Le mariage pour tous, une mesure de gauche

Par Olivier Ernest Jean-Marie

Après 10 jours de bataille parlementaire, l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi sur le mariage pour tous. La position des députés et des maires martiniquais sur cette mesure sociétale interroge la classique division de l’échiquier politique entre droite et gauche.
Une majorité de maires de Martinique rejette l’idée du mariage homosexuel. 3 députés martiniquais sur 4 ont voté contre le texte défendu par Christiane Taubira.
Or, il est convenu que la Martinique est aujourd’hui une terre de gauche où François Hollande a recueilli plus de 68% des suffrages le 6 mai 2012.
Il est surprenant que des élus qui se qualifient d’« homme de gauche » ne soutiennent pas la mesure du mariage pour tous qui figurait pourtant dans le programme de François Hollande.
Ceux qui se bousculaient pour être à la table de François Hollande, ou aux premiers rangs du Grand Carbet le 15 janvier 2012 lors de l’escale martiniquaise du candidat socialiste n’ont pas gagné en crédibilité en se positionnant contre cette mesure majeure du quinquennat du président de la République.
Ni ceux qui, lors de la campagne des élections législatives de juin 2012, se présentaient sur les plateaux de télévision comme les plus grands supporters de François Hollande en brandissant à bout de bras son programme (Bruno Nestor Azerot) ou en affichant les photos démontrant leur proximité avec les leaders du parti socialiste français (Raymond Occolier).
Ceux-là, premiers supporters de François Hollande en 2012, ont beau jeu de nous expliquer qu’on peut supporter un candidat sans être d’accord sur toutes les mesures de son programme.
Soit! Mais cette mesure n’est pas mineure. Elle restera comme l’une des mesures marquantes du quinquennat de François Hollande.
A tel point que certains maires « de gauche » sont prêts à ne pas appliquer la loi qui découle de cette mesure (M.Jeanne-Rose), « déléguer » courageusement l’application de cette loi à leurs adjoints ou aux autres officiers d’état civil (MM. Martine, Pamphile, Monthieux, Lavenaire), ou à proscrire, implicitement, à tout officier d’état civil la capacité de célébrer un mariage homosexuel (M. Occolier).
IL PROMEUT L’ÉGALITÉ DE TOUS LES CITOYENS
Quel crédit accorder au soutien de ces « hommes de gauche » au projet du candidat socialiste en 2012 ?
Espérons que lors de l’examen des projets de loi sur le cumul des mandats, et le droit de vote des étrangers, ils se souviendront que ces engagements, de gauche, étaient aussi inscrits dans le programme du candidat qu’ils ont soutenu en 2012.
Je salue la position de ceux qui ont appelé à voter, implicitement ou explicitement, François Hollande en 2012 et qui confirment leur adhésion aux idées de gauche. Bâti sur des valeurs d’égalité et de laïcité, le vote du 12 février 2013 de l’Assemblé nationale en faveur du mariage pour tous s’inscrit dans une avancée sociétale fidèles aux idéaux de gauche. Se déclarer « homme de gauche » et soutenir une position de droite! Je ne sais pas si un homme (ou une femme) politique est, ontologiquement, « de gauche » .
Je pense qu’il y a des idées de gauche qu’il (elle) défend et qu’il (elle) traduit dans ses discours, ses décisions et ses actions.
Le mariage pour tous est un projet de gauche parce qu’il promeut l’égalité de tous les citoyens quelle que soit leur orientation sexuelle dans le cadre du respect de la déclaration des droits de l’homme. Malgré la confusion ambiante, nous pouvons affirmer que l’égalité reste une des valeurs fondatrices de la gauche.
Comment se proclamer « homme de gauche » , prétendre « ne rien avoir contre » les homosexuels en leur refusant l’égalité des droits ?
Par ailleurs, invoquer, pour un élu de la république française, ses convictions religieuses pour s’opposer au mariage pour tous consiste à remettre en cause la laïcité qui acte la séparation des églises et de l’Etat.
Invoquer ses convictions religieuses comme le fait M. Azerot, en Martinique, ce qu’il se garde bien de faire à la tribune de l’Assemblée nationale, n’est donc pas une position de gauche, c’est une position antirépublicaine.
Il est ici important de rappeler que la loi de séparation des églises et de l’état a été adoptée en 1905 par les radicaux et les socialistes contre les royalistes, une partie de la droite catholique et le clergé représenté à la chambre des députés par l’abbé Gayraud, député du Finistère. Aristide Briand, député socialiste, de gauche, a été le rapporteur actif de la commission chargée de rédiger le projet de loi. Le mariage pour tous est un projet de gauche car il repose sur l’idée d’une transformation possible de la société.
La gauche privilégie l’imagination, l’espoir, l’utopie, le changement, la capacité pour l’homme et la société de se transformer et de progresser vers des horizons qui ne sont pas encore connus.
LA FILIATION HORS MARIAGE NE RELÈVE PAS DE L’EXCEPTION
Le socle des valeurs de droite, c’est l’ordre, la sécurité, le conservatisme. Les choses ont une place, les frontières sont bien tranchées. Il en est ainsi et pas autrement.
Au niveau international, ces valeurs ont été diffusées dans les années 1980 par des leaders politiques tels Margaret Thatcher, Ronald Reagan qui ont consacré l’expression Tina (There Is No Alternative : il n’y a pas d’alternative, le libéralisme est le seul modèle)
Pour la droite un autre monde n’est pas possible.
Pour revenir au mariage pour tous, la position de Bruno Nestor Azerot contre ce texte est une position de droite et l’accueil réservé à son discours du 30 janvier à l’Assemblée nationale par les députés de l’UMP et toutes les associations conservatrices de France le confirme.
Pour la droite, le but premier du mariage est de servir de cadre à la filiation. Pour la droite, le mariage ne peut intervenir qu’entre deux personnes de sexes différents parce qu’un enfant ne peut être élevé, aimé, accompagné que par deux parents de sexe différents. C’est comme ça et pas autrement! Il n’y a pas d’alternative!
Or, si on applique le principe de réalité si cher à la droite, la diversité des organisations et sociétés humaines d’hier et d’aujourd’hui montre que ce n’est partout et tout le temps le cas.
En outre, si on se réfère à notre société martiniquaise, d’hier et d’aujourd’hui, la filiation hors mariage ne relève pas de l’exception.
Nous avons tous autour de nous, quand nous ne sommes pas personnellement concernés par ce cas de figure, des amis, cousins, et parents qui ont été ou qui sont élevés par des parents seuls ou accompagnés de proches ou conjoints qui ne sont pas leurs parents biologiques.
Si les questions de la PMA (Procréation Médicalement Assistée) et de la GPA (Gestation Pour Autrui), qui sont liées à la question du mariage homosexuel, sont des questions complexes qui remettent en cause nos cadres de références, il ne s’agit pas de les rejeter ou de les accepter sans réflexions et sans débats.
Dans ces débats, les élu(es) et les représentant (e)s des partis politiques de gauche pourraient pratiquer rigueur intellectuelle et pédagogie afin de dépassionner les échanges et d’élever notre niveau de conscience d’un monde de plus en plus complexe.
Olivier Ernest Jean-Marie