Le satanisme, simple rébellion ou dérive sectaire ?

Livre. Un guide de la mission contre les sectes explique les codes et les rites du phénomène et met en garde sur les possibles endoctrinements.

 

 Par Bruno ICHER

 

QUOTIDIEN : Vendredi 20 octobre 2006 – 06:00

 

Faire, en un peu plus de 100 pages petit format, un tri cohérent dans le bazar référentiel qui hante satanisme, gothisme ou heavy metal, relevait de la mission suicide. Entre Nietzsche, J.-K. Huysmans, Anton LaVey, le créateur de l’Eglise satanique, des groupes comme Cradle of Filth ou les Rolling Stones, la confusion est à peu près totale dans le grand public. C’est pourtant le tour de force accompli par un ouvrage intitulé Satanisme, un risque de dérive sectaire (1).

Le livre effectue un résumé historique plus qu’honorable sur les origines des divers mouvements et s’attache systématiquement à discerner ce qui relève du folklore de l’authentique dérive sectaire. «Il n’y a rien de pire que de laisser un vide face à des peurs nées de fantasmes», résume Jean-Michel Roulet, président de la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires), qui a chapeauté cet ouvrage. «Ce guide grand public est une adaptation d’un travail réalisé pour les magistrats et les services de police ou de gendarmerie confrontés à des affaires criminelles», explique Jacky Cordonnier, universitaire et principal rédacteur de l’ouvrage, qui travaille sur cette thématique depuis une bonne vingtaine d’années. Il a constaté une augmentation significative de ce qu’il nomme les «déviances et troubles publics : tentatives de suicides, automutilations, profanations». 

Inquiétude croissante. De son côté, la Miviludes a perçu une inquiétude croissante des éducateurs, des services de police, des élus, des thérapeutes ou des parents face au phénomène. «Pour autant, nous voulions éviter de dramatiser, reprend Jacky Cordonnier. Nous savons que le chemin est long entre un jeune homme qui s’habille tout en noir et des faits criminels relevant du satanisme.» 

 

De fait, chaque chapitre est accompagné de précautions mettant en garde le lecteur contre l’amalgame avec une rébellion qui ne traduit jamais qu’une bonne vieille crise d’adolescence. En substance, si votre grand garçon ne parle plus à sa soeur, ne veut plus participer au concours de pétanque avec son grand-père et que, en revanche, il a exprimé l’intention de se faire tatouer «666»  sur le torse ou de sacrifier Jojo son hamster pendant la nuit des Walpurgis en écoutant Marilyn Manson, il n’y pas forcément lieu d’appeler les services psychiatriques. Bref, les symptômes décrits dans l’ouvrage, depuis l’écoute forcenée de heavy metal jusqu’à la fréquentation de sites spécialisées, ne conduisent pas directement, loin s’en faut, à une dérive sectaire.

«Vulnérabilité».  «Mais cela traduit une certaine vulnérabilité de ces jeunes, plaide Jean-Michel Roulet . Pour prendre un exemple concret, si un garçon s’achète un T-shirt orné d’une représentation du diable, ce n’est pas bien méchant. En revanche, dans la boutique spécialisée, il risque d’y faire une rencontre avec un représentant d’une secte qui recrute ses adeptes.» 

 

(1) La Documentation française ; collectif, 104 pages, 7 euros.

 

 

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Un guide du satanisme, mouvement à la mode chez les jeunes mais avec des risques de dérives sectaires, est publié lundi par la Miviludes pour aider parents et éducateurs.

Ce guide de 104 pages, tiré à 5.000 exemplaires et vendu en librairie, veut « fournir à tous ceux que le sujet préoccupe un éclairage objectif, inquiétant sans doute mais nullement alarmiste », écrit dans sa préface Jean-Michel Roulet, président de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes).

« Deux cents ans après le Siècle des Lumières, l’attrait des forces des ténèbres demeure bien réel pour certains penseurs et pour des adeptes, en nombre croissant depuis quelques années », poursuit-il. « Cette mode satanique s’accompagne d’un cortège d’exactions, de profanations de cimetières ou de lieux de cultes, de suicides, bref, de passages à l’acte qui, même s’ils ne sont pas très nombreux, restent extrêmement graves ».

« Comme tout sujet de croyance, le Diable dispose, en vertu de l’application rigoureuse de la loi de 1905 et des principes de laïcité, du droit de cité dans notre pays », insiste-t-il. « La seule limite, comme toujours, sera établie par le possible trouble à l’ordre public et par les atteintes aux lois et règlements, notamment les menaces pesant sur les droits de l’Homme, la dignité et l’intégrité physique des adeptes ou des tiers ».

Outre une présentation de l’histoire du phénomène sataniste, de ses bases philosophiques et de ses dimensions actuelles, l’ouvrage fournit des conseils pratiques pour mieux décrypter l’attitude et les pratiques d’un adolescent. Il comporte également une annexe sur l’univers musical d’inspiration sataniste.

Il s’attache à différencier les personnes qui vouent un culte à Satan de celles qui sont simplement imprégnées d’un imaginaire sataniste: gothiques, fans de rock metal, Hells Angels …

Ce guide est destiné au grand public alors qu’un second document existe déjà, réservé aux magistrats et aux enquêteurs, pour leur fournir des outils précis (images, symboles utilisés…) permettant de déceler l’aspect sataniste éventuel d’une affaire de profanation ou de suicide.

 

Source : La Croix