Le recueil « Une pierre est tombée, un homme est passé par là » de Faubert Bolivar

Reprise d’un texte publié initialement sur « Les vagabonds sans trève » avec des illustrations

Faire vœu intime d’ombre et d’amour

Cher tout le monde, femmes, hommes et tant d’autres, l’Histoire naturelle de Pline l’Ancien conte qu’à l’origine de la peinture, il y a l’amour de Callirrhoé, la fille de Butades, un potier de Sicyone ou de Corinthe. Éprise d’un jeune homme qui doit partir à l’étranger, Callirrhoé trace d’un trait de charbon le contour de la silhouette de l’amant qu’une lampe projette sur le mur. La peinture serait née du désir femme d’exorciser le manque, de conserver la trace de la présence aimée dans l’écriture des limites de l’ombre portée, autant dire la représentation du contour, non du corps, mais de la silhouette.

Il en va de même, j’imagine, pour le recueil de poésies de Faubert Bolivar intitulé Une pierre est tombée, un homme est passé par là, paru chez C3 Éditions, un éditeur haïtien :

Il y a l’ombre
Il y a la pluie qui tombe sur l’ombre
Il y a ton cœur qui bat dans l’ombre (p. 11)

Ce livre est le récit d’une genèse occulte, la voix d’une naissance confidentielle : celle de l’acte de création dont la méthode fait la part belle à l’ombre. Inspiration du geste poète, qui joue son jeu, vit par et pour elle, l’ombre est aspiration à la liberté, à la dissidence découverte en transgressant les croyances religieuses et la sagesse populaire qui la prétendent porteuse de malheur, de mort, de néant…
 

Quand je grandissais, il était interdit aux enfants de jouer avec leurs ombres (p. 12)

Insaisissable comme le miroir liquide de l’onde qui fascine Narcisse, image sans consistance, apparence de l’inapparent, trompe-l’œil polymorphe, ouverture vers le dedans et accès aux puissances surnaturelles, l’ombre n’est pas l’homme (p. 12). Elle n’est pas notre homme qui dit avoir conservé son âme d’enfant naïf et bête (p. 45) et avoir appris à ne jamais faire de l’ombre aux autres (p. 12). Notre homme dont le trouble n’est pas l’ivresse du pouvoir menant à l’envahissement infernal par l’ombre qui, dans la conception classique, est signe de folie. Comme chez l’Oreste de Racine :

Mais quelle épaisse nuit tout à coup m’environne ?
De quel côté sortir ? D’où vient que je frisonne ?

La confidence qui nous est faite est le peuplement des folies nées dans la plus grande confusion ou de la plus grande intimité avec la langue, le corps :

Alors mon corps, ce qu’il en reste
C’est-à-dire ma fine ombre du soir (p. 50)

Intimité avec le père défunt et toujours vivant en la figure vaudou et tendre du bœuf à longue queue, intimité avec l’île natale :

Puisque ma terre est mon cœur
Son faible battement d’amour malade
Chante comme les heures où j’aime faible (p. 39)

Intimité avec l’aimée, mi-Hécate noire, belle comme une fleur donnée de la main de la nuit (p. 26), Mi-Iris, « aux pieds légers » dit Homère, dont la bouche est à la portée de l’arc-en-ciel (p. 26).
 

L’amante est évoquée dans l’intime évidence du mystère, du mystère intime de l’évidence de l’amour qui, le poète écrit, est le trou par où mon âme écoule son chant de nuit (p. 13). Alors, le nocturne est-il aussi peur de l’amour et de la perte de l’amour ou de l’éperdu de l’amour qui ne peut être soumis à l’épreuve de la mise en lumière :

J’ai peur du trou en nous
J’ai peur des jours brûlés en file (p. 15)

Le recueil est structuré comme un jeu d’osselets (dos/creux/i/s) énigmatique, musical et vertigineux de grâce surréelle et sensible à la présence d’une fleur, d’un sourire, d’une jeune marchande simple comme un jeu d’enfant :

Ne sachant ni lire ni écrire
Sachant seulement compter
Les jours qui passent et les pièces qu’elle échange
contre d’autres pièces
(p. 81)

La présence — je ne peux que supposer — prosaïque comme une marmite de pois secs (p. 32) ou ultra-terrestre comme l’enfance de l’art de fruiter :

