Les femmes ne doivent pas battre en retraite

Appel Les orientations de la réforme annoncée ne feront que creuser les inégalités femmes-hommes.
Par un collectif de militantes pour les droits de l’homme, militantes féministes, syndicalistes, universitaires et artistes

femmes_discussionLa réforme des retraites de 2013 sera-t-elle aussi préjudiciable aux femmes que l’ont été les précédentes ? Ce sera le cas si les options aujourd’hui privilégiées par le Président, le Premier ministre et la Commission pour l’avenir des retraites sont adoptées par le Parlement.

Nous refusons les propositions qui visent à retarder le départ à la retraite et à diminuer le montant des pensions, à l’instar de l’allongement de la durée de cotisation ou de la désindexation des pensions sur l’inflation. Ces orientations, dans la continuité des réformes menées ces vingt dernières années, ne feront que creuser les inégalités femmes-hommes.

Aujourd’hui, la pension moyenne des retraitées est de 930 euros mensuels en droits propres contre 1 600 euros pour les hommes ; les femmes perçoivent en moyenne une pension inférieure de 42% à celle des hommes ; deux retraités pauvres sur trois sont des femmes ; parmi les femmes parties à la retraite en 2011, 25% ont attendu 65 ans ou plus pour éviter la décote contre 15% des hommes.

Cette situation est intolérable parce que profondément injuste. Alors que les femmes sont en moyenne rémunérées 27% de moins que les hommes, notre société ne se donne ni les moyens d’atteindre l’égalité professionnelle, ni ceux de combler les inégalités au moment de la retraite. Pire, les réformes successives, en allongeant la durée de cotisation, en augmentant la décote et en relevant l’âge légal de départ ont encore dégradé la situation des femmes. Nous n’acceptions pas cet état de fait hier, raison pour laquelle nous nous étions mobilisé-e-s en 2010, portant ce sujet au cœur du débat public. Nous ne l’acceptons pas davantage aujourd’hui.

Le martèlement d’un discours conférant à l’allongement de la durée de cotisation un caractère prétendument inéluctable ne saurait nous faire rejoindre les rangs des fatalistes. En effet, nous ne pourrions nous résoudre à ce que les femmes subissent la double peine des carrières morcelées et d’une fin de vie précaire. Et nous savons qu’une autre réforme est possible : une réforme plus juste pour tou-te-s et particulièrement pour les femmes.

Pour cela, il est indispensable d’actionner deux leviers : la compensation des inégalités professionnelles au moment de la retraite, et, pour les générations futures, la construction d’une égalité réelle. Pour cela, les mesures sont connues. Elles reposent notamment sur la lutte contre le temps partiel subi, contre le déficit de reconnaissance des métiers féminisés dévalorisés tant socialement que financièrement ou encore contre la pénurie de places en crèche. Ces mesures, en stimulant l’emploi des femmes, sont des leviers pour financer une réforme des retraites juste et solidaire : la Caisse nationale d’assurance vieillesse estime entre 5 et 10 milliards les recettes supplémentaires pour les caisses de retraite qui pourraient être générées par l’égalité professionnelle.

Nous demandons :

– La mise en place d’outils efficaces pour lutter contre les inégalités salariales ;

– La surcotisation des salaires à temps partiel sur la base d’un salaire à temps plein, surcotisation entièrement à la charge des entreprises, afin d’éviter que les salaires partiels ne se transforment en retraites partielles ;

– La suppression de la décote qui n’est rien d’autre qu’une double peine affectant en premier lieu les femmes ;

– La revalorisation des basses pensions et des minima de pension afin qu’aucune pension ne soit inférieure au seuil de pauvreté ;

– La prise en compte des années de formation et d’insertion dans la durée d’assurance validée ;

– L’amélioration des avantages familiaux afin qu’ils compensent mieux l’impact des interruptions de carrières sur les salaires.

Empêchons cette énième réforme de se faire encore sur le dos des femmes !

Premières signataires : Alix Béranger militante féministe, Agnès Bihl chanteuse, Sophie Binet bureau confédéral de la Confédération générale du travail, Marie Cervetti directrice de l’association FIT, une femme, un toit, Annick Coupé, union syndicale Solidaires, Monique Dental réseau féministe Ruptures, Isabelle Gillette-Faye sociologue, Clémence Helfter Osez le féminisme !, Françoise Héritier anthropologue, Danièle Kergoat sociologue, Safia Lebdi présidente des Insoumises, Séverine Lemière économiste, Anne-Cécile Mailfert Osez le féminisme !, Julie Mandelbaum, secrétaire général de l’Unef, Florence Montreynaud historienne, Rayhana Obermeyer auteure et comédienne, Emmanuelle Piet médecin, Nicole Savy Ligue des droits de l’homme, Frédérique Pollet-Rouyer réalisatrice, Rachel Silvera économiste, Annie Sugier Ligue du droit international des femmes, Judith Trinquart secrétaire générale de Mémoire traumatique et victimologie, Julie Vella association Elle’s IMAGINE’nt, Céline Verzelleti commission Femmes de la CGT, Marie Wierink chercheuse associée à l’Ires, Arlette Zilberg réseau Femm’Ecolos. www.retraites-femmes.fr