Le TCSP à l’arrêt dormant…

Par Roland Tell —

Le seul réseau, auquel le transport collectif se constitue aujourd’hui à la Martinique, est celui de la parole politique. En même temps, cette parole ne donne aux Martiniquais qu’un simulacre de présence de bus à l’arrêt, où se montre seulement leur majestueuse présence. En somme, de tout cela, il ne reste que le langage ! Un président parle, un autre aussi parle – existences nues, sans moyens, dans l’espace social martiniquais. En période carnavalesque, la crise politique vide la Martinique de son TCSP fantôme, dont, plus que jamais, seul le langage politique nous parle.

Mais où sont-ils ces bus à haut niveau de service ? A quelles limites se situent-ils des cancans politiques ? La folie de leur attente est pourtant un long silence polpulaire, même à travers les premiers bruits du carnaval. Elle sera présente, la folie, dans les défilés des jours gras. Certes, elle sera là, cachée, peut-être dévoilée par Vaval, visible enfin dans l’espace institutionnel de la Collectivité Territoriale, entre un démarrage, et puis la rupture ! Au vrai, dans l’histoire de la folie politique, jamais on n’a vu un tel niveau d’altération, avec autant de netteté, mettant dans l’embarras les politiciens du transport, et, dans un grand refoulement, le peuple des transportés potentiels. N’est-ce pas ici un petit peu du Moyen Age, où le débat sur la démence ne donnait pas à rire ?

En 2017, l’expérience de la folie des grandeurs se fait dans le calme d’une réunion, dite AOTU, où l’histoire de la Martinique s’immobilise soudain, dans la transparence silencieuse de la misère idéologique de la gouvernance de Plateau Roy. De cette misère, les gouvernants cherchent à échapper, car en eux-mêmes, il y a déjà trop de chaos. Seul reste alors le délire du langage – seule méthode possible de l’invective, où le crachat est un germe. Tenter de dire une chose réfléchie, c’est distribuer la société martiniquaise en deux espaces antagonistes, Martinique Transport, et CFTU. A l’intérieur de cette distribution, le frein à machoires gueulantes, et le frein à mains payantes, ont été tirés rageusement, de toute la semence séparatiste de la CTM, afin qu’aucun voyage ne se fasse désormais vers la ville-capitale, où se fixe de plus en plus le modèle du changement politique.

Certes, il y a des équilibres politiques à atteindre, même par ces politiciens à qui tout manque depuis deux ans, mais qui ont en excès la folie des grandeurs ! C’est pourquoi ils déclarent le TCSP estropié en finances, qui de tout a trop peu, et de la taille en a trop ! Certes, la folie politique n’est-elle pas absence d’oeuvre, de réalisation ? Rendu à lui-même, le TCSP continuera de faire le système des tours, détours, et retours, en son carrefour de garage, selon une continuité de la culture politique, actuellement en cours à la Collectivité Territoriale. Rapportée au problème du transport collectif, cette indication signifie qu’il y a, dans la gouvernance actuelle, un mouvement pour tourner en rond, donc pour enraciner toute orientation politique dans le processus déjà mis en oeuvre, lors du conflit du Parc Naturel Régional Martiniquais. N’est-ce pas que la liberté d’agir est à son sommeil, quand elle est liberté d’indifférence ? C’est là un exercice de soi sur soi, que le président de la CTM et son conseiller exécutif, cumulard de trois mandats, habituent de plus en plus la Martinique, sans jamais aller jusqu’au bout ce ce qui est proposé, après force réunions, assises populaires gigantesques, voire pavés de propositions de quatre cents pages, comme butins de chasse électorale. Hélas, il y a là des traits d’une certaine mystique de célébrants de fête, pour tenir autorité et discours – mystique, cependant fort coûteuse pour des finances publiques, mais surtout fort éloignée des urgences de la vie martiniquaise, par exemple le transport collectif.

Partout où ces deux là agissent de concert, au Parc Régional comme au TCSP, on demeure toujours au niveau du départ, au niveau du commencement. Il y a là un balancement entre intérêt général et intérêt singulier, qu’expriment fort bien les deux réalités citées. Le problème politique qui se pose, c’est que l’un et l’autre n’ont pas de dessein proprement martiniquais, sinon le projet d’un pélérinage à Mathusalem, autrement dit à la longévité électorale, donc au patriarchat politique. L’un et l’autre se situent dans le cadre de leur devenir, de leur en-soi, dans leur enveloppement commun dans le pouvoir, jusqu’à se chosifier presque à Plateau Roy. N’est-ce pas, qu’en leur genre, ils sont plutôt rares, pour être séparés d’une Martinique, qui leur est promise dans son vécu tout entier ? C’est cette alliance singulière, qui est la chair, et le mouvement même, du recul martiniquais ! Car la politique n’est pas un style, c’est-à-dire pas une pratique pour duo d’illusionnistes, s’agissant de l’existence même d’un peuple, des réalités et des expériences que vit celui-ci, des significations historiquement situées, des besoins économiques de vie et de travail, des valeurs fondamentales, des élans constructifs, des exigences quotidiennes de la vie humaine. Car, en chaque Martiniquais, il est une soif de justice et de progrès à étancher, par l’idéal démocratique – ce supplément d’âme, par le sens des responsabilités morales et politiques envers le peuple, et par l’action politique véritable, elle-même langue des actions humaines possibles.

ROLAND TELL