Arbre, j’habite un trou
Où germent des légumes et des fleurs (p. 75)

Les amours prennent la forme de courts poèmes. La mosaïque d’histoires mystérieuses emprunte aux ombres leurs attributs : sorcières, changeantes, sérielles, génésiaques, ambiguës, passagères, étranges, protectrices, oniriques, fuyantes… Cher tout le monde, femmes, hommes et tant d’autres, il est entendu que l’intimité de l’ombre et l’amour est ma vision noctambule, ma narration nocturne d’animal de fiction, comme tout un chacun. Oui, juste une lecture partiale d’un objet littéraire dans la densité extraordinaire duquel bruissent d’autres motifs et matières buissonnant de jeux de langage :

À bouche pleine de feux
À bouche pleine de jours
À bouche pleine de feux toujours d’amour (p. 27)

La confidence, à ténèbres, dit les drames qui la dépassent. Haïti, l’île natale est le creuset créole de toutes les convulsions historiques et sismiques :

Ce jour-là ma terre fut la bouche
d’un grand malheur (p. 38)

On pense à André Breton s’opposant à « toutes les formes de l’impérialisme et de brigandage blanc » quand la parole nyctalope s’horrifie de la clarté civilisée qui s’impose selon les canons de la versification :

C’est ainsi que le jour s’est installé sur nous
Avec son soleil blanc
Sa gaine et ses dentelles (p. 14)

Dans l’alchimie du verbe issu de l’union des imaginaires personnels et collectifs, comment distinguer la part de l’un et de l’autre ? Dans le chahut des sens, qui fait de l’ombre à qui ?

Je suis un paysan amoureux et sans terre
Je suis un paysan amoureux et armé de piques (p. 41)

Les références à la réalité sociale et politique font de ce carnet intime un carnet de déroute de l’humain aux prises avec le présent terrible. Un présent ligaturé au passé, à la souvenance de l’hypothétique ancêtre, double du poète : Bazou, le captif au nom de chien qui aimait au plus profond de son cœur indocile. Héritage oral ? Légende familiale ? Mythe national ? Tout ça sans doute, puisque tout descendant de Bazou et, probablement, tout humain doit se dire : Je suis le rêve et l’espérance de l’esclave.

I am the dream and the hope of the slave
(Still I rise, Maya Angelou)

L’il se pourrait que… de la mémoire rêvée de Bazou est la voix impersonnelle du tout est possible :

Ces gens qu’on a nommés esclaves, mais qui n’étaient que des captifs. L’esclave n’existe que dans le délire des délirants (p. 29)

Le climat ambigu de la voix — d’une exigence noble et humble et viscéralement fantastique — arrache des sanglots de violons (p. 34) émouvants comme le message saturnien de résistance du lieu où la loi est l’injustice absolue :

Au plus lourd de la main, la mort
Telle une porte connue de nos seuls ancêtres (p. 34)

Où la coutume s’appelle esclavage, le crime parfait : légal, béni et payant, a l’aspect de l’écriture comptable. L’état civil de l’homme changé en bête de somme se résumant à l’arithmétique des livres de commerce, la quête de la vérité devient mystique des nombres : 7 comme les têtes de la bête de l’apocalypse ; 30 comme les deniers de Judas ; 77 comme le nombre de fois dont doit être vengé Lamech, le descendant de Caïn, le père du meurtre, car 7 étant le chiffre de la perfection sacrée, mythologique, philosophique, 77 symbolise la multiplication infinie de la violence :

Je suis une bête sept fois cornue
Oui, je suis une bête trente fois bossue,
Je suis une bête soixante-dix-sept fois écorchée (p. 52)

La prolifération illimitée du mal est la malédiction de la mort en reflet non naturel de tout mouvement :

Ce jour-là, j’ai versé une larme discrète et je me suis dit que vraiment nous nous touchons par la mort ce pays et moi (p. 37)

L’homme dont le Cahier d’un retour au pays natal dit qu’on peut parfaitement le tuer, qui peut croire sa tragédie révolue ?

Nous fûmes et nous sommes des gens d’amour, en temps de guerre (p. 28)

Peut-être la littérature, c’est donner voix au corps qui n’en a pas, c’est donner corps à la voix qui en a peu ? C’est tisser, où les impossibilités donnent du fil à retordre, les relations entre les excès et les absences de voix et de corps de tous côtés.

