ? Le théâtre est avant tout l’art de l’incarnation. Face au déferlement d’images, d’informations, il nous est plus que jamais nécessaire d’éprouver à travers des êtres de chair et d’os ce que peut être au quotidien la vie de celles qui ont choisi de combattre pour la liberté.
Derrière ces grands mots, liberté et résistance, c’est en effet une expérience de chaque instant, avec ses souffrances et ses doutes, ses hantises et ses joies, ses peurs et ses espoirs. Sans tomber dans le réalisme, la mise en scène s’attache à matérialiser l’espace de l’incarcération, à restituer cette promiscuité entre les protagonistes, cette vie collective douloureuse et fraternelle, minée par la peur, et animée par l’espoir.
L’espace, d’abord réduit au strict minimum, s’emplira peu à peu des couleurs des costumes et des accessoires, de l’effervescence des étapes de la création. Pour revenir vers la parole simple et nue, la détresse et le courage de celles qui, dans ce moment même où résonne le texte de Musset, sont en train de perdre, pour cause de résistance, leur « homme » et sur lesquelles plane désormais la menace de la déportation.
La mise en scène jouera beaucoup sur la part d’invisible que comporte la pièce. Des bruits de portes, de pas, de gouttes d’eau permettront de retranscrire l’enfermement carcéral, mais aussi l’arrière-plan des combats, les échos de la résistance, la menace des exécutions.
Un personnage, celui de Françoise, double explicite de l’auteur, détient un rôle particulier, un point de vue réflexif sur l’ensemble. La pièce peut se lire comme son récit, le regard de quelqu’un qui sait.
Les dialogues oscillent constamment entre l’expression directe et le refoulement d’une angoisse que l’on sent monter au fur et mesure, le travail de direction d’acteur consistant à ne pas laisser celle-ci envahir tout, à lutter, comme les personnages eux-mêmes, contre une certaine forme de pathétique. Car la dureté des événements qui frappent ces jeunes femmes ne saurait faire oublier leur principal « message », le sens de leur combat : vivre, ce doit être avant tout vivre pour la liberté.

 

Compagnie pARTage & Serge Paumier