Les grands groupes français à l’assaut des salles de cinéma africaines

— par Hermann Boko —

Les grands groupes de l’industrie cinématographique française misent depuis quelques années sur les salles de cinéma en Afrique. Vivendi à travers son réseau CanalOlympia a déjà ouvert depuis 2017 huit salles de cinéma dans sept capitales africaines dont Dakar au Sénégal et Ouagadougou au Burkina Faso. D’ici la fin du second semestre 2018, le groupe Pathé-Gaumont, leader dans l’exploitation des salles en France va inaugurer son premier multiplex en Tunisie. Plusieurs décennies après leur fermeture, les salles de cinéma retrouvent leur public. Est-ce là, le signe d’un renouveau de l’industrie du cinéma en Afrique ?

Le groupe Vivendi peut se frotter les mains. Dix-huit mois après l’inauguration en janvier 2017 à Conakry en Guinée, de la première salle de cinéma du réseau CanalOlympia en Afrique subsaharienne, les résultats sont bien à la hauteur des attentes et des prévisions. « Et Ils sont même plus encourageants », se réjouit, chiffres à l’appui, un porte-parole du réseau qui contrôle maintenant huit salles de cinéma dans 7 pays d’Afrique de l’Ouest et centrale dont le Sénégal, le Burkina Faso et le Cameroun.

En 2017, les salles de cinéma du réseau CanalOlympia ont comptabilisé plus de 90 000 entrées. Boosté en début d’année par le blockbuster « Black Panther » des studios Marvel, ce chiffre devrait plus que tripler en 2018. « L’évolution de la fréquentation est exponentielle puisqu’au 1er trimestre 2018, nous battions déjà largement ce premier bilan », affirme le porte-parole qui précise que les territoires les plus porteurs sont le Sénégal, le Cameroun et le Bénin. Avec des prix low cost (1 500 FCFA, 1 000 FCFA pour les enfants et 5 000 FCFA pour les séances spéciales), l’entrée des salles reste à la portée d’un grand nombre.

Vivendi n’est pas le seul géant du divertissement à avoir jeté son dévolu sur le continent. En Côte d’Ivoire par exemple, le réseau Majestic est déjà présent depuis 2015.

Pathé-Gaumont, l’un des leaders dans l’exploitation des salles en France (750 salles) envisage aussi entamer une aventure africaine en commençant par le Maghreb notamment la Tunisie. Il ouvrira d’ici la fin du second semestre 2018, un multiplex de huit écrans à Tunis. « Alors qu’ils ont beaucoup de moyens, le groupe français va commencer tout doucement par l’Afrique du Nord et ensuite, ils vont faire Dakar, Abidjan. Ils vont tester des multiplex de taille moyenne pour voir ce que cela donne », explique Claude Forest, professeur de sociologie et économie du cinéma à l’université de Strasbourg.

Motivés par l’émergence d’une classe moyenne toujours plus consommatrice de contenus, les groupes français mènent une grande offensive sur le marché cinématographique africain et une course pour le contrôle des salles de cinéma. « Ils ont tous fait la même analyse. Il y a plus de jeunes, le pouvoir d’achat s’élève. Les conditions semblent donc réunies économiquement et sociologiquement pour qu’on puisse avoir à nouveau des spectacles cinématographiques », explique Claude Forest aussi co-auteur du livre Regarder des films en Afrique, sorti en 2017, aux éditions Presses Universitaires du Septentrion.

Conforté par ses bons chiffres, le réseau CanalOlympia prévoit même s’agrandir d’ici la fin de l’année avec la construction et la rénovation d’une vingtaine de salles. Pourtant, il y a encore cinq ans, on était bien loin d’imaginer un renouveau du cinéma dans les capitales africaines. Une grande partie des salles avaient fermé à la fin des années 1990 et au début des années 2000.

Un duopole franco-monégasque

Les grandes heures des salles de cinéma en Afrique francophone se situent entre les années 1960 et 70. C’était le duopole franco-monégasque Secma-Comacico qui détenait un réseau de près de 250 salles de cinéma et se chargeait de la distribution. « Ce sont des films américains, italiens, indiens ou de Hong Kong qui y étaient projetés », rappelle Claude Forest.« Mais à l’époque, il y avait déjà une amorce de distributions des films de certains réalisateurs africains », complète Dragoss Ouedraogo, cinéaste et anthropologue burkinabè…

Lire la Suite & Plus => rfi