Captif ou pas, qui n’aime pas dans son cœur ? (p. 29)

Et parce que l’homme n’est pas fini, clos sur lui-même, comme qui dirait de l’être parménidien, c’est tenter de suivre à la trace son incomplétude, la filer jusqu’au fond des âges :

Où nous avons poussé nos premiers cris (p. 78)

C’est être le chantre de l’inouïble d’un commencement aussi obscur que la nuit des temps :

De toute manière, la vraie origine, elle est perdue à jamais (p. 22)

Le vocabulaire du poète est familier : Il te dit : Passe (p. 17). En termes filant, même avec la hanche cassée (p. 58) et divaguant, dans les hauts bois, au pluriel de l’exubérance animale, en termes courants, sur le ton de la proximité :

Il te pousse et te porte
Comme une fleur d’amour (p. 17)

Preuve en est qu’il n’y a pas division entre réalisme et surréalisme, pas de dehors à la représentation : de la puissance d’évocation réelle et figurative des noms communs naît des tableaux allégoriques. Mais en latin chrétien, le mot ombre ne signifie-t-il pas allégorie et préfiguration ?

Le matin se lève
Et pose, de sa bouche froide, sur mes branches
Son baiser de mort (p. 69)

Au fil des vers, le lecteur haïtien reconnaîtra quelle langue du créole ou du français fait un bébé turbulent dans le dos de l’autre. Pour les autres, qu’à cela ne tienne ! Dans le fond et dans la forme, comme, cette poétique a des airs de partition musicale dont la polysémie prend au dépourvu, le lecteur, pris aux mots invoquant les nuits de chacun, se pique au jeu, qui dit :

C’est d’un cœur piqué que je t’aime (p. 41)

Convié à interpréter, selon ses désirs et son idée de l’harmonie, les migrations du sens, voire à réinventer sa palette de valeurs profanes et mystiques, le lecteur improvise un peu en chef d’orchestre du jeu ou en ombre, si on veut se souvenir que comme le grec skia, le latin umbra s’est dit pour une personne non invitée amenée par un convive (comme son ombre). Chaque lecture renouvelle l’errance rebelle, recoud le patchwork des variations envoûtantes des figures de style comme le chiasme :

Comme une sainte pour ton fou
Comme une folle pour ton saint (p. 25)

Parallèles, retournements, accélérations et kaléidoscopes de sens, juxtapositions et entremêlements de point de vue incarnent le mouvement ésotérique de l’extralucide :

Le jour, la nuit, j’étoile (p. 58)

Un aède changeant de peau, qui s’ex-piaute dans l’ombre dont il revêt la fourrure de phoque noir échappé, qui sait, du troupeau de phoques de Poséidon que garde Protée, le Vieillard, devin doté du pouvoir de métamorphose. Il y a donc aussi de l’Ovide dans la perspective sans cesse déplacée et l’ardeur initiant aux métamorphoses sans limites entre les règnes humains, animaux, végétaux, élémentaires…

Il y a des chemins que j’emprunte en bête
étrange (p. 49)

Est-ce le descendant de Bazou le captif ou Bazou lui-même qui est la proie contant l’ombre qui l’enlève ? Comme si son regard consentait à toujours plus d’empathie à l’égard du ravisseur, était infiniment disponible pour l’association au hasard, la possession qui libère.

Dans la bouche de la bête que je suis tiennent
Un monde de palais, des langues à n’en plus finir (p. 53)

La mère n’est nommée dans aucune page. Elle est (à) l’origine de tout. Condition de possibilité naturelle et surnaturelle du jeu expérimental, la mère met au jour comme la langue met la conscience à la nuit, à la nuit dérobée de l’être de la langue et de l’autre, cette épaisseur d’opacité immaîtrisable, une profondeur discrète, à l’ordinaire, hors d’atteinte, moins cachée ou refusée qu’en retrait de l’intérieur, qu’à demeure ou au secret dans le secret d’être, étant entendu qu’est secret ce qui se retient de soi-même et se révèle en tant que tel : présence manifeste du secret qu’il préserve.

Il s’arc-bouche à ta source (p. 17)

À la faveur du rapport étroit avec l’autre, la réserve souterraine, cette part d’ombre insaisissable et en laquelle nous résistons, s’ouvre comme par magie :

Toute porte respire par le gond (p. 20)

Symbole de déliaison ou de relation, la porte est seuil infranchissable ou ouverture déclose de l’être sorti, comme par enchantement, de ses gonds :

Lorsque se réveille le porc qui dort en moi
Et que je me mets à pousser des cris de porc (p. 13)

Comme un mot de passe (p. 26), l’intimité permet l’accès aux corps livrés à l’insu de la volonté, du calcul d’intérêt, de quelque but si noble soit-il :

Elle est venue avec son cœur. Je l’ai reçue du même cœur (p. 26)

Si les amoureux ont une prédilection pour l’ombre, n’est-ce pas parce qu’elle est le sanctuaire des petits touts et des grands riens de l’appartenance mutuelle, du don où l’abandon du plus profond de soi en l’autre est synonyme d’essor ?

Je t’invente et t’invite à ma part de ciel (p. 16)

Il ne s’agit pas juste d’une inversion du dedans et du dehors, mais d’interpénétration, donc de l’effacement de l’intérieur et de l’extérieur qui communique ou communie dans un courant ascendant : le prodige de l’abîme fait cime est un transport ! Le partage du même espace.

Nous refaisons le monde au chemin du vent (p. 16)

La liaison est l’ouvrière de la double ouverture, la manœuvre de l’aventure d’être enchevêtrés. Liés l’un à l’autre.
 

Ne faire qu’un, c’est éprouver l’immédiateté de l’unisson des battements des cœurs, la connivence des consciences, l’entretien des regards :

Je t’ai vue me voyant (p. 36)

Dès lors, ce n’est pas le quant-à-soi qui accroît le plus la sensation d’être soi, singulier et irréductible. Parce que l’autonomie est une protection raisonnable, doit-elle pour autant devenir une fin, si l’expérience d’unicité connaît son paroxysme sous le dôme de l’ambiguïté intime ? Car l’alliance est une élection qui nourrit le sentiment d’exister comme la mère nourrit le fœtus hébergé dans l’utérus. La nacelle parasismique de l’intime, le nid de la nuit amante abrite aussi des fatalités crasses du dehors :

Mais, j’ai, de l’amour, une arme pour toucher
Le diable au cœur
En plein cœur, dis-je
En son cœur de merde de diable
Et te garder fraîche
Comme un matin de soleil levé
(p. 19)

L’appel à l’ombre est vœu d’ambiguïté qui dévoile bien la déraison, la violence, la passion brûlante, un vaste champ d’excès exploré en tant que ressorts des nuits nomades qui sont l’écriture des contours intangibles de l’existence avec mille feux d’amour (p. 13) :

Car c’est d’un amour à foutre le feu que je t’aime (p. 33)

Inséparable du souvenir de la bossale à une jambe, aimée de l’ancêtre (p. 65), la figure de la maîtresse sélène est au commencement de l’amour :

J’avais voulu la croire éternelle. Elle l’a été. Une fois. Trois fois. Presque chaque fois (p. 22)

Aux heures diurnes, l’amour n’est-il pas adultère ? Né à l’ombre de la déloyauté :

J’avais un ami dont la maison avait une large porte (p. 22)

Transgresse-t-il le neuvième commandement biblique : tu ne convoiteras pas la femme de ton voisin ? Il est sûr que l’amour tire sa légitimité d’une ivresse océanique :

Comme la mer
En son règne salé d’alcool (p. 23)

Sa ferveur est prométhéenne. Peut-être le premier des marronnages, la seule hybris qui inspire la sympathie.

Je vole du feu en ton cœur chaud (p. 23)

En accord avec des désirs qu’elle n’imagine pas contradictoires, la voix oscille entre la supplique du daigne, mon amour (p. 26) et l’impérieux du cœur dans lequel bat le cœur des ancêtres (p. 31). Sa cantilène s’élève où l’aimée, l’écriture, le corps semblent être une seule et même réalité :

Fais de moi un oiseau de tous becs (p. 59)

Le temps intime est-il volé aux sollicitations, aux exigences domestiques ?

Je l’ai aimée comme l’esclave son temps libre (p. 24)

Personne n’a le dernier mot, l’amour agit de concert avec l’écriture :

Qu’importe ce que tu fus
Tu es ce que je veux
À la pointe de ma langue (p.25)

Chat ; Bœuf ; poule ; âne ; porc sous un charme digne de Circé ; chien fidèle du heurtoir ou fourbe cerbère au seuil de la porte : à l’exception du manicou et des oiseaux, dont le malfini, le bestiaire bolivarien est domestique. Ou si ça tombe, déjà marron. En tout cas, il n’est pas innocent de se prendre pour un chien, un bœuf, dans un lieu où l’homme est pris pour un âne, traité comme une bête de somme, dans un lieu de croyance aux morts vivants transformé en animal.

Ce bestiaire participe d’un monde qui est noir à la façon antique du noir ne désignant pas, comme le blanc, une couleur, dit l’historien médiéviste Michel Pastoureau, mais des qualités d’obscurités qui s’attachent plus aux propriétés de la matière, à la valeur des effets colorés qu’à la coloration proprement dite. Page 34 de l’étude Noir Histoire d’une couleur, on découvre qu’à propos de la perception des noirs, dans la plupart des langues anciennes : « L’accent est mis d’abord sur la texture, la densité, l’éclat ou la luminosité de la couleur » et à la page suivante que le latin continue « parfois de donner priorité à l’expression de la lumière (clair/sombre, mat/brillant), de la matière (saturé/désaturé) ou de la surface (uni/composite, lisse/rugueux) sur celle de la coloration ».

Avec Faubert Bolivar, le lecteur circule aussi dans un monde d’émancipation du noir à la façon du noir moderne qui, comme le blanc, ne désigne pas non plus qu’une couleur, mais le produit d’une anthropologie inégalitaire au service du développement système capitaliste, entendons, une idéologie d’assujettissement structurel d’une partie de l’humanité par une autre, sur le modèle de la matrice originelle de l’infériorisation sociale des femmes, donc de la mère.

Le recueil Une pierre est tombée, un homme est passé par là rompt avec les co(r)des de cette représentation en chantant un ailleurs et un avenir autre que l’impasse catastrophique de la culture divorçant de la nature :

Car bêtes, nous sommes des bouches
Car bouches, nous sommes des bêtes (p. 66)

S’agit-il d’animalité ? Non, ce concept hiérarchique n’a plus lieu d’être dans une pensée voyageuse où l’ombre est clé d’enchantement du monde et de son potentiel d’innovations. Car le monde évolue : ça a toujours été dans ses cordes ! Prétendre le contraire, c’est documenter l’ordre établi dont la reproduction n’est pas une lumière. Certainement pas celle des consciences dont les mots arrachent la vision de l’humain à l’association de la clarté et de la vérité, des ténèbres et de l’erreur. Cette construction lugubre, cette affaire figée s’achève où les imaginations de sens s’élancent depuis tous les horizons, non plus à la paresse et au prévisible, au confort et au convenu, mais à l’inattenduement d’Aimée Césaire, à l’insensément de Marcel Moreau, à l’intelligence vaudou que n’obsède pas la fermeture des frontières entre l’esprit des êtres animaux et des hommes bipèdes par monts et vaux.

Meuh !
Je connais des chemins que nul n’emprunte à
part moi
Meuh ! (p. 47)

C’est dire que l’écologie n’est politique que magique, assomption de la liberté de la nuit à hauteur de marron et à belle audace de poète avouant son empreinte naturelle :

Bête des bois, j’ai une feuille dans les bois
Nul ne sait que j’ai ma feuille qui se plie et se
déploie
Dans les hauts bois
(p. 51)

Cher tout le monde, femmes, hommes et tant d’autres, je vous propose d’écouter le tango Oblivion d’Astor Piazzolla (1921-1992), un bandonéoniste et compositeur argentin singulier, passionné qui a intégré dans une démarche expérimentale tradition du tango et éléments empruntés au jazz, ainsi qu’à la musique classique occidentale, dont le baroque. Oblivion est un terme de l’anglais et de l’ancien français signifiant oubli.

En ce qui concerne la bio du poète haïtien Faubert Bolivar, je vous renvoie au bas de l’article qui lui a été consacré au mois de mai 2016, sans oublier sa page wikipedia et sa fiche sur africultures